75 ans d’hémodialyse au Québec

Un moment important de l’histoire médicale canadienne liée à l’Hôpital Royal Victoria (HRV) vient d’être célébré au CUSM. En effet, le vendredi 29 septembre, un symposium hybride a été organisé pour souligner le 75e  anniversaire de la première hémodialyse au Québec, qui s’est déroulé en février 1948 à l’HRV. 

« C’est une étape déterminante pour notre hôpital, pour le Québec et pour le Canada. Il s’agit d’une percée décisive qui a complètement changé la vie des personnes atteintes d’insuffisance rénale », affirme la Dre  Rita Suri, directrice de la division de néphrologie du CUSM. 

Un gros gâteau recouvert d’une photo de l’ancien édifice de l’HRV trônait dans la salle où près de 50 personnes s’étaient réunies pour l’occasion. De nombreuses autres y ont assisté par Zoom. Plusieurs allocutions ont été prononcées, notamment celles du conférencier principal, le Dr Raymond Hakim, du Vanderbilt Centre for Kidney Disease, et de la patiente partenaire Corry Terfloth, dont l’implication à l’Hôpital général de Montréal et au CUSM a commencé il y a 40 ans. 

 

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Gauche à droite : Le Dr Andrey Cybulsky, le Dr Murray Vasilevsky, la Dre Rita Suri, le Dr Raymond Hakim, Hélène Boisvert (Fondation canadienne du rein), Corry Terfloth

L’hémodialyse expliquée 

L’hémodialyse est un traitement qui sauve la vie des personnes dont les reins ont arrêté de bien fonctionner. Elle fait appel à un appareil appelé « rein artificiel » ou « dialyseur » qui extrait le sang de l’organisme, en retire les impuretés et le renvoie dans le corps du patient. En général, l’intervention, d’une durée de quatre heures, est reprise trois fois par semaine.  

« La dialyse chronique peut permettre d’attendre une transplantation rénale, mais ce peut aussi être un traitement indépendant administré pendant de nombreuses années », explique le Dr Andrey Cybulsky, ancien directeur de la division de néphrologie. 

Le CUSM dispose d’unités d’hémodialyse au site Glen, à l’Hôpital général de Montréal et à l’Hôpital de Lachine, ainsi que de trois unités satellites dans les communautés nordiques de Chisasibi, de Chibougamau et de Mistissini. Grâce à ces unités, qui servent surtout la population crie locale, jusqu’à 60 patients peuvent subir une hémodialyse plus près de chez eux, a affirmé le Dr Murray Vasilevsky du CUSM pendant sa présentation intitulée Northern Exposure: Renal Disease in Quebec’s Indigenous Population. 

Une alliance décisive 

Le premier rein artificiel jamais utilisé à Montréal provenait d’outre-mer et avait été fourni après la Seconde Guerre mondiale par le Dr Willem Kolff, un médecin néerlandais. Après la libération des Pays-Bas par l’occupation nazie, le Dr Kolff a ainsi envoyé quatre reins artificiels à quatre endroits différents dans le monde, en partie parce qu’il ne croyait pas à la réussite de la dialyse dans son pays natal et qu’il voulait remercier les pays qui avaient contribué à libérer les Pays-Bas. En octobre 1947, un rein artificiel est arrivé à l’HRV de Montréal, en symbole de gratitude envers les Forces armées canadiennes qui avaient libéré la ville néerlandaise où vivait le Dr Kolff.  

artificial kidney

Quelques mois plus tard, le 23 février 1948, le Dr John MacLean, un urologue des forces canadiennes qui avait commencé à travailler à l’HRV en 1945, a procédé à la première hémodialyse à Montréal à l’aide du rein artificiel du Dr Kolff. Cette intervention a marqué le début du programme d’hémodialyse au Québec. 

Dr. MacLean and other physicians
Le Dr MacLean (en arrière, à gauche) et des autres médecins. Photo : Centre des arts et patrimoine RBC du CUSM.

L’évolution du traitement des maladies rénales 

« L’équipement utilisé pour l’hémodialyse est beaucoup moins volumineux aujourd’hui. Il est automatisé, informatisé et fournit un traitement beaucoup plus efficace qu’il y a 75 ans, constate le Dr Cybulsky. Cependant, le concept n’a pas beaucoup évolué. C’est toujours une machine à laquelle quelqu’un doit être branché. » 

Dans la présentation intitulée Dialysis : Past, Present and Future, le Dr Hakim a révélé à l’auditoire que les machines d’hémodialyse portables se profilent à l’horizon : « Elles seront beaucoup plus petites, plus portatives et donneront plus de mobilité et la liberté de voyager aux patients ». Des appareils d’hémodialyse implantables, qu’on appelle également reins bioartificiels, sont également en cours d’élaboration. « Ils ont commencé à être utilisés chez des animaux, et on espère qu’ils le seront chez les humains sous peu. » 

Selon le Dr Hakim, la voie de l’avenir consiste également à accroître le taux de transplantations, partiellement par la xénotransplantation qui, dans le cas d’une maladie rénale, consiste à transférer le rein fonctionnel d’un animal à un patient humain.  

Une percée aux vastes répercussions 

« Grâce à la dialyse, d’autres spécialités et disciplines médicales ont pu pousser leurs traitements plus loin, a précisé la Dre Suri en entrevue avant le symposium. La chirurgie cardiaque, la chimiothérapie pour le traitement du cancer et la reconstruction après des traumatismes sont souvent responsables d’une insuffisance rénale en raison de leurs effets sur l’organisme. Avant le “rein artificiel”, ces opérations et traitements complexes n’auraient pas été possibles parce qu’ils entraînaient une insuffisance rénale chez les patients. Avec la dialyse, nous pouvons soutenir les patients. » 

« Par exemple, une nouvelle famille de médicaments utilisés pour la chimiothérapie, qu’on appelle inhibiteurs du point de contrôle, a révolutionné le traitement de certains cancers, mais entraîne parfois une insuffisance cardiaque, ajoute le Dr Cybulsky. Ces patients n’ont pas tous besoin de dialyse, mais pour ceux qui en ont besoin, elle peut leur être administrée tant qu’ils requerront du soutien. » 

Le point de vue d’une patiente traitée en néphrologie 

« Mes dossiers médicaux pourraient probablement remplir une brouette », confie Corry Terfloth, qui a commencé à être traitée en néphrologie peu après la naissance de son aîné en 1986. En plus d’éprouver d’autres problèmes de santé, elle a passé de nombreuses années en dialyse avant de recevoir une transplantation rénale. « La dialyse occupait 20 heures de ma vie toutes les semaines. Je ne pouvais pas beaucoup voyager. Néanmoins, j’ai mené une belle vie, et c’est en partie grâce aux personnes qui m’entouraient, raconte-t-elle. Les professionnels de la santé sont tellement gentils et dévoués. » 

Pendant son allocution, Corry n’a pas tari d’éloges pour le Dr Vasilevsky, son néphrologue, et pour le personnel des unités de dialyse de l’hôpital. « J’ai une requête, a-t-elle annoncé après avoir parlé de son expérience du système de santé à titre de patiente en néphrologie. S’il reste du gâteau, pouvez-vous en descendre aux infirmières de l’unité de dialyse ? Elles le méritent ! »