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Le syndrome du bébé secoué tue

Levi a un jour. Il a les cheveux blond-roux et dort nu contre la poitrine de sa mère. Papa et maman, Suzy et Andy DiBiaso, sont euphoriques devant leur troisième garçon. Ils quitteront l’Hôpital Royal Victoria du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) demain, mais avant le départ, une infirmière va venir leur parler durant cinq minutes du syndrome du bébé secoué (SBS).

En mars, un programme d’enseignement a été implanté au CUSM pour informer les parents du SBS qui se produit lorsqu’un adulte secoue violemment un bébé. La tête du bébé est ballotée dans tous les sens, ce qui provoque des saignements et un gonflement du cerveau. Les cellules du cerveau qui sont endommagées ne guérissent jamais. L’incidence démontrée du SBS est d’environ un cas sur 200 au Canada. Un bébé sur cinq mourra, tandis que les autres présenteront une incapacité physique, deviendront aveugles ou paralysés. D’autres problèmes peuvent se manifester lorsque l’enfant grandit. Environ 25 % à 50 % des futurs parents ne savent pas qu’ils peuvent provoquer de graves dommages cérébraux et la mort d’un bébé s’ils le secouent.

Front-line nurses Alexandra Lavoie-Richer, holding the doll, and Diane Viveiros, receive coaching from Anna Balenzano and Linda Boisvert on how to educate new parents about Shaken Baby Syndrome
De gauche à droite : les infirmières de première ligne Alexandra Lavoie-Richer (qui tient la poupée) et Diane Viveiros se font expliquer par Anna Balenzano et Linda Boisvert comment informer les nouveaux parents du syndrome du bébé secoué.

Anna Balenzano, assistante infirmière gestionnaire, et Linda Boisvert, infirmière clinicienne spécialiste, toutes deux à l’unité postnatale de la Mission de santé des femmes du CUSM, ont reçu une formation pour enseigner aux infirmières de première ligne à informer les nouveaux parents du SBS et les aider à établir un plan d’action s’ils craignent de trop secouer leur bébé. Sur une période de huit semaines, 96 infirmières de première ligne ont chacune reçu trois heures de formation.

Le programme de formation se fonde sur des recherches effectuées au CHU Sainte-Justine de Montréal, qui traitaient de l’enseignement du SBS aux parents par rapport à l’absence d’un tel enseignement et des résultats qui en découlaient. Les conséquences étaient claires : l’enseignement et la sensibilisation s’associent à une diminution de l’incidence de ce syndrome.

On a d’abord enseigné aux infirmières du CUSM ce qu’est le SBS et les statistiques qui s’y rattachent, puis on leur a expliqué l’anatomie du cerveau et ce qui se passe lorsqu’un bébé est secoué violemment. On a également souligné ce qui incitait les gens à secouer leur bébé; ce sont les pleurs persistants.

« Ce point est important ; les parents doivent comprendre que les pleurs sont normaux chez les nouveau-nés. Les coliques sont un mythe », explique madame Balenzano. « Les pleurs sont associés au développement neurologique du cerveau. Les parents peuvent avoir un bébé qui pleure plus de trois heures par jour, plus de trois fois par semaine ou pendant plus de trois mois, et c’est normal. Nous leur disons que c’est naturel et qu’ils seront probablement irrités. Ce qui n’est pas acceptable, c’est de secouer le bébé. Ils doivent trouver des stratégies pour contrôler leur énervement. »

Les infirmières ont dû répondre à des questionnaires liés à leur apprentissage. Au début, elles se sentaient nerveuses d’inclure cet enseignement dans leurs tâches quotidiennes et craignaient que les parents aient une réaction négative, mais c’est le contraire qui s’est produit. Les parents ont accueilli, en grand nombre, la période d’enseignement de cinq minutes et la documentation sur le SBS et l'information sur les pleurs du bébé, la montée de colère et un plan d’action à mettre en œuvre s’ils se fâchent au point d’avoir envie de secouer leur bébé. Une ligne d’écoute est en place si les parents n’ont personne d’autre vers qui se tourner en période de crise.

Suzy et Andy DiBiaso avec LeviSuzy et Andy DiBiaso avec Levi

« Au début, j’ai eu de la difficulté à m’habituer à ce qu’il fallait dire, mais je peux maintenant en parler sans avoir à regarder mes fiches », affirme Diane Viveiros, une infirmière qui travaille à l’unité postnatale du CUSM. « J'obtiens de bonnes réactions à tous les coups et les parents sont très surpris de l’information. Hier, un père m’a dit que l’une des choses qui le marquait le plus était qu’il n’y avait pas un type particulier de personnalité touchée par le SBC ; que ça pouvait arriver à n’importe qui. » Suzy DiBiaso, quant à elle, apprécie l’enseignement. « Selon moi, les gens pensent qu’ils ne perdront jamais les pédales à ce point. C’est mon troisième enfant, et je sais que l’expérience parentale peut être parfois émotive. Les bébés pleurent et quand un bébé est inconsolable, qu’on est épuisée et qu’en plus, nos hormones fonctionnent à plein régime, on peut avoir de la difficulté à garder son calme. J’aime le plan d’action qui est proposé. Je n’en suis personnellement jamais arrivée là, mais je pense que l’épuisement émotif guette n’importe qui. »

« Pour dispenser des soins de qualité à vos patients et à leur famille, les pratiques de soins infirmiers du CUSM évoluent constamment, compte tenu des recherches fondées sur des données probantes », précise madame Balenzano. « Si on sauve une seule vie, si on améliore le futur d’un seul enfant, on aura posé un beau geste. »