L'obésité—Notre cerveau et l'appétit
L'une des menaces les plus graves, et qui ne cesse de croître, touchant la santé de la population mondiale est l'obésité chez les enfants et les adultes. En outre, l’obésité alimente le diabète, les maladies cardiovasculaires et d'autres maladies chroniques – des problèmes pouvant sérieusement nuire à la santé des patients, et engorger les systèmes de santé. Afin de mieux s’attaquer aux causes profondes de l'obésité, des chercheurs de l'Institut et Hôpital neurologiques de Montréal (le Neuro) ont étudié l'interaction entre les hormones et le cerveau humain. Plus récemment, ils ont fait de nouvelles découvertes quant à l’impact de la combinaison de la publicité et de la culture alimentaire industrielle sur nos choix et sur les niveaux de consommation.
Il y a plusieurs années, le docteur Alain Dagher, neurologue et chercheur au Neuro, a démontré que la ghréline, une hormone produite par l'estomac, déclenche non seulement la faim, mais agit également sur certaines parties du cerveau humain qui contrôle le plaisir et la gratification – les mêmes régions qui sont impliquées dans les comportements de dépendance. La ghréline stimule fortement l’envie de manger, ce qui peut être un facteur associé à la suralimentation et à l'obésité. « La ghréline est sécrétée lorsque l'estomac est vide et elle active les régions du cerveau répondant le mieux aux signaux alimentaires visuels, faisant paraître la nourriture plus attrayante », explique le docteur Dagher. « Une analogie simple serait de penser au moment où vous magasinez sur un estomac vide puisque vous avez tendance à acheter plus de nourriture et de produits riches en calories. »
Cette recherche antérieure combinée à de nouvelles études d'imagerie cérébrale suggère qu’une des principales raisons de l'augmentation spectaculaire de l'obésité pourrait être la sensibilité accrue à la forte promotion publicitaire des aliments facilement accessibles et riches en calories. Les personnes obèses présentent une plus grande activation du cerveau en réponse aux signaux visuels reliés aux aliments gras ou sucrés, tels qu’engendrés par les publicités télévisées qui s'attardent avec envie sur un hamburger juteux et sur des frites croustillantes. Cela suggère que ces signaux visuels jouent un rôle-clé sur la motivation de quelqu'un pour manger.
Juger de la valeur de la nourriture à partir de son apparence, et surtout en prédisant son contenu calorique, a peut-être été un mécanisme important lorsque la nourriture se faisait rare. Cependant, la culture hautement publicisée d’aujourd’hui, doublée de la commodité des supermarchés offrant une abondance d’aliments délicieusement emballés peut être réellement irrésistible puisque la ghréline influence notre cerveau à nous dire de manger beaucoup plus que ce qui est nécessaire.
« Bien qu'il n'y ait pas qu’une seule avenue menant à l'obésité, il s’agit d’un trouble neurocomportemental : une maladie qui résulte d'un cerveau vulnérable dans un environnement malsain », explique le docteur Dagher. Cette découverte importante sur la ghréline appuie l'idée que l'obésité doit être interprétée comme une maladie du cerveau, et que des parallèles peuvent être tracés entre la faim et la dépendance. Cette découverte favorise également la compréhension des traitements médicamenteux pouvant être utilisés pour lutter contre l'obésité.
Le fait que la recherche prouve que nous sommes sensibles aux signaux alimentaires tels que ceux produits par la publicité ne peut être ignoré, en particulier lorsque cette dernière est associée aux aliments à haute teneur en calories qui sont considérés « addictifs ». Tout comme les résultats prouvant que le tabac crée une dépendance soutiennent les politiques actuelles à l’égard de la nicotine, la neuroscience de l'appétit pourrait mener à de nouvelles politiques limitant ou bannissant les aliments prêts-à-manger des écoles et la publicité de malbouffe visant les enfants. Ces actions pourraient mener à aborder un problème de santé publique dévastateur mais qu’il est possible de prévenir.