Evelyne Pytka : Renouer avec le plaisir de manger pour les diabétiques

Par : Tamarah Feder


Evelyne Pytka est une nutritionniste clinicienne et une éducatrice agréée en diabète qui aide les enfants et leurs familles à faire face aux défis de vivre avec le diabète de type 1, de même qu’à renouer avec la nourriture dans une relation de plaisir et de confiance.

Alors qu’Evelyne Pytka approchait la quarantaine, elle travaillait comme violoniste professionnelle et était mère de trois petits enfants. Elle était également une cuisinière enthousiaste et une amoureuse de la nourriture. C'est aussi à ce moment qu’elle apprit qu’elle avait le diabète de type 1. Bien qu’Evelyne envisageait déjà un changement de carrière, la nouvelle lui a permit de se fixer des objectifs. Durant la période où elle travaillait sur son nouveau rapport à la nourriture, ce qui était parfois difficile, elle a commencé à écrire un livre de recette santé intitulé « Almonds & Raisins and Mostly Muffins » , qu’elle a publié elle-même en 1994. Cette expérience, associée à la recherche qu’avait impliquée la rédaction du livre, inspira Evelyne à en apprendre davantage sur la façon de vivre avec le diabète, et à partager ce qu'elle avait appris avec les autres. Evelyne s’inscrivit d’abord à temps plein au Cégep, afin d’obtenir ses prérequis. Puis, en 1997, Evelyne obtenue son baccalauréat en sciences de la nutrition (diététique et nutrition humaine). Peu de temps après, elle commença à travailler en tant que nutritionniste clinicienne à l’Hôpital de Montréal pour enfants (HME).

La recherche et les traitements pour le diabète évoluaient rapidement à cette époque, y compris la libéralisation des recommandations nutritionnelles et l'arrivée des pompes à insuline en pédiatrie. Cette innovation du mode d’administration de l’insuline donna un plus grand contrôle et une plus grande indépendance aux enfants atteints de diabète. Au fur et à mesure que le nombre d'utilisateurs de pompe à insuline commençait à augmenter, il y avait un besoin de mieux éduquer les familles sur les options et les moyens de s'adapter aux nouvelles opportunités dans leur façon de s’alimenter qui s’offraient à eux. Evelyne poursuivit donc ses études et continua de faire croître l’expérience acquise au sein du Service de nutrition pédiatrique clinique de l’HME, obtenant son accréditation en tant qu’éducatrice agréée en diabète et formatrice agréée en utilisation des pompes à insuline.

Elle lança également un chapitre local de la section des éducateurs en diabète (SED) de l’Association canadienne du diabète, et agit désormais à titre de présidente du Comité liaison pour le Groupe d’intérêt pédiatrique de la SED. « Il y a près de 300 millions de personnes atteintes du diabète à travers le monde, dont plus de 9 millions vivent au Canada. Environ 10 % de ces personnes ont le diabète de type 1 », mentionne Evelyne. « Et pourtant, malgré sa prévalence, il y a encore une trop grande incompréhension de cette la maladie. De nombreuses personnes vivant avec le diabète portent un sentiment de honte et de culpabilité. En conséquence – et souvent au détriment de leur condition – elles cachent même leur situation ». Pour Evelyne, le fait d’outiller les patients et les familles avec des connaissances et de la confiance peut alléger ce fardeau.

Bien que sa formation soit essentielle dans le partage d’information qu’elle donne aux patients et leurs familles, c’est la sensibilité d’Evelyne face aux difficultés qu’éprouvent les enfants atteints de diabète et leur expérience familiale qui lui permet d’exceller dans ce qu’elle fait. Puisqu’elle vit elle-même avec le diabète, elle est dans une position unique pour comprendre à quel point le diagnostic peut être intimidant et stressant. « Cela peut soudainement changer et mettre de la pression sur les relations, tout spécialement au niveau de la nourriture. Les parents sont tout naturellement désireux de protéger leur enfant des dangers de toutes sortes », reconnaît Evelyne. « Et soudainement, cette préoccupation grandit exponentiellement lorsqu’ils considèrent l’impact de la nourriture qu’ils préparent ou encore l’idée de ne pas toujours être là pour voir ce que leurs enfants mangent.

Evelyne aide les familles à surmonter cette intimidation et à apprendre comment intégrer une nouvelle conception de la nourriture dans leurs vies quotidiennes. En enseignant aux enfants et à leurs personnes soignantes comment faire correspondre l'insuline à l'apport alimentaire en calculant les hydrates de carbone qu’ils mangent, ils peuvent apprendre comment inclure tous les aliments, tout en contrôlant bien leur diabète.

Dans son bureau à la façade de briques grises situé en face de l’HME, les familles sont accueillies dans une salle décorée de dessins d’enfants – ses patients. Au milieu, une table festive remplie de spaghetti, de poulet, de frites, de sushis, de carrés au chocolat, de boissons, de fruits et de légumes, et bien plus. Hélas, une inspection rapprochée permet de constater que les aliments sont faits de caoutchouc, mais ils l’aident certainement à capter l’attention et à rentrer en contact avec ; ses patients et leurs familles.

Le talent d’enseignante d’Evelyne rayonne tout particulièrement lorsqu’il s’agit de transformer ce qui peut paraître insurmontable en routine. Attirant l'attention sur les assiettes de nourriture en caoutchouc, elle estime la teneur en glucides aussi facilement que si elle récitait l'alphabet« En règle générale, un morceau de pizza comme celui-ci contiendrait 25 grammes de glucides. Cette portion de carottes, 7 grammes, les nachos, 30 grammes », dit-elle. Un pingouin en peluche est assis sur la table et porte fièrement sa propre pompe à insuline, un autre outil pédagogique attendrissant qui permet aux personnes de comprendre qu’il s’agit là de quelque chose qu’ils peuvent maîtriser.

Elle explique aux familles la nécessité de comprendre et de surveiller la façon dont différents aliments, les niveaux de stress ou l’activité physique peuvent influencer les niveaux de glucose sanguin. « Il s'agit vraiment de prendre un point de vue différent et de développer un respect pour ce changement dans la relation à la nourriture, à l'activité et à la vie en général. »

Pytka apprend à connaître les familles avec lesquelles elle travaille : comment elles interagissent et les questions importantes reliées à la nourriture (les aliments préférés, qui fait l’épicerie et qui prépare les repas). Les traditions culturelles ou religieuses des familles jouent également un rôle important dans la façon dont elle aborde l’enseignement. « Il y a une certaine intimité associée à la nourriture. Et lorsque cela prend des positions menaçantes, cela peut remettre en question de nombreux aspects de vie ». En comprenant ces nuances, Evelyne est capable de démontrer aux familles comment elles peuvent poursuivre leurs traditions et remplacer la peur par le plaisir, et gagner une appréciation quant à ce qui peut les garder en santé et heureux.