Journée mondiale de lutte contre le sida 2014 : des efforts sur plusieurs fronts
Célébrée chaque année le 1er décembre, la Journée mondiale de lutte contre le sida nous rappelle que la lutte contre la pandémie de VIH est loin d’être terminée. Depuis l’apparition de la maladie au début des années 80, plus de 36 millions de personnes en sont mortes. Aujourd’hui, 35,3 millions de personnes vivent avec le virus dans le monde, dont 71 000 au Canada. Et chaque jour, 6 800 personnes sont infectées. Deux chercheurs de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) nous parlent des progrès importants accomplis au cours des 25 dernières années et de ce qui reste à accomplir pour endiguer la pandémie.
Cette année, la Journée mondiale de lutte contre le sida portera le thème « Objectif: zéro », pour zéro nouvelle infection, zéro discrimination et zéro décès lié au sida. Pour le Dr. Jean-Pierre Routy, professeur agrégé de médecine, division de médecine expérimentale de l'Université McGill et expert de la pathogenèse du VIH à l'Hôpital Royal Victoria du CUSM, le choix du thème est approprié. « Nous avons les outils pour bloquer presque totalement l’infection, car la trithérapie, c’est-à-dire la combinaison de trois antirétroviraux, est très efficace. Elle est administrée en un seul comprimé par jour et a très peu d’effets secondaires. Même les personnes non infectées peuvent se protéger à 50% en prenant la bithérapie 12 heures avant les rapports sexuels. »
Malgré une stabilisation de l’épidémie au Canada et l’efficacité des traitements, le Dr Routy rappelle qu’il subsiste des lacunes dans la prise en charge des personnes vivant avec le VIH qui facilitent la transmission du virus. « Un quart des personnes infectées ignorent qu’elles sont séropositives, 10% sont suivies mais ne reçoivent pas encore de traitement ou leur traitement est sous optimal. Donc, il reste 35% des personnes infectées au Canada qui sont encore une source de transmission du virus. »
Deux avancées notables des dernières années selon la Dre Bernard :
Le suivi d’un essai clinique mené en 2009 en Thaïlande auprès de 16 000 adultes. Un vaccin préventif avait alors permis de réduire de 32,1 % le risque d'infection.
Un prototype de vaccin à ADN testé sur des macaques aux États-Unis. Très efficace, il a stimulé de fortes réponses immunitaires au sein des muqueuses, porte d'entrée privilégiée pour le VIH.
Depuis 30 ans, des chercheurs du monde entier contribuent de différentes façons au développement d’un vaccin préventif sûr et efficace. La Dre Nicole Bernard, chercheure à IR-CUSM et professeure adjointe de médecine à l’Université McGill, fait partie de ce groupe. Ses travaux sur l’immunité cellulaire constituent une étape importante vers une meilleure conception de produits thérapeutiques ou vaccins.
« Je m’intéresse au fait que certaines personnes ayant deux gènes spécifiques qui influencent l’activité des lymphocytes NK, aussi appelés cellules tueuses naturelles, ont une protection immunitaire contre l’infection du VIH », explique-t-elle. « Ces personnes semblent être capables de détruire les cellules infectées juste après l’exposition au virus. Je cherche à déterminer le potentiel et les limitations de cette découverte dans le développement de vaccins préventifs. »
Dans une lutte de cette envergure, la collaboration entre chercheurs fondamentaux et cliniciens est fondamentale. La Dre Bernard, par exemple, étudie les cellules immunitaires prélevées dans le sang des patients séropositifs suivis par le Dr Routy. Les résultats de ses recherches enrichiront ensuite le travail de l’hématologue auprès de sa cohorte de patients.
Les fonds pour financer ces recherches sont aussi essentiels. En 2013, le Dr Routy et neuf autres éminents chercheurs du Consortium canadien de recherche sur la guérison du VIH (CanCURE) ont reçu des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) une subvention de 8.7 millions de dollars sur cinq ans visant à trouver de nouveaux traitements. « Nous travaillons sur deux stratégies : un vaccin thérapeutique et un vaccin associé à une immunothérapie », dit-il.
Outre un vaccin et des traitements de plus en plus efficaces, le dépistage, la prévention et la lutte contre la stigmatisation et la discrimination demeurent des armes incontournables pour éradiquer le VIH. « Il ne faut pas que les gens aient peur ou honte vis-à-vis leur famille ou leur employeur, affirme le Dr Routy. Si elles sont traitées plus tôt, ces personnes ne seront pas malades. À long terme, ce sera un bénéfice pour toute la société. »
Dre Nicole Bernard (assise) et son équipe du Laboratoire de recherche sur le VIH et l'immunité innée
Dr Routy au Service des maladies virales chroniques à l'Institut thoracique de Montréal du CUSM