Vocation : pharmacienne

La pharmacienne Nancy Sheehan du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) a reçu en mai le Prix d’excellence Roger- Leblanc de l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec. « Ce prix, accordé annuellement par l’association, est considéré par les pharmaciens hospitaliers comme une reconnaissance de l’ensemble de la pratique d’un professionnel, déclare André Bonnici, chef du Département de pharmacie au CUSM. Nous sommes heureux pour Nancy, et très fiers d’elle. »

Ce prix reconnaît l’excellence de la pratique d’un pharmacien durant sa carrière au sein d’un établissement de santé.

Âgée de seulement 43 ans, Nancy n’aurait jamais pu prédire un tel évènement, mais la chose n’est pas si surprenante pour qui connait son histoire.

Nancy Sheehan
« Tout ce que j’ai entrepris depuis un très jeune âge avait pour but de devenir pharmacienne hospitalière et spécialiste en VIH. » — Nancy Sheehan

« J’ai travaillé très fort depuis l’université », raconte Nancy, spécialiste des maladies infectieuses, et en particulier du VIH et de l’hépatite virale. « Tout ce que j’ai entrepris depuis un très jeune âge avait pour but de devenir pharmacienne hospitalière et spécialiste en VIH. »

Dès le début du cégep, Nancy savait quel chemin de carrière elle souhaitait emprunter. Après avoir rencontré un pharma­cien hospitalier dans sa ville natale de Sept-Îles, elle a tout de suite su que c’était ce qu’elle voulait faire. « C’était surtout à cause du rapport avec les autres professionnels de la santé, et de l’approche d’équipe. Dès que j’ai commencé l’université, j’ai planifié ma formation en conséquence. »

À 15 ans, elle prenait déjà les moyens pour aider les gens à mieux comprendre le VIH. « Je distribuais des dépliants sur les habitudes sexuelles sécuritaires pour prévenir la transmission de l’infection. Les médias commençaient à peine à en parler à cette époque. Je m’intéressais au virus, aux populations vulnérables touchées et à la prévention. Il me reste d’ailleurs quelques exemplaires de ces dépliants! »

En 1998, Nancy a terminé ses études et s’est lancée dans le travail. Elle ne s’est jamais arrêtée depuis.

Après un premier emploi à l’hôpital de sa ville natale, elle s’est rendue à l’Hôpital général de Toronto et à l’Hôpital St Michael’s pour se perfectionner dans le domaine du VIH. En 2002, elle a été recrutée par le Dr Richard Lalonde, alors di­recteur du Service de l’immunodéficience au CUSM. « J’ai été facile à convaincre, puisqu’à l’époque c’était le meilleur endroit pour exercer une pratique liée au VIH, et selon moi, ça l’est toujours », dit-elle.

En se perfectionnant aux Pays-Bas en 2004, Nancy a appris à ajuster les doses de médicaments anti-VIH selon les caracté­ristiques des patients, la génétique virale et les concentrations plasmatiques. Grâce à cette base de connaissance, elle est devenue chef de file au sein de l’équipe d’immunodéficience du CUSM. Au Québec, Nancy a participé au développement du Programme provincial de dosage des médicaments antiré­troviraux du Québec, basé au CUSM, ainsi qu’à la formation des pharmaciens pour ce travail. Ce programme provincial, au service des patients séropositifs du Québec, mesure les taux de médicaments anti-VIH dans le sang et ajuste les doses pour assurer le meilleur résultat et limiter la toxicité.

Nancy est également impliquée en recherche et est l’auteure principale de nombreuses publications traitant de l’ajustement des doses de médicaments, l’interaction des médicaments et la gestion des effets secondaires. « Elle est l’une des premières parmi les pharmaciens québécois à avoir publié autant en tant qu’auteure principale, explique André. C’est du jamais vu. »

Mais ça ne s’arrête pas là. Jusqu’à il y a deux ans, Nancy consacrait la moitié de son emploi du temps à enseigner à la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal. Mais l’interaction avec les patients et l’environnement clinique du CUSM lui manquaient. « Je n’enseigne désormais que 15 % du temps sur les sujets qui me passionnent le plus : les maladies infectieuses, le VIH, l’hépatite virale et la médecine tropicale. Et je forme aussi des pharmaciens pour faire de l’aide humani­taire à l’international. »

En collaboration avec l’Hôpital général de Toronto et l’Université de Toronto, Nancy codirige également une ré­sidence en pharmacie très recherchée, durant laquelle les pharmaciens se spécialisent en VIH au cours d’une année supplémentaire. Les résidents passent une portion de l’année à Toronto, et l’autre au CUSM. « Nancy a toujours été une men­tore très prisée par les étudiants », dit André.

Pendant six ans, Nancy a aussi travaillé à la mise en oeuvre du nouveau Doctorat de premier cycle en pharmacie (PharmD) au Québec. « L’Université de Montréal a été la première au Canada à transformer son programme de baccalauréat en pharmacie en PharmD de premier cycle, et désormais le reste du pays emboite le pas, dit elle. Il y a davantage de crédits et de rotations, et plus d’accent sur le travail clinique. »

Lorsqu’on lui demande ce que l’avenir lui réserve, Nancy hésite. « C’est bizarre, parce que ce prix m’amène à meremémorer les 17 dernières années, tout en regardant vers l’avenir. Je vais continuer à travailler à équilibrer ma vie, acquérir un crédit restant pour compléter mon programme de transition vers un PharmD, et participer à plusieurs comi­tés provinciaux et nationaux. Une chose est certaine : je suis très chanceuse de faire partie de l’équipe du CUSM, et je n’ai aucune intention de la quitter. »

André s’empresse d’affirmer que le CUSM a bien de la chance d’avoir Nancy, tout comme chaque patient qui a bénéficié ou qui bénéficiera de son expertise en soins pharmaceutiques.