Un voyage de découvertes

Art and Heritage

Le déménagement au site Glen approche à grands pas, et Karine Raynor, directrice associée et curatrice du Centre d’interprétation du patrimoine du CUSM, a une tâche monumentale à exécuter, celle de classer des milliers d’œuvres d’art, de photos et d’artefacts historiques éparpillés dans les divers hôpitaux du CUSM.

C’est en 2007 que madame Raynor a commencé à colliger et à cataloguer les artefacts historiques du CUSM. Peu de temps après, elle a découvert une véritable caverne d’Ali Baba dans le grenier de l’Hôpital Royal Victoria. « J’ai eu l’impression de reculer dans le temps, se rappelle-t-elle. Il y avait tellement d’artefacts qu’on pouvait à peine bouger. Depuis des décennies, on les y accumulait en souvenir. »

Cinq ans plus tard, environ 1 600 artefacts sont inventoriés, emballés et prêts à être déménagés au site Glen. « Nous estimions que ce chiffre représentait environ 30 % de toute la collection », raconte madame Raynor, puis l’Hôpital de Montréal pour enfants nous a annoncé par téléphone qu’il possédait jusqu’à 15 000 photos retraçant plus d’un siècle d’histoire de l’hôpital. « La collection ne cesse d’augmenter grâce à l’apport de la communauté du CUSM », remarque madame Raynor, qui souligne l’apport des Amis du CUSM. Ils viennent deux fois par semaine pour cataloguer les artefacts. Nous ne pourrions jamais y parvenir sans leur soutien. »

Plus on ajoute d’objets à la collection, plus madame Raynor est en mesure de raconter l’histoire du CUSM et des personnes exceptionnelles qui en ont fait partie au fil des ans. « C’est une excellente occasion, qui est aussi très rare, de construire une collection à partir de la base, déclare-t-elle. Ces artefacts seront fascinants à examiner lorsqu’ils seront exposés au site Glen. »

A-t-elle eu de grosses surprises? Madame Raynor répond sans hésiter : « Le vaporisateur antiseptique de Lister est une énorme découverte. » Le docteur Jonathan Meakins abonde dans le même sens. Ce professeur retraité de l’Université McGill, ancien chirurgien en chef de l’Hôpital Royal Victoria et directeur enthousiaste du Centre Centre d’interprétation du patrimoine travaille avec madame Raynor à consigner et à décrire le matériel médical historique.

« Le vaporisateur antiseptique de Lister a été inventé par lord Joseph Lister, un chirurgien britannique, et a été introduit au Canada en 1877 par le docteur Thomas Roddick, doyen de médecine à McGill, explique le docteur Meakins. Il a révolutionné la chirurgie au Canada en réduisant le taux d’infection postopératoire, qui est passé de 45 % à 15 %. »

Le docteur Meakins tient la petite canette de cuivre entre ses mains. Le non-initié pourrait croire qu’il s’agit d’une vieille lanterne munie d’une grosse poignée de bois sur le côté. « Le phénol emmagasiné dans un pot de verre fixé sur le côté était réchauffé, explique-t-il. La vapeur obtenue était ensuite vaporisée dans la salle d’opération pour stériliser tout ce qui s’y trouvait, qu’il s’agisse des instruments chirurgicaux, du patient ou même de l’air. »

Fait intéressant, le vaporisateur de Lister a suscité une autre pratique de réduction des infections qui est devenue une norme médicale : le port des gants de caoutchouc. « Le phénol contenu dans le vaporisateur provoquait des rougeurs et une inflammation des mains des chirurgiens et des infirmières, relate le docteur Meakins, ce qui les a forcés à porter des gants de caoutchouc. Le nombre d’infections postopératoires a ainsi diminué encore davantage ».

On a découvert une foule d’objets médicaux anciens et fascinants au CUSM, mais selon le docteur Meakins, une autre découverte est particulièrement remarquable en raison de son étrangeté. Le docteur Meakins ouvre un vieux boîtier noir contenant un assortiment de fragiles tubes de verre, dont certains ressemblent à des peignes, d’autres à des entonnoirs ou à des bulbes.

« On appelle cet objet un Renulife Violet Ray Generator ou le générateur de santé à rayon ultraviolets Renulife, mais en réalité il ne guérit rien du tout. C’est un peu comme de la poudre de perlimpinpin, et les charlatans devaient l’utiliser à la pharmacie du coin. » L’appareil émet des rayons ultra-violets, qui disait-on, guérissait à peu près tout, des pellicules aux hémorroïdes, en passant par les douleurs articulaires et les maux de tête. Les fabricants prétendaient même qu’il guérissait les « troubles féminins », sans trop les définir.

« Ce sont ces pièces uniques et exceptionnelles qui complètent vraiment une collection comme celle-ci, s’exclame madame Raynor. Elles n’ont pas une grande valeur marchande, mais pour l’établissement et l’histoire de la médecine à Montréal, elles sont inestimables. »