L'inactivation épigénétique d'un gène impliqué dans le métabolisme de la vitamine B12 jette un éclairage nouveau sur certaines maladies rares

 Nancy – On pensait que des maladies rares à caractère héréditaire récessif ne s’exprimaient chez les enfants que si les deux parents étaient porteurs d’une mutation du gène responsable, mais une nouvelle étude renverse ce paradigme. En effet, une équipe de recherche internationale dirigée par des chercheurs de l’Université de Lorraine, en France, ainsi que de l’Université McGill et de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM), au Canada, ont découvert une nouvelle cause d’une forme de maladie rare connue sous le nom de cblC.

Dr David Rosenblatt

Dr David Rosenblatt, chercheur au sein du Programme en santé de l’enfant et en développement humain de l’IR-CUSM

La nouvelle entité de la maladie baptisée « epi-cblC » a été observée chez plusieurs patients en Europe et aux États-Unis. La maladie cblC rend les patients incapables de métaboliser la *vitamine B12, ce qui provoque de graves problèmes de santé.

cblC est généralement causée par deux mutations sur le gène MMACHC, chacune étant transmise par un des parents. Toutefois les chercheurs ont découvert que la nouvelle entité de la maladie est plutôt attribuable à une mutation sur une seule copie du gène et l’inactivation de la seconde copie par un mécanisme épigénétique. Cette épimutation est produite par une mutation sur un gène adjacent. Leurs découvertes, qui ont été publiées en ligne dans la revue Nature Communications de ce mois-ci, pourraient avoir une incidence sur le diagnostic et les conseils génétiques offerts aux familles atteintes de maladies génétiques, ainsi que sur l’élaboration de nouvelles approches thérapeutiques.

« Nous avons découvert un nouveau mécanisme par lequel une épimutation provoque une abolition de l’expression d’un gène important de la vitamine B12. Cette épimutation peut entraîner une grave maladie génétique responsable d’une anémie, d’une atteinte neurocognitive et même d’un décès prématuré », affirme le professeur Jean-Louis Guéant, auteur principal de l’étude, directeur de l’unité Inserm de nutrition-génétique-risques environnementaux de l’Université de Lorraine, chef du département de médecine moléculaire et de thérapeutique personnalisée et médecin du Centre national de référence pour les maladies métaboliques héréditaires du Centre Hospitalier Régional Universitaire de Nancy.

La maladie cblC est l’erreur innée la plus commune du métabolisme de la vitamine B12 (cobalamine). Chez un nourrisson décédé avec les signes cliniques et biologiques de la maladie, les chercheurs de l’Université de Lorraine ont repéré une épimutation qui touchait le gène MMACHC et qu’on observait aussi chez trois générations de cette famille, dans le sperme du père et celui du père d’un autre patient. Les groupes de recherche l’ont ensuite repéré dans d’autres cas en Europe ainsi qu’en Amérique du Nord et ont découvert qu’il s’agissait d’un problème de lecture sur le gène adjacent.

« Cette épimutation observée chez les patients éteint le gène MMACHC, qui devient inactif. Elle a le même effet qu’une véritable mutation du gène lui-même. Ce mécanisme contribue peut-être à bien d’autres maladies », précise le Dr David Rosenblatt, coauteur de l’étude, chercheur au sein du Programme en santé de l’enfant et en développement humain de l’IR-CUSM et détenteur de la chaire de génétique médicale Dodd Q. Chu et famille du département de génétique humaine de l’Université McGill.

Ces résultats s’appuient sur une collaboration de longue date entre les équipes de chercheurs en France et au Québec, ainsi qu’avec des chercheurs des États-Unis (New York, Philadelphie, Boston) et de la Suisse. Dans le cadre de travaux antérieurs, les chercheurs de l’IR-CUSM et de l’Université McGill ont découvert que les mutations du gène MMACHC étaient responsables de l’erreur innée cblC du métabolisme de la vitamine B12. Après avoir étudié des centaines de patients, quelques cas ne présentaient qu’une seule mutation du gène MMACHC.

Les généticiens et les biologistes moléculaires devront désormais chercher des épimutations chez les patients qui ont de graves formes de maladies rares malgré l’absence de mutation dans au moins l’une des deux copies du gène. Le mécanisme qui provoque l’épimutation met en jeu deux gènes voisins du gène MMACHC, responsables de la maladie. Les mécanismes épigénétiques peuvent également être causés par l’environnement (alimentation, stress, exposition à des produits toxiques) et non par le hasard des mutations.  

« Nous avons jusqu’à présent identifié une quarantaine de maladies rares où ce mécanisme peut potentiellement être produit au niveau de trios similaires de gènes », explique Jean-Louis Guéant.

« Cette percée scientifique souligne l’importance de l’étude de patients atteints de maladies rares pour l’avancement de nos connaissances de la biologie humaine », ajoute le Dr Rosenblatt, qui est également le directeur de l’un des laboratoires de référence dans le monde pour les patients chez qui on soupçonne cette incapacité génétique d’absorber la vitamine B12.

*La vitamine B12, ou cobalamine (Cbl), est essentielle au bon fonctionnement du système nerveux humain et à la synthèse des globules rouges. Incapable de produire la vitamine, le corps humain doit l’obtenir à partir d’aliments d’origine animale tels que les produits, laitiers, les œufs, la viande rouge, le poulet, le poisson et les fruits de mer, ou de suppléments vitaminiques. Les légumes ne contiennent pas de vitamine B12. 

 


À propos de cette étude

Cette étude a été financée par la Région Lorraine, i-SITE Lorraine Université d’Excellence (LUE), l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) de la France et les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). Cette découverte a fait l’objet d’une publication dans Nature Communications le 4 janvier 2018.

 

 

À propos de l’Université de Lorraine

L’Université de Lorraine est un établissement public d’enseignement supérieur composé de 10 pôles scientifiques rassemblant 60 laboratoires et de 9 collégiums réunissant 47 composantes de formation dont 11 écoles d’ingénieurs. Elle compte près de 7 000 personnels et accueille chaque année plus de 60 000 étudiants. univ-lorraine.fr

 

 

À propos de l’IR-CUSM

L’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) est un centre de recherche de réputation mondiale dans le domaine des sciences biomédicales et de la santé. Établi à Montréal, au Canada, l’Institut, qui est affilié à la faculté de médecine de l’Université McGill, est l’organe de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) – dont le mandat consiste à se concentrer sur les soins complexes au sein de sa communauté. L’IR-CUSM compte plus de 420 chercheurs et près de 1 200 étudiants et stagiaires qui se consacrent à divers secteurs de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et de la recherche en santé évaluative aux sites Glen et à l’Hôpital général de Montréal du CUSM. Ses installations de recherche offrent un environnement multidisciplinaire dynamique qui favorise la collaboration entre chercheurs et tire profit des découvertes destinées à améliorer la santé des patients tout au long de leur vie. L’IR-CUSM est soutenu en partie par le Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS). ircusm.ca

 


À propos de l’Université McGill

Fondée à Montréal (Québec) en 1821, McGill est le principal établissement d’enseignement postsecondaire au Canada. Il compte deux campus, 11 facultés, 11 écoles professionnelles, 300 programmes d’études et plus de 37 000 étudiants, dont 8 300 étudiants diplômés. McGill attire des étudiants de plus de 150 pays à travers le monde, avec plus de 7 200 étudiants internationaux représentant 20 % du corps étudiant. Près de la moitié des étudiants de McGill ont une première langue autre que l’anglais comme langue maternelle, dont plus de 6 200 francophones. www.mcgill.ca

 


A propos de l’unité Inserm N-GERE

L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) est l’Institut national de la santé et de la recherche médicale. C’est la seule institution de recherche publique exclusivement axée sur la santé humaine et la recherche médicale en France. L’Inserm est composé de 339 unités de recherche, gérées par 6 500 agents permanents. L’unité Inserm sur les risques nutrition-génétique-environnementaux (N-GERE) étudie les interactions génétique-métabolisme-environnement du développement et de la santé. L’approche consiste à disséquer les mécanismes épigénomiques-métaboliques-épigénétiques par lesquels les expositions environnementales et les déséquilibres/déficits métaboliques affectent le développement précoce et les mécanismes des maladies complexes et héréditaires. L’unité joue un rôle de premier plan dans la Fédération Hospitalo-Universitaire (FHU) ARRIMAGE qui met en réseau les unités locales de l’INSERM, la recherche clinique du CHRU de Nancy et le centre national de référence pour les maladies métaboliques héréditaires.

 


Contacts

Fanny LIENHARDT
Attachée de presse
Université de Lorraine
06 75 04 85 65
[email protected]

 

Julie ROBERT
Coordonnatrice des communications
Centre universitaire de santé McGill
(+1) 514 971 4747 
[email protected]