En tête-à-tête avec nos chercheurs étoiles—Dre Rima Rozen
Entrevue avec la Dre Rima Rozen, une chercheuse qui perçoit toujours les défis comme des occasions d’apprendre.
- Professeure titulaire de la chaire James McGill, départements de génétique humaine et de pédiatrie, Université McGill
- Chercheuse, génétique médicale et génomique, Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM)
- Scientifique médicale, Laboratoire de recherche génétique, Division de génétique médicale, Hôpital de Montréal pour enfants, CUSM
Les recherches de la Dre Rima Rozen sont axées sur la génétique et les carences nutritionnelles en acide folique et leurs répercussions sur diverses maladies. Tout au long de ses 30 ans de carrière, la Dre Rozen a produit plus de 200 publications et fait d’importantes découvertes dans son domaine. Elle a récemment décelé des biomarqueurs (ou changements génétiques) qui pourraient faciliter le diagnostic précoce du cancer colorectal.
Que trouvez-vous de si fascinant en génétique pour avoir décidé d’y consacrer votre carrière?
R.R. : La génétique a explosé depuis quelques décennies, et j’ai participé à cette évolution. Pendant mon cursus, tout tournait autour de la biochimie et des métabolites. On est ensuite passé aux chromosomes, aux études sur les cellules et au clonage des gènes. On peut maintenant examiner l’ensemble du génome. C’est une aventure passionnante et stimulante.
Depuis 25 ans, vous faites des recherches sur l’acide folique. Pourquoi?
R.R. : Je m’intéresse tout particulièrement aux interactions entre les gènes et le métabolisme. L’acide folique est une vitamine essentielle qui est responsable de nombreux troubles, particulièrement les anomalies du tube neural (système nerveux primitif), mais il contribue également à prévenir le cancer, certaines formes de maladies cardiaques et peut-être même certains troubles neuropsychiatriques. En 1995, mon laboratoire a repéré la première variante génétique qui constituait un facteur de risque d’anomalies du tube neural. Les personnes qui présentent ce changement dans leurs gènes, soit de 10 % à 20 % de la population, ont besoin d’encore plus de folates dans leur régime alimentaire qu’une personne moyenne. Elles peuvent être plus vulnérables aux autres troubles que je viens de vous nommer. De nos jours, des produits alimentaires sont enrichis de folates, et les femmes sont invitées à prendre des suppléments de folates avant même de se savoir enceintes, afin d’éviter ce type de problèmes congénitaux. Ces dernières années, nous avons découvert quelques conséquences négatives d’un trop grand apport en folates, y compris des anomalies cardiaques et des lésions hépatiques dans des modèles animaux. Nous nous penchons donc sur les deux extrêmes du spectre de la consommation de folates.
En 1985, vous avez créé le premier service de diagnostic en génétique moléculaire agréé au Québec, situé à L’Hôpital de Montréal pour enfants. Comment c’est arrivé?
R.R. : J’ai fait des tests d’ADN pendant ma formation, alors que ce type de service en était à ses balbutiements. L’activité diagnostique n’avait rien à voir avec mes recherches, mais j’ai adoré ça. Lorsqu’on fait de la recherche, il faut parfois attendre de dix à vingt ans avant d’en voir les résultats. À la direction de ce service pendant 17 ans, mon travail m’apportait une satisfaction instantanée! C’est très enrichissant de savoir que certains gestes posés en laboratoire pourraient un jour être profitables aux patients.
De 1999 à 2007, vous avez été directrice scientifique de L’Hôpital de Montréal pour enfants (L’HME) et directrice scientifique adjointe du CUSM. Vous avez également été vice-principale associée (recherche et relations internationales) de l’Université McGill de 2007 à 2013. Pendant toutes ces années en administration, vous n’avez jamais délaissé vos recherches. Pourquoi?
R.R. : Parce que c’était la partie agréable! J’ai l’esprit plus vif lorsque les étudiants, mes collègues, les articles scientifiques et les nouvelles technologies me font constamment apprendre. J’espère continuer d’apprendre.
Vous avez supervisé des douzaines d’étudiants au premier cycle et aux cycles supérieurs. Quelle est votre relation avec eux?
R. R. : En laboratoire, j’aime établir des normes qu’à mon avis, ils doivent assimiler. Les bons chercheurs ne peuvent pas se limiter aux connaissances scientifiques. Ils ont besoin de compétences en lecture et en écriture, d’habiletés administratives et d’entregent! Plus on est polyvalent, plus on sera productif en société. J’espère seulement qu’en qualité d’enseignants et de chercheurs, nous disposerons d’un financement suffisant en cette période difficile, afin de préparer la prochaine génération de scientifiques et d’érudits.
Comment avez-vous trouvé l’équilibre dans votre vie?
R.R. : Je suis mariée depuis plus de 35 ans et j’ai deux enfants. Ma famille m’a toujours ramenée aux vraies valeurs. J’avais l’habitude de me dire : « Je peux oublier le laboratoire et passer du temps avec les enfants. » Ils sont maintenant adultes et ont quitté la maison, alors j’ai plus de temps pour diverses activités en plus de la recherche.
Comment percevez-vous l’importante transformation que subit le CUSM, avec le déménagement au site Glen?
R.R. : Je suis optimiste. À L’HME, nous sommes un groupe de chercheurs relativement restreint. C’est enthousiasmant de penser côtoyer nos collègues en recherche pour les adultes. Selon mon expérience, la plupart des collaborations commencent par des interactions directes, lors de congrès ou simplement à la cafétéria! Au site Glen, ce sera plus facile. Il y aura des gens aux talents différents au bout du corridor. Aussi, c’est formidable que nos principales installations soient regroupées dans un même bâtiment.
Comment vous préparez-vous à ce grand jour?
R.R. : J’ai accumulé 30 ans d’articles, de reliures, etc. Pas seulement les miens, mais ceux que m’ont laissé mes doctorants. Lorsque nous les avons comptés, il y en avait plus de 300 au laboratoire. J’ai dû en parcourir 200 jusqu’à maintenant!