Des chercheurs ouvrent une nouvelle voie pour la recherche sur la maladie de Parkinson
Une équipe de scientifiques dirigée par les chercheurs Michel Desjardins, de l’Université de Montréal, et Heidi McBride, de l’Institut et hôpital neurologiques de Montréal de l’Université McGill, a découvert que deux gènes associés à la maladie de Parkinson jouent un rôle clé dans la régulation du système immunitaire. Il s’agirait d’une preuve directe que le parkinson est une maladie auto-immune.
Au moyen de modèles cellulaires et murins, l’équipe a démontré que des protéines produites par ces deux gènes — PINK1 et Parkin — sont essentielles pour empêcher les cellules de se faire détecter et attaquer par le système immunitaire.
Quand les gènes PINK1 et Parkin sont dysfonctionnels, comme c’est le cas chez un sous-groupe de personnes atteintes de la maladie de Parkinson, de petites parties de protéines — appelées «antigènes» — provenant de mitochondries apparaissent à la surface des cellules. La présence de ces antigènes provoque l’activation des lymphocytes T, des cellules immunitaires qui peuvent pénétrer dans le cerveau et qui ont la capacité de détruire toute cellule ayant des antigènes mitochondriaux à sa surface.
La maladie de Parkinson est causée par la mort des neurones producteurs de dopamine dans le cerveau. Un système immunitaire devenu hyperactif en raison de gènes PINK1 et Parkin dysfonctionnels pourrait expliquer la mort des neurones dopaminergiques chez les personnes atteintes.
En conséquence, le parkinson pourrait être une maladie auto-immune comme le sont la sclérose en plaques, le diabète de type 1, la polyarthrite rhumatoïde et le lupus. Il est question de «maladie auto-immune» quand le système immunitaire attaque des cellules saines.
Les chercheurs soupçonnaient que les mitochondries, des organites à l’intérieur des cellules qui sont responsables de la production d’énergie et d’autres métabolites, jouent un rôle dans la maladie de Parkinson. Il était communément admis que, chez les personnes qui souffrent de la maladie, les mitochondries s’endommagent, ce qui crée une accumulation toxique de mitochondries endommagées finissant par causer la mort des cellules neuronales dopaminergiques. Toutefois, il s’est avéré difficile de prouver que c’est effectivement ce qui se produit chez les modèles animaux.
Publiées dans la prestigieuse revue Cell le 23 juin, les nouvelles découvertes des équipes de Michel Desjardins et de Heidi McBride reliant le parkinson à des mécanismes d’auto-immunité ont été validées chez un modèle murin de la maladie du Parkinson où PINK1 ou Parkin sont absents.
«Les cliniciens ont démontré que le système immunitaire est activé dans le cerveau des personnes atteintes de la maladie de Parkinson, a déclaré Diana Matheoud, principale auteure de l’article et postdoctorante à l’UdeM. Notre étude explique comment une attaque du système immunitaire peut entraîner la destruction de neurones dopaminergiques durant la maladie. À l’heure actuelle, nous effectuons des tests afin de déterminer si les mécanismes d’autoimmunité mènent à la perte de neurones dopaminergiques chez les souris, et nous élaborons des systèmes visant à étendre notre étude aux neurones humains.»
«La présence d’antigènes n’était pas considérée comme jouant un rôle direct dans la maladie de Parkinson, a mentionné Mme McBride. Bien que la plupart des laboratoires se concentrent sur le modèle des “mitochondries toxiques”, nos travaux ont permis d’étudier la maladie de Parkinson sous un nouvel angle. Notre approche, axée sur le système immunitaire, nous a conduits à emprunter une autre voie grâce à laquelle nous avons pu constater que l’auto-immunité peut jouer un rôle important dans la progression de la maladie.»
Maintenant qu’un lien a été établi entre deux gènes clés en cause dans la maladie de Parkinson et les mécanismes d’auto-immunité, la prochaine étape consiste à développer des médicaments qui pourront limiter la présence d’antigènes mitochondriaux. Fait remarquable, le mécanisme d’apparition de ces antigènes comporte un processus de formation de vésicule (décrit à l’origine par le groupe de Mme McBride), ce qui permettra d’établir des cibles moléculaires pour la mise au point de nouveaux médicaments visant à bloquer ce processus.
Les découvertes des chercheurs pourraient aussi mener à l’élaboration de meilleurs traitements pour d’autres maladies.
«Nous pensons que notre étude représente un changement de paradigme, car nous avons mis au jour une nouvelle voie biologique reliant les mitochondries aux mécanismes immunitaires dans la maladie de Parkinson. Cela permet d’envisager le recours à des thérapies fondées sur la modulation du système immunitaire, comme cela se fait déjà pour traiter d’autres maladies, a signalé M. Desjardins. Fait intéressant, en limitant l’apparition d’antigènes mitochondriaux, PINK1 et Parkin ne régulent peut-être pas seulement un processus qui influe sur la maladie de Parkinson : ces gènes pourraient aussi être impliqués dans d’autres maladies auto-immunes comme le diabète, le lupus et la cirrhose biliaire primitive, pour lesquelles un lien avec des antigènes mitochondriaux a été observé.»
«Cet article permet d’entrevoir un mécanisme entièrement nouveau par lequel les mutations récessives et héréditaires dans PINK1 et Parkin peuvent conduire à la neurodégénérescence, a dit le Dr Jon Stoessl, professeur et directeur du Département de neurologie à l'Université de la Colombie-Britannique et à Vancouver Coastal Health, et ancien directeur du Pacific Parkinson's Research Centre. Le rôle éventuel de l’inflammation dans la maladie de Parkinson a suscité beaucoup d’intérêt. Des études antérieures sur ces gènes étaient axées sur la perturbation des fonctions domestiques mitochondriales. Bien que les découvertes actuelles y soient peut-être clairement liées, elles laissent présager une toute nouvelle approche en matière d’élaboration de traitements ciblés. Il ne faut pas ou
blier qu’il s’agit de causes rares du parkinson et que le lien avec les formes principalement héréditaires et sporadiques de la maladie demeure à déterminer.»
L’étude a été financée grâce aux Instituts de recherche en santé du Canada et au Programme des chaires de recherche du Canada.
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