Le Dr David Rosenblatt : un médecin exceptionnel et proche des gens

Vicky Voyer, une patiente en oncologie du CUSM, accompagnée de sa fille et de son mari, aux côtés du Dr David Rosenblatt, transformé en ménestrel bénévole à l’occasion du Tea@2, une activité hebdomadaire du programme CanSupport/Faire Face des Cèdres.

Par Tamarah Feder

« Vous devez chanter pour obtenir votre part du gâteau! », lance le Dr David Rosenblatt au Dr Rhagu Rajan. Jusque-là, le Dr Rajan n’était qu’une personne parmi tant d’autres, parmi les patients, les bénévoles et les membres du personnel du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) ayant pris d’assaut la salle familiale du 17e étage de l’Hôpital général de Montréal (HGM). La foule faisait la file devant une table débordant de desserts maison plus appétissants les uns que les autres et où trônaient d’élégantes théières en argent et des tasses à thé en porcelaine à motif floral. Il s’agissait de l’activité hebdomadaire Tea @ Two, qui a lieu à l’HGM et à l’Hôpital Royal Victoria, dans le cadre du programme CanSupport de l’Institut des Cèdres contre le cancer, et qui est animée par l’aimable Linda Chernin‑Rosenblatt, la conjointe du Dr Rosenblatt.

De l’autre côté de la table, assis sur un fauteuil de cuir gris foncé, le Dr Rosenblatt jouait de la guitare sèche. Pendant qu’il chantait Stand By Me en jouant de la guitare, une patiente de l’HGM atteinte du cancer, Mme Vicky Voyer, vêtue de rose de la tête aux pieds (du bandana jusqu’aux gougounes), s’est affalée sur l’autre canapé et a lancé un « Allô! » retentissant. Son mari s’est installé à l’autre bout du canapé, et leur fillette est venue se blottir entre eux deux.

« Je l’adore, a déclaré Mme Voyer, en affichant un grand sourire au Dr Rosenblatt. J’adore son sourire et j’apprécie sa gentillesse. Il me fait penser au Dr Patch Adams. » Cette patiente participe depuis un certain temps à l’activité Tea @ Two. Il est évident que ce divertissement hebdomadaire fait une énorme différence, non seulement pour elle et pour les autres patients atteints du cancer, mais aussi pour les membres de leur famille, qui doivent vivre au quotidien avec cette situation difficile, pendant qu’une personne qui leur est chère lutte contre le cancer. La musique, la présence des autres, les desserts et les sourires chaleureux représentent plus qu’un moment de distraction; cette activité est en fait perçue comme une manifestation du soutien de la communauté et comme un geste de réconfort. « Tous les hôpitaux devraient offrir un programme comme celui-là », ajoute Mme Voyer.

Le concert qu’il fait deux fois par semaine, à titre de ménestrel bénévole de l’hôpital, ne représente qu’une facette de la personnalité exceptionnelle du Dr Rosenblatt et de son engagement à contribuer au bien-être des patients. En tant que directeur du Département de génétique humaine de l’Université McGill et professeur de génétique humaine, de médecine, de pédiatrie et de biologie, ce médecin a consacré sa carrière à la recherche dans le domaine des maladies génétiques rares.

Il n’est pas surprenant de constater que les maladies rares sont souvent ignorées du grand public et même de certains médecins. En conséquence, il arrive que l’étude de ces maladies soit sous-évaluée, malgré les avantages qu’elle comporte, non seulement pour les patients qui en sont atteints, mais aussi pour la population en général. Toutefois, pour le Dr Rosenblatt, l’étude des maladies rares vise un objectif pratique, qui s’inscrit dans l’esprit du serment d’Hippocrate. « Il y a des milliers de troubles génétiques héréditaires, dont certains sont moins bien connus que d’autres, comme la fibrose kystique (mucoviscidose), la dystrophie musculaire, la drépanocytose, la maladie de Tay-Sachs et la thalassémie. Toutefois, quand vous êtes atteint d’une maladie, qu’elle soit rare ou courante, cela importe peu ; vous êtes malade. Il  faut donc s’occuper autant des personnes atteintes d’une maladie rare que de celles qui souffrent de maladies plus courantes. »

Le Dr Rosenblatt aborde ses travaux de recherche dans une double perspective, c’est-à-dire être en mesure d’aider les patients atteints d’une maladie rare, tout en approfondissant la compréhension de la biologie humaine. « L’une des forces de l’étude des patients atteints d’une maladie rare, plus particulièrement d’une maladie ayant une composante génétique, est que ce type de maladie est gérable. Il est possible d’aller au fond des choses et d’en apprendre plus sur  le fonctionnement normal de la biologie chez tous les humains. »

Les travaux du Dr Rosenblatt portent sur de nombreuses maladies rares, mais il concentre particulièrement ses efforts sur les patients ayant de la difficulté à assimiler la vitamine B12, qui joue un rôle essentiel et qui n’est présente que dans les aliments d’origine animale. Une carence en vitamine B12 peut entraîner de l’anémie, des problèmes neurologiques et d’autres problèmes médicaux graves.

L’on pourrait se demander pourquoi faire de la recherche sur une maladie touchant relativement peu de gens. Le Dr Rosenblatt rappelle les découvertes qui ont été faites au cours du siècle dernier et qui nous ont aidés à comprendre la source et l’importance de l’acide folique et de la vitamine B12 dans l’amélioration de  la santé chez l’humain. En fait, deux prix Nobel ont été accordés pour des découvertes ayant trait à la vitamine B12, dont l’un pour la manière dont l’extrait hépatique pouvait pallier une carence en vitamine B12 et l’autre pour l’identification de la structure de la vitamine. 

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L’intérêt du Dr Rosenblatt pour les maladies rares s’est manifesté en 1971, alors qu’il était chercheur à Boston. Il faisait de la recherche sur la manière dont l’acide folique agissait sur la santé humaine. Il est revenu à l’Université McGill afin de travailler avec d’autres chercheurs, qui étudiaient les problèmes liés à l’absorption de la vitamine B12, dont le Dr Bernard Cooper, de l’Hôpital Royal Victoria, et le Dr Michael Whitehead, de l’Hôpital de Montréal pour enfants. Le Dr Rosenblatt a créé un réseau de références; il recevait des échantillons de patients provenant de partout dans le monde. Les biopsies étaient ─ et sont encore utilisées pour cultiver des cellules et pour développer une série de tests visant à identifier les problèmes biologiques fondamentaux. « Cela nous a permis de répartir les patients dans des groupes distincts et d’identifier tous les gènes responsables de leurs maladies. » Ce réseau de références a depuis évolué et est devenu l’un des deux seuls laboratoires de diagnostic du genre existant dans le monde.

« Au CUSM, notre mission est de soigner les personnes qui ont des problèmes, que ces problèmes soient rares ou répandus. Dans un hôpital universitaire, nous avons l’opportunité de découvrir dans notre recherche  et bâtir les fondations de la médecine de l’avenir. Lorsque l’on travaille dans ce domaine de la médecine ou de la recherche clinique, on ne s’attend pas à obtenir des résultats immédiats. Les travaux que nous effectuons actuellement posent les bases d’une science médicale solide, qui constituera la médecine de l’avenir. »

Le Dr Rosenblatt fait remarquer que l’univers des maladies rares n’est pas totalement obscur. « La recherche basée sur les patients qui est menée  dans un hôpital universitaire est extrêmement appliquée. Les hôpitaux universitaires ont l’obligation de se pencher sur tout ce qui est nouveau, car il se peut fort bien que ce soit d’une grande importance à l’avenir. » Il soutient que si la recherche sur les maladies rares n’existait pas, « nous serions encore en train de chercher comment créer un poumon de fer au lieu de traiter les mécanismes biologiques de base des maladies comme la fibrose kystique. »

Dans l’univers concurrentiel du financement, le Dr Rosenblatt s’estime chanceux; il reçoit de manière continue depuis 1975 du soutien pour financer ses travaux. Bien qu’il ait envisagé la possibilité de ralentir le rythme de ses activités, les percées technologiques ont favorisé d’autres découvertes, étant donné que les travaux de recherche qui nécessitaient auparavant des années se font maintenant en quelques mois. « Les travaux que j’effectue maintenant bénéficient du savoir-faire et de l’expérience de laboratoires comme le Centre d’innovation Génome Québec et Université McGill. Ce qui fait l’intérêt de McGill est que, se classant parmi les meilleures universités du monde, cette institution ne doit pas se laisser distancer et est tenue de poursuivre le développement de ces technologies. »

Plus récemment, le Dr Rosenblatt a travaillé à la création d’un projet connu sous le nom de RaDiCAL (consortium de maladies rares avec locus autosomiques); cette base de données a pour but de répertorier plus de 1 000 troubles génétiques différents, dont on ne connaît pas encore les gènes responsables. Des échantillons d’ADN seront prélevés sur des patients atteints de chacune de ces maladies; on aura recours à la prochaine génération des technologies de séquençage pour découvrir les gènes candidats.

Le  Dr Rosenblatt dirige aussi un laboratoire de diagnostic qui s’intéresse à toutes les maladies, de la maladie de Huntington à la forme héréditaire du cancer du sein. En tant que directeur du Département de génétique humaine de l’Université McGill, le Dr Rosenblatt est profondément engagé dans le développement des aspects pédagogiques du Département; il veille à ce que la médecine de l’avenir soit bien servie par les chercheurs d’aujourd’hui.

Le Dr Rosenblatt est aussi avenant qu’exceptionnel. « Je mène une vie saine, très équilibrée », a commente  le médecin qui prend le temps d’établir des liens amicaux avec les patients, contrairement à ce que à quoi l’on pourrait s’attendre d’un chercheur qui se consacre aux maladies rares. Mettant à profit sa formation de pédiatre, le Dr Rosenblatt fait de la consultation tous les samedis, à l’Hôpital général juif. « Cela m’offre la possibilité de traiter des maladies plus courantes, comme des rhumes et des otites », ajoute l’aimable médecin.

Alors que d’autres pourraient choisir d’en faire moins et d’avoir un rythme de vie plus calme, le Dr Rosenblatt trouve de nouveaux moyens de servir sa collectivité, que ce soit en organisant des tournois de hockey pour ses étudiants ou en donnant une sérénade aux patients du CUSM, en compagnie de sa femme bien-aimée.

http://cusm.ca/newsroom/nouvelles/carence-en-vitamine-b12

Lisez l’article consacré à Linda Chernin-Rosenblatt et à Tea@Two dans la section Pleins feux sur les bénévoles