Traiter les bébés avant même leur premier souffle


Dr Jean-Martin Laberge (gauche), et Andrea Secord.

L’Université de Californie à San Francisco (UCSF) a été la première institution à effectuer une chirurgie fœtale ouverte en 1981. Du coup, intervenir pour réparer des anomalies congénitales dans l’utérus n’appartenait plus seulement au domaine de la science-fiction; l’enfant à naître venait d’accéder au rang du patient. 

Ce changement marquant dans le domaine de la médecine a eu un impact direct sur L’Hôpital de Montréal pour enfants (HME) et le futur de la médecine fœtale au Canada. C'est à ce moment-là que l'Équipe de diagnostic et de traitement fœtal (EDTF) est née à l'HME. Il s’agit maintenant d’un des rares centres spécialisés au monde offrant des diagnostics prénataux, des soins aux mères dont le fœtus est atteint d’anomalies congénitales, ainsi que des interventions médicales et chirurgicales fœtales.  

Reconnue comme chef de file canadien dans le domaine émergent de la thérapie fœtale, l’EDTF est l’invention du Dr Jean-Martin Laberge, qui participait à la recherche en chirurgie fœtale à l’UCSF en 1984. « Je voulais avoir une place de choix pour apprendre du pionnier de la chirurgie fœtale », dit-il. « C’est impressionnant d’intervenir avant la naissance, de sauver la vie d’un enfant à naître ou encore de minimiser les conséquences des malformations; c’est tout ça qui m’a attiré vers ce nouveau champ d’expertise. » 


De gauche à droite : Dr Samir Khalife, Dr David Rosenblatt, Dr Richard Brown, Lola Cartier, conseillère en génétique, Dr Jean-Martin Laberge (non visible) et Andrea Secord (non visible) participent aux tournées bihebdomadaires.
 

De retour à Montréal, Dr Laberge a mis sur pied une équipe fœtale multidisciplinaire à L’Hôpital de Montréal pour enfants qui a attiré des experts d’autres institutions médicales. l’Hôpital Royal Victoria (HRV) a été le premier partenaire à se joindre à l’HME, l’Hôpital général juif (Sir Mortimer B. Davis) et le Centre hospitalier de St. Mary ont suivi quelques années plus tard.

« Nous sommes probablement le premier centre au Canada à avoir mis sur pied une équipe fœtale intégrée, mais c’est 15 ans plus tard, lors de la conférence de presse de 2000 que l’équipe est devenue officielle », explique le Dr Laberge. Les interventionnistes fœtaux de l’équipe comportent des chirurgiens pédiatriques, des neurochirurgiens, des cardiologues pédiatriques, des spécialistes en périnatalogie, des néonatologistes et des conseillers génétiques. Mais, c’est un autre événement qui s’apprêtait à mettre l’Équipe de diagnostic et de traitement fœtal sous les projecteurs.

 

Au mois de décembre 2000, Dr Laberge et son équipe chirurgicale ont fait les manchettes internationales lorsqu’ils ont effectué la première procédure EXIT (EX-utero Intrapartum Treatment) au Québec. Ils ont procédé à une chirurgie sur un fœtus de 32 semaines en gestation atteint d’un immense tératome au cou, alors que le bébé était encore dans le ventre de sa mère. La tumeur, quoique bénigne, représentait néanmoins une menace pour la vie de l’enfant à naitre en raison de son volume de 1.4 kg… presque autant que le poids total du bébé, une fois la tumeur retirée.   

En tout, 42 spécialistes ont participé à l’accouchement à risque et à la chirurgie corrective.


Le Dr Jean-Martin Laberge (gauche) et le Dr Robert Gagnon, directeur de la division de médecine fœto-maternelle de McGill et directeur de la division d’obstétrique du CUSM, discutent d’un cas après les tournées bihebdomadaires de l’équipe de diagnostic et de traitement fœtal.
 

Ils ont procédé à une césarienne modifiée, alors que la mère était sous profonde anesthésie maternelle pour permettre à son utérus de se détendre et d’exposer une partie du corps du bébé. Le haut du corps du fœtus et le tératome ont été prudemment soulevés en dehors de l’utérus pendant presque 40 minutes, alors que le Dr Laberge et l’anesthésiste pédiatrique Dre Karen Brown inséraient une sonde d’intubation dans le petit corps de la patiente et vérifiaient sa position à l’aide d’une bronchoscopie. Une fois que sa respiration s’est stabilisée, le cordon ombilical a été coupé et la petite Liora est née.

Trois heures après sa naissance, Dr Laberge a retiré le tératome grâce à une chirurgie complexe et délicate d’une durée de près de quatre heures. Liora a ensuite été admise à l’unité néonatale de soins intensifs de l’HME où elle a été hospitalisée pendant trois mois. Aujourd’hui, la petite Liora est une brillante fillette de 12 ans, heureuse et débordante de santé.


iora (gauche), en compagnie du Dr Jean-Martin Laberge, est le premier bébé né au Québec grâce à la procédure de traitement intrapartum ex utero (EXIT), pratiquée alors que la mère de Liora était à 32 semaines de grossesse.
 

 

De nos jours, le niveau d’expertise et la compassion de l’Équipe de diagnostic et de traitement fœtal sont reconnus à travers le monde. L’équipe multidisciplinaire de spécialistes et de sous-spécialistes accomplis effectue toutes sortes de procédures, incluant l’intervention prénatale qui peut corriger de nombreuses anomalies congénitales, comme des kystes pulmonaires, certains types de tumeurs et des anomalies cardiaques. Lors d’une chirurgie fœtale ouverte, le fœtus est partiellement soulevé de l’utérus. Cette approche est utilisée pour réparer des conditions potentiellement dévastatrices telles que le spina-bifida, une malformation de la moelle épinière ou de l’une de ses couvertures. De plus, la chirurgie fœtoscopique est une des méthodes moins invasives couramment utilisées pour traiter le syndrome transfuseur-transfusé, une condition où un des jumeaux absorbe la majorité de l’approvisionnement sanguin aux dépens de l’autre. 

L'avenir de l'équipe de diagnostic et de traitement fœtal s'annonce brillant : Dr Laberge explique que les services seront rehaussés lorsque l’HME et l’HRV déménageront au site Glen en 2015. « Travailler ensemble sous un même toit nous permettra de traiter de plus en plus de bébés avant même qu’ils ne voient le jour. »