À la recherche des causes du cancer du sein

Une étude innovante pourrait aider les scientifiques à identifier de nouveaux facteurs de risque pour le cancer du sein



Dr Mark Goldberg, scientifique travaillant à l’Institut de recherche du CUSM

  

L’histoire a commencé au milieu des années 1850, lorsque le Dr John Snow a établi un lien entre l’eau contaminée et les épidémies de choléra à Londres. En raison de ses travaux, le Dr Snow est souvent considéré comme le père de l’épidémiologie environnementale, qui étudie l’incidence des facteurs environnementaux sur la maladie. 

À notre époque, les humains vivent et travaillent dans des milieux où ils sont exposés à divers agents chimiques ou biologiques, de même qu’à des doses de radiations ionisantes ou non ionisantes. Comprendre l’incidence de notre environnement sur la santé est le défi que doivent relever les spécialistes de l’épidémiologie environnementale comme le Dr Mark Goldberg, scientifique travaillant à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM). Le Dr Goldberg et ses collègues ont récemment publié une étude innovante, qui démontre l’existence d’un lien entre le cancer du sein et la pollution de l’air attribuable à la circulation routière.

Les facteurs de risque ne sont identifiés que dans un tiers des cas de cancer du sein

« Les taux d’incidence du cancer du sein augmentent, mais on ne sait pas exactement pourquoi, déclare le Dr Goldberg. Même si l’on connaît bien les facteurs de risque pour certains cancers, environ seulement le tiers des cancers du sein – la deuxième cause de mortalité chez les femmes – peuvent être attribués à des facteurs de risque connus. Nous avons voulu savoir si la pollution de l’air attribuable à la circulation routière pouvait constituer un facteur de risque. » 

Pour réaliser cette étude, le Dr Goldberg et ses collègues ont utilisé des données provenant de plusieurs projets de recherche antérieurs. Premièrement, ils ont élaboré des « cartes » de Montréal, sur lesquelles figurait le taux de pollution de l’air entre 1986 et 1996. Ces cartes faisaient état des niveaux de dioxyde d’azote – l’un des marqueurs de la pollution causée par les autos et les camions – sur chaque rue de Montréal. 

« En utilisant les données d’une étude que nous avions effectuée en 1996 et 1997, nous avons superposé l’adresse domiciliaire des femmes ayant reçu un diagnostic de cancer du sein et celle des femmes n’ayant pas le cancer du sein, ajoute le Dr Goldberg. Nous avons trouvé des risques de cancer plus grands sur les rues où le niveau de pollution de l’air était plus élevé. »

Nécessité de poursuivre la recherche

Il faut approfondir la recherche pour clarifier la relation existant entre la pollution de l’air attribuable à la circulation routière et le cancer du sein, selon le Dr Goldberg. Par exemple, l’étude n’identifie pas les agents présents dans la pollution de l’air qui causent le cancer. Même si on utilise le dioxyde d’azote comme « marqueur », ce gaz n’est que l’un des nombreux sous-produits des automobiles et des camions – dont certains sont connus pour être carcinogènes. 

En plus de faire d’autres études sur le lien existant entre la pollution de l’air et le cancer du sein, le Dr Goldberg et son équipe se penchent sur les relations existant entre la pollution de l’air et d’autres problèmes de santé. « Par exemple, nous avons établi un lien solide entre la pollution de l’air attribuable à la circulation routière et le cancer de la prostate, qui doit être vérifié au moyen d’autres études, ajoute-t-il. Nous nous sommes également penchés sur la relation existant entre les changements à court terme dans la pollution de l’air et l’état de santé des personnes atteintes d’insuffisance cardiaque congestive; encore une fois, nous croyons qu’il existe un lien. » 

Comprendre les causes environnementales de la maladie nécessite de nombreuses années d’études approfondies, mais la démarche peut s’avérer profitable. En établissant de manière concluante le lien entre les épidémies de choléra et la consommation d’eau contaminée, le Dr Snow a provoqué un changement des habitudes dans le monde entier et a sauvé énormément de vies. « Connaître la cause d’une maladie peut représenter une étape importante dans la prévention, conclut le Dr Goldberg. C’est l’essence même de l’épidémiologie. »