Santé mentale : un soutien d'une génération de donateurs à l'autre

« Nous nous souvenons de notre chère Jacquie avec un amour tendre et une profonde affection. Elle manque tous les jours à sa famille, ses amis et ses proches, qui regrettent particulièrement son grand sens de l’humour, son admirable détermination face à l’adversité et sa personnalité généreuse et enjouée. » (Traduction)

IN MEMORIAM, Montreal Gazette, 10 juillet 2014.


Sénateur David Angus et sa fille Jacquie Angus

Fille de Margot et de David, Jacqueline est née en 1965 au cours de la fin de semaine de l’Action de grâce. Elle possédait le potentiel et l’optimisme pour mener une vie remplie et heureuse, sous le signe de l’indépendance – ce que l’on souhaite à tout bébé en santé. Cependant, dès sa plus tendre enfance, la réalité fut tout autre. À 12 mois, elle souffrait déjà de crises d’épilepsie et, vers la fin de son adolescence, elle reçut le diagnostic de schizophrénie paranoïde.

Ses années de jeunesse ont été assombries par une maladie qui lui donnait un comportement étrange et parfois même effrayant aux yeux de ses camarades. Ceux-ci se sont montrés insensibles car ils ne comprenaient pas son état ni sa dépendance à des médicaments complexes, ainsi qu’à un système malheureusement inadéquat pour répondre à ses besoins, qui n’étaient pourtant pas exceptionnels. Jacqueline vécut 47 années remplies de défis, pour elle et pour sa famille, et aussi de nombreux (mais trop rares) moments heureux et inspirants.

« Lorsque notre fille est décédée, dit David Angus, ancien sénateur et président du conseil d’administration du CUSM, nous avons créé un fonds en son nom, visant principalement à appuyer la recherche sur les maladies mentales graves, qui touchent directement ou indirectement au moins un quart des Canadiens. Bien que je ne souhaite ce genre de projet à aucun autre parent, l’esprit combatif de Jacqueline, son attitude positive et sa bonne humeur ne nous ont pas laissé le choix : quelque chose de constructif devait ressortir de son combat. »

Sans que la famille Angus s’y attende, une rencontre fortuite leur a montré le chemin à suivre – avec les  bons comme les mauvais côtés. « Mon colocataire à Princeton, dans les années 1950, est devenu un grand spécialiste des maladies mentales, en particulier de la schizophrénie : le Dr E. Fuller Torrey. Quelques années plus tard, c’est lui qui a finalement diagnostiqué l’état de Jacqueline. Le Dr Torrey est également devenu un défenseur bien connu de l’idée – désormais communément répandue – selon laquelle les maladies mentales graves sont dues à des facteurs biologiques et non sociaux. Il nous a non seulement aidés à comprendre la gravité de la situation, ajoute M. Angus, mais il nous a également indiqué clairement les meilleurs moyens de composer avec ces difficultés. Enfin, il nous a expliqué comment faire face aux plus grands enjeux de santé mentale, un domaine largement sous-financé et mal compris par le grand public. »

Selon M. Angus, cette mauvaise compréhension est fondée sur une bonne raison : « Les maladies mentales, et surtout la schizophrénie – cette maladie étrange, qui rend les gens fous –, comme la décrit le Dr Torrey, peuvent être très perturbantes, coûteuses et mener ceux qui en souffrent aux pires extrémités : crimes, fusillades, ruptures familiales, itinérance. Heureusement, ajoute-t-il, depuis quelques années, cette maladie commence à recevoir l’attention et le soutien qu’elle mérite. »

« Lorsque nous avons commencé à aider notre fille, continue M. Angus, nous ne comprenions pas de quoi elle souffrait et nous avions peu d’information à ce sujet. Nous avons utilisé les moyens dont nous disposions et avons tout essayé : les meilleures écoles, les meilleurs soins, les meilleurs conseillers disponibles, mais sans succès. Lorsque notre fille traversait des périodes particulièrement difficiles, nous ne savions pas vers qui nous tourner pour la protéger. Mais je dois souligner que, malgré tout, j’ai été très chanceux. J’ai maintenant 78 ans, je suis en santé, j’ai vraiment eu une vie merveilleuse. Cependant, ajoute-t-il, j’ai également pu observer cette maladie de façon rationnelle, et avec le temps, j’en suis venu à la conclusion que ma famille et moi devions faire notre part. »

La première attribution de fonds de la famille Angus a donné lieu à l’unité de soins aigus Melvyn G. Angus à l’Hôpital général de Montréal, qui a par la suite été greffée à l’établissement de soins aigus Sénateur W. David Angus. Située au quatrième étage, cette unité constitue un élément clé d’un nouveau système, qui comprend un triage d’urgence en santé mentale et un protocole visant la médication et les autres traitements, afin de déterminer si le patient doit recevoir des soins de courte durée à l’hôpital ou un traitement à plus long terme comme malade externe.

« Je me suis également engagé à soutenir la campagne Des soins à leur meilleur (nota : on recherche un financement de 1,5 million $ pour l’unité de soins d’urgence de courte durée en santé mentale), dit M. Angus, et j’espère que l’importance de cette maladie, tant pour ses conséquences au plan personnel que pour ses coûts sociaux et financiers prohibitifs, sera reconnue comme il se doit.

« Durant les cinq mois précédant son décès, Jacquie a été hospitalisée à l’unité du quatrième étage qui porte le nom de notre famille. Je dois dire que j’ai été très touché par le soutien que nous avons reçu de la part du personnel, et ma fille elle-même m’a souvent téléphoné pour me dire à quel point elle était impressionnée par les soins qu’elle recevait. Le plus ironique dans tout cela, je suppose, c’est que sa voix semblait pleine de vie dans ces circonstances. Comme c’est le cas pour moi maintenant. »

Notre mission : veiller à votre santé mentale

« Les perceptions à l’égard des maladies mentales ont beaucoup évolué, et ce, grâce à deux facteurs convergents, affirme le Dr Nadia Szkrumelak, chef du département de psychiatrie au CUSM. D’abord, il y a l’effet de « halo » émanant des personnalités de marque (athlètes, acteurs, etc.) qui révèlent au grand jour leurs propres problèmes et, ensuite, les percées fulgurantes réalisées dans le domaine de la recherche. »

Résultat : les préjugés qui entourent les troubles comme la dépression diminuent – pour la première fois. En outre, de plus en plus de personnes cherchent à se soigner au lieu d’ignorer ou de dissimuler leurs symptômes. Par conséquent, la distinction entre le cerveau physique et la notion d’esprit ou d’âme finit par s’estomper, voire disparaître complètement. Dans le passé, on avait tendance à penser que les troubles de santé mentale venaient de l’enfance ou d’une quelconque faiblesse de caractère. Aujourd’hui, le modèle psychologique de la maladie mentale (et du traitement) est remplacé par un modèle biologique; les sentiments de honte et de culpabilité font place à des traitements fondés sur les sciences physiques. « Pensez à la manière dont nous abordions la dépression post-partum il y a 40 ans, dit le Dr Szkrumelak. Maintenant, nous savons qu’il s’agit d’une maladie bien réelle, à laquelle on peut remédier grâce à des thérapies réellement efficaces. »

Ce virage est très souhaitable, selon la psychiatre en chef : « Il n’y a pas de santé physique sans santé mentale, soutient-elle, et il essentiel d’avoir accès à un large éventail de solutions intégrées, allant des habitudes de vie aux médicaments. On ne s’imaginerait pas traiter des maladies courantes comme le diabète seulement par l’alimentation ou seulement par l’insuline. Il faut combiner les deux pour obtenir les meilleurs résultats possibles. C’est la même chose pour la santé mentale. »

Bien entendu, les soins préventifs, qui sont le domaine des spécialistes dans la communauté – psychologues, médecins de famille et autres –, constituent un élément clé de la solution, même s’ils ne sont pas la panacée. L’Hôpital général de Montréal est désormais mieux outillé pour prendre en charge les cas les plus graves de patients en crise (tentatives de suicide, surdoses et autres troubles psychiatriques) grâce à sa nouvelle unité de soins d’urgence de courte durée, récemment inaugurée au sein des services d’urgence.

Cette nouvelle unité repose sur une approche révolutionnaire de l’évaluation des patients visant à déterminer s’ils sont aptes à retourner dans la communauté (avec services de soutien, au besoin) ou s’il faut les garder à l’hôpital pendant une période de deux à cinq jours aux fins d’évaluation approfondie et de traitement. La Fondation de l’HGM a contribué au financement de cette unité de huit lits, située au premier étage de l’hôpital, qui permet aux patients et à leurs proches de bénéficier de soins de qualité supérieure dans un cadre calme et rassurant.

Bien sûr, il reste des défis à relever, dont certains sont de taille. Par exemple, les services ambulatoires demeurent à l’Institut Allan Memorial de l’Hôpital Royal Victoria. Cela dit, avec le soutien de la Fondation de l’HGM et de ses nombreux amis, ce ne sont pas les solutions qui manquent.

Patients hospitalisés

« À l’unité de soins aux patients hospitalisés, dit le Dr Thomas Milroy, directeur des services aux patients adultes hospitalisés et des services de TEC en psychiatrie, nous traitons des personnes atteintes de divers troubles, comme la schizophrénie, la dépression majeure, la bipolarité, les troubles de la personnalité, les cas relevant de la médecine légale, les douleurs chroniques, etc. Les problèmes de dépendance représentent également quatre des 42 lits actuellement disponibles. De plus, bien qu’un cinquième des patients soient hospitalisés pour des périodes prolongées (jusqu’à deux ans), la plupart le sont pendant un maximum de 20 jours. »

Les défis auxquels cette unité fait face sont monnaie courante dans le secteur des soins de santé, notamment la pénurie d’infirmiers et d’anesthésistes qualifiés, ainsi que le manque de financement en recherche, mais le Dr Milroy est optimiste quant aux perspectives de l’HGM. « Grâce au soutien de généreux donateurs comme la famille Angus, Lundbeck Canada et la Fondation de l’HGM, nos installations se sont considérablement améliorées. » La nouvelle unité située au quatrième étage comprend plus de chambres simples et doubles que jamais auparavant. Elle est climatisée, dispose d’une connexion sans fil et, surtout, offre des espaces de travail modernisés pour le personnel. « Nous espérons également d’aussi bons résultats du côté de l’unité de soins d’urgence de courte durée. »

Il subsiste néanmoins certains problèmes, particulièrement l’offre de soins en temps opportun dans la communauté. En outre, le manque d’espace (ou d’espace adéquat) pose un obstacle important pour bien des intervenants et continue d’exercer des pressions sur l’hôpital. En effet, faute d’espace à l’extérieur de l’institution, de nombreux patients aboutissent à l’urgence de l’Hôpital général, où ils ne peuvent pas recevoir les soins dont ils ont besoin, sans oublier le manque de ressources destinées aux patients hospitalisés qui retournent dans la communauté. Tous ces éléments forment un goulot d’étranglement, qui cause des retards ou des interruptions sur le plan des traitements ou qui empêche carrément de dispenser les traitements.

« Nous sommes toutefois convaincus, ajoute le Dr Milroy, que nous saurons trouver des solutions à ces problèmes dans le contexte du système de santé nouvellement restructuré, où les responsabilités passent des organismes au ministère. » Dans l’intervalle, la question des services ambulatoires n’est toujours pas réglée.

Le Dr Milroy envisage l’avenir avec optimisme. « Les donateurs continuent de se montrer généreux, ce qui nous permet de nous doter de nouveaux atouts très appréciés, comme des vélos d’entraînement, des meubles et des œuvres d’art. Toutes ces choses améliorent véritablement la vie des personnes traitées à l’hôpital. »

Source : https://www.mghfoundation.com/wp-content/uploads/2015/12/newsletterWinterFRWEB.pdf