Journée mondiale de la tuberculose 2015

Marcel A. Behr
Marcel A. Behr, MD, MSc. Centre international de TB McGill
Microbiologiste en chef au Centre universitaire de santé McGill
Chercheur en Infection et immunité à l'Institut de recherche du CUSM
Professeur agrégé au Département de médecine de l'Université McGill
 

Quoi que vous pensiez, la tuberculose (TB) n’est pas qu’une maladie d'antan. En réalité, à l’échelle mondiale, elle tue une personne toutes les 22 secondes. Afin d’éradiquer cette maladie mortelle qui sévit encore et toujours à travers le monde, y compris au Canada, nous devons déployer des efforts concertés, ambitieux et soutenus.

Il y a moins d'un an, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS)  a adopté une stratégie sur 20 ans visant un taux de décès, de maladie et de souffrance dus à la tuberculose proche du zéro d'ici 2035. Cette initiative est un pas dans la bonne direction.

Jusque-là, les efforts déployés à travers le monde pour combattre la tuberculose avaient porté sur ce qui était réalisable dans l'immédiat, plutôt que sur l’objectif final souhaité. Ainsi, on ignorait les cas les moins contagieux de tuberculose et on visait la guérison de moins d'un tiers des patients–un manque total d’ambition. Le public accepterait-il un programme mondial ne visant à contrôler qu’un tiers des cas de personnes infectées par le virus Ébola ou encore par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH)?

Il en reste donc beaucoup à faire, chez nous comme ailleurs. Il faut prendre conscience que la tuberculose n’existe pas qu’ailleurs dans le monde. C’est une véritable préoccupation au Canada;  des éclosions surgissent au Nunavik et au Nunavut et des cas sont recensés à Montréal. Cette prise de conscience doit être initiée/impulsée par nos élus au gouvernement fédéral. En ce moment, l'Agence de la santé publique du Canada  n’a pas un directeur désigné pour la lutte contre la tuberculose, contrairement à tous les autres pays. Avons-nous une stratégie définie pour contrer la tuberculose au Canada, et si oui, qui en est responsable?

La tuberculose frappe également les pays d’où viennent nos les immigrants et nos les étudiants étrangers. Près d'un demi-million de personnes développent une tuberculose résistante aux médicaments chaque année, et ces formes incurables de la maladie ne sont qu’à quelques heures de  vol de nos aéroports, de nos lieux de travail, de nos salles de classe, voire de n’importe lequel de nos lieux publics.

Il est également temps de mettre fin à la stigmatisation des personnes atteintes de la tuberculose. Par peur de discrimination, les gens hésitent à demander de l'aide, se retirent de la société ou décident tout simplement d’interrompre le traitement. Les liens, réels ou perçus, entre la tuberculose et le VIH, la pauvreté et l'itinérance ont davantage assombri le nuage qui plane au-dessus de cette maladie. 

Pour lutter contre la stigmatisation, nous devons en parler. 

Oui, la tuberculose est une maladie infectieuse respiratoire très contagieuse qui peut être contractée en inhalant la bactérie qui la cause. Mais pour être à risque de contracter la maladie, il faut être en contact prolongé avec des cas contagieux. Comme la plupart des souches de tuberculose peuvent être traitées avec succès, les personnes atteintes n’ont aucune raison d’hésiter à se manifester. Pour certaines d’entre elles, consulter un médecin, pourrait faire la différence entre la vie et la mort, en plus d’aider à freiner la propagation de la maladie pour de bon.

Au fil des époques, la recherche sur la tuberculose a conduit à de nombreux et importants progrès médicaux, tels que l’élaboration du stéthoscope, la radiographie pulmonaire et plusieurs tests cutanés. Jusqu'aux années 1990, le contrôle de la tuberculose s’est appuyé sur des tests datant du 19e siècle, un vaccin partiellement efficace développé en 1921 et des antibiotiques des années 1940 et 1950. La triste réalité, c’est que la médecine, en évoluant, s’est tournée vers d'autres défis, jusqu'à ce que la résurgence de la maladie, dans les années 1990, nous rappelle que la tuberculose n’allait pas disparaître comme par magie.

Avec un effort mondial et un financement adéquats, des scientifiques motivés et des militants tenaces, l'objectif d'un monde sans tuberculose peut être atteint. Il est temps de passer de la théorie à l'action. Le Canada a un rôle à jouer dans cet effort mondial. Son rôle doit être défini.