À a la carte rassasie l'appétit des patients

Par Tamarah Feder

Parfois, ce sont les petites choses qui font une différence agréable lors de l'hospitalisation d'un patient. Et souvent, ces choses apparemment insignifiantes requièrent beaucoup de recherche, d’organisation et de personnel afin de les combiner en toute facilité. La possibilité de choisir un repas qui convient à l’humeur, à l'appétit, et surtout, aux papilles, est justement l’une de ces choses.

Elizabeth King, une patiente de l'Hôpital général de Montréal (HGM) est une admiratrice enthousiaste de l’approche de service aux chambres À la carte. Lancé en 2005, le programme fournit des menus imprimés à la majorité des patients de l’HGM, avec une vaste sélection d’aliments. Les patients font leur sélection et font appel à un technicien qui vérifie la commande par rapport aux besoins thérapeutiques spécifiques ou aux limitations alimentaires du patient. S'il y a des ajustements à faire, le technicien le fait savoir au patient et suggère d’autres options. En moins d'une heure, le patient reçoit sa commande, fraîchement préparée selon ses attentes par le personnel de l'HGM.

« Vous n'êtes pas obligé de manger ce que quelqu’un d’autre à décidé pour vous », mentionne madame King, alors que son index défile à travers les pages du menu. « Il y a tellement de choix. Regardez ! Vous pouvez avoir des gaufres ou du pain grillé français pour le petit déjeuner, et du poisson ou un hamburger pour le dîner. Ou, si vous préférez, une salade fraîche et de la soupe, et un petit plaisir comme dessert » dit-elle avec un véritable enthousiasme.

Au fil des ans, madame King a dû séjourner à l'hôpital à de nombreuses reprises et peut attester des avantages et de la qualité de ces changements. Au cours de ses séjours précédents, le mari de madame King apportait à sa femme la cuisine familiale qu'elle préférait. « Avant, vous indiquiez ce que vous vouliez manger quelques jours à l’avance, mais vous ne pouviez pas toujours savoir ce que vous alliez vouloir manger à ce moment, ou même votre appétit au moment où votre repas arriverait. Maintenant, ma commande est basée sur ce qui m’intéresse de manger à l’intérieur d’une même heure ».

« À la carte permet aux patients d’avoir le sentiment de contribuer à leur propre bien-être en étant en mesure d'exercer un certain contrôle sur leur nourriture », déclare Janis Morelli, chef de service, Nutrition clinique, Sites adultes.

Ayant grandi à la campagne où elle pouvait apprécier des fruits et des légumes frais et beaucoup de cuisine maison, madame King a toujours pensé que la qualité des ingrédients était une souce de vitalité et de bonheur. L’ancienne danseuse de ballet, professeure Montessori et globe-trotter, est également une adepte de la variété, et elle estime que la variété de plats peut avoir un effet sur la population multiculturelle de patients. « Il y a différents plats asiatiques, avec du tofu ou des options avec viande, et même de l’humus sur pita. C’est comme en croisière ! » se réjouit madame King.

Avec des repas tels que du saumon à la dijonnaise, une salade au poulet grillé mandarin ou un wrap aux légumes grillés et au fromage feta, il est facile de voir pourquoi le menu reçoit tant de commentaires positifs de la part des patients.

Mais ce n'est pas seulement savoureux. Il faut beaucoup de travail collaboratif pour créer des menus qui allient la saveur avec les exigences nutritionnelles strictes d'un régime thérapeutique. Le battage médiatiques vantant les effets du prochain super aliment, et les médecins à la tête d’émissions de télévision démontrant les pouvoirs d'un aliment un jour, et le fustigeant le lendemain, peut s’avérer désorientant pour le public en général. Mais Morelli et sa collègue Ann Coughlin ne sont pas facilement distraites par le bruit quand il s'agit de créer des menus pour les patients. « Nous n'agissons pas sur une étude en particulier lorsque nous livrons nos recommandations pour les patients et pour le développement des menus ; nous nous appuyons sur des preuves scientifiques, basées sur des études et sur des lignes directrices d'experts fiables avant de faire un changement significatif », déclare Coughlin. « Donc, si une étude paraît et affirme qu'un aliment est miraculeux et qu’il ya beaucoup de battage médiatique, nous le prenons avec un grain de sel », dit madame Morelli en réalisant le choix de mots. « Ou un substitut du sel ! ».

Mesdames Morelli et Coughlin consultent les recherches les plus récentes établissant les normes nutritionnelles pour la création et l’adaptation de recettes et de menus, soit le Guide alimentaire canadien, l'Ordre des diététistes du Québec, les associations américaine et canadienne des diététistes, de même que l’American Society of Parenteral and Enteral Nutrition (ASPEN). Elles appliquent également des normes spécialement conçues pour répondre aux besoins des patients en insuffisance rénale, avec contrôle de sodium, ou ayant besoin d’un régime riches en protéines. Sodexo, l’entreprise offrant le service alimentaire institutionnelle qui supervise la production alimentaire réalisée dans les cuisines de l’HGM, utilise ensuite ces normes – en collaboration avec le Service la Nutrition clinique – pour créer des repas qui plairont tant par le goût que l’esthétisme, tout en offrant la valeur nutritive qui s’impose.

Décrivant la façon dont le contenu et la production de la nourriture ont évolué à l'HGM au fil des ans, mesdames Morelli et Coughlin notent que l’accent est aujourd’hui mis sur la préparation de nourriture fraîche, plutôt que sur la nourriture industrielle. « Nous avons également constaté une augmentation de l'incidence et de la conscientisation face aux aliments allergènes et aux intolérances alimentaires, tant chez les patients que chez le personnel. Il y a donc un effort supplémentaire qui est fait afin de s’assurer qu’il n’y a pas de contamination croisée dans la préparation des repas ».

Même la compréhension de la saine consommation du sodium a radicalement changé. Selon madame Coughlin, il n’y a pas si longtemps qu’une quantité de 3-5 grammes de sel par jour était considérée acceptable pour un patient ayant besoin de limiter sa consommation de sel. Aujourd'hui, les personnes en bonne santé sans un problème de sodium se voient conseiller de ne pas consommer plus de 2300 mg – soit environ une cuillère à thé de sel par jour – une fraction de ce qui était recommandé pour les régimes faibles en sodium dans un passé récent.

Les patients peuvent désormais choisir parmi une plus grande sélection de poisson et d’aliments riches en fibres, et on diminue la place des viandes rouges. Afin de répondre à la demande croissante pour les plats principaux végétariens riches en protéines, le menu inclut maintenant des ingrédients comme le quinoa », explique madame Coughlin.

La patiente Elizabeth King convient que manger une soupe maison fraîchement cuisinée est grandement préférable à un produit en conserve. « C’est beaucoup plus sain, plus goûteux, et seule la quantité de sel que vous ajoutez s’y retrouve. Et ce n’est pas beaucoup plus long à préparer. »

Bien qu’une petite portion de la nourriture soit préparée à l’extérieur du site, tout est frais et la qualité nutritionnelle correspond à toutes les normes établies par le Service de nutrition clinique. Les plats déjà préparés qui arrivent dans les cuisines du CUSM sont examinés avec minuties, afin d’assurer que la liste des ingrédients qu’ils contiennent soit aussi simple que courte et qu’une quantité limitée d’aliments industriels s’y retrouvent. « Nous sommes attentifs à la façon dont ces items sont préparés », souligne madame Morelli, ajoutant qu’ « Étant donnée la sensibilisation accrue aux allergies et aux intolérances alimentaires, nous recherchons les ingrédients qui peuvent déclencher une réaction allergique ou un trouble gastro-intestinal. Une liste réduite d’ingrédients facilite la gestion de cela ».

Pour mesdames Morelli et Coughlin, l’apparence et la saveur des aliments sont aussi importants que la valeur nutritionnelle. « Un repas peu avoir une valeur nutritionnelle optimale, mais si personne n’en mange parce que ça ne goûte pas bon ou que ce n’est pas attrayant, pourquoi le préparer? » argumente madame Morelli.

Tout ceci peut sembler être peu important pour la plupart des gens, mais pour les patients avec des options limitées et dont les appétits peuvent être vulnérables à cause de leur médication ou de leur état, ce genre d’indépendance peut faire la différence entre un patient heureux de manger ou un patient décidant de cesser de manger.