Quand les parasites deviennent gourmands


Dr Martin Olivier et Dre Vanessa Diniz Atayde dans leur laboratoire à l'Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill - Site Glen.

Montréal – Une équipe de chercheurs internationaux dirigée par le Dr Martin Olivier, de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM), a découvert un mécanisme d’action important de la leishmaniose, une maladie parasitaire mortelle transmise par les mouches des sables (ou phlébotomes). La leishmaniose est une maladie qui touche plus de 12 millions de personnes dans le monde, dont 1,3 million de nouveaux cas chaque année. Dans une nouvelle étude publiée aujourd’hui sur le site de Cell Reports, les chercheurs ont décrit comment des molécules clé, connues sous le nom d’exosomes, peuvent activer le mécanisme d’infection du parasite de la leishmaniose chez ses hôtes, tel que l’homme ou d’autres mammifères. Ces résultats pourraient contribuer à l’identification de nouvelles cibles pour l’élaboration de vaccins et de nouveaux outils diagnostiques pour la leishmaniose et d’autres maladies parasitaires.

« Notre étude est une des premières à démontrer qu’un pathogène, tel que le parasite de la leishmaniose, hébergé par un insecte vecteur peut libérer des vésicules extracellulaires, les exosomes, qui font partie intégrante du cycle de vie infectieux du parasite », affirme le Dr Olivier, auteur principal de l’étude, qui est également chercheur au sein du programme en maladies infectieuses et immunité en santé mondiale de l’IR-CUSM et professeur de médecine à l’Université McGill. « Ainsi, des bactéries et des parasites transmis pendant que les insectes se nourrissent de sang pourraient adopter une stratégie similaire pour accroître leur taux d’infection. »


Le parasite de Leishmaniose (centre) en train d’être ingéré par un macrophage –  un type de cellule immunitaire qui se trouve être la première ligne de défense de notre corps contre les organismes étrangers.

Les exosomes sont de petites vésicules dérivées des cellules qu’on trouve dans de nombreux liquides biologiques, y compris le sang, l’urine et la salive. Ils ont fait l’objet de nombreuses études en raison de leur rôle dans la communication intercellulaire particulièrement entre les cellules immunitaires et les cellules tumorales. Si les expériences in vitro ont permis d’établir un vaste corpus de connaissances, l’équipe du Dr Olivier avec des collaborateurs des Instituts américains nationaux de la santé, est la première à faire la description détaillée de leur formation et de leur libération sous forme d’agent infectieux précis dans un organisme vivant.

« À l’aide de la microscopie électronique et de l’analyse protéomique, nous avons découvert que le parasite libérait des exosomes dans l’intestin des phlébotomes femelles, et que pendant que l’insecte se nourrissait de sang, les exosomes et le parasite de la leishmaniose étaient transmis à l’hôte », explique la première auteure de l’étude, la Dre Vanessa Diniz Atayde, chercheuse associée dans le laboratoire du Dr Olivier.

« Nous avons également découvert en travaillant avec des modèles de souris, qu’une fois le parasite injecté avec ses exosomes, nous étions capables de faire progresser l’infection, ajoute le Dr Olivier. En effet, la réponse inflammatoire, généralement causée par l’infection, ainsi que le nombre de parasites étaient augmentés. »


Petites vésicules extracellulaires appelées exosomes (indiquées par les flèches en rouge) sont relâchées par le parasite de la leishmaniose.

La leishmaniose, qui sévit dans certaines régions tropicales et subtropicales ainsi qu’en Europe méridionale, est transmise par la piqûre de phlébotomes femelles. Lors de la piqûre, les parasites sont injectés dans le sang et ingérés par des cellules immunitaires, dont ils bloquent la fonction, puis se multiplient et se répandent dans d’autres tissus de l’organisme. Cette maladie infectieuse peut se déclarer sous une forme cutanée qui peut généralement être traitée ou sous une forme viscérale plus dangereuse, et peut-être même mortelle. L’Organisation mondiale de la Santé estime que de 20 000 à 30 000 décès sont attribuables chaque année à la leishmaniose dans le monde.

En Amérique du Nord, la leishmaniose est indigène au Mexique et au Texas, mais elle a commencé à étendre son aire de répartition vers le nord. Cette expansion pourrait être facilitée par les changements climatiques, à mesure que de nouveaux habitats deviennent propices aux insectes vecteurs et aux espèces réservoirs de la maladie.

« Cette découverte pourrait ouvrir la voie au développement de nouveaux vaccins qui cibleraient la composition des exosomes et neutraliseraient leur habileté à accroitre l’infection, explique le Dr Olivier. Une autre piste intéressante serait d’étudier les exosomes d’autres insectes qui piquent et qui se nourrissent de sang, tels que les moustiques ou les mouches noires, afin de mettre au point des thérapies antiallergiques pour atténuer l’inflammation cutanée qui se manifeste après une piqûre d’insecte. »

Au sujet de l’étude

Cette étude a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). L’article, intitulé Exosome secretion by the parasitic protozoan Leishmania within the sand fly midgut, peut être consulté en anglais dans le site Web de Cell Reports.

Au sujet de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill

L’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) est un centre de recherche de réputation mondiale dans le domaine des sciences biomédicales et de la santé. Établi à Montréal, au Canada, l’Institut, qui est affilié à la faculté de médecine de l’Université McGill, est l’organe de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) – dont le mandat consiste à se concentrer sur les soins complexes au sein de sa communauté. L’Institut compte plus de 500 chercheurs et plus de 1 200 étudiants qui se consacrent à divers secteurs de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et de la recherche en santé évaluative au site Glen et à l’Hôpital général de Montréal du CUSM. Ses installations de recherche offrent un environnement multidisciplinaire dynamique qui favorise la collaboration entre chercheurs et tire profit des découvertes destinées à améliorer la santé des patients tout au long de leur vie. Plus de 1 600 projets de recherche et essais cliniques y sont menés chaque année. L’IR-CUSM est soutenu en partie par le Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS). www.ircusm.ca

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