Le dépistage ciblé des nouveaux résidents, un élément clé de la lutte contre la tuberculose au Canada
Une nouvelle étude fournit des données inédites sur le taux d’infection chez les résidents et citoyens canadiens nés à l’étranger
Montréal, le 13 décembre 2023 —Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la tuberculose a causé 1,3 million de décès en 2022 et demeure très présente dans de nombreux pays. Au Canada, où les résidents nés à l’étranger supportent 80 % du fardeau de la tuberculose, le taux d’incidence annuel est proche de 5 cas pour 100 000 personnes, ce qui est loin de l’objectif de l’OMS de la réduire à un cas par million d’habitants.
Une nouvelle étude réalisée par des chercheurs de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) révèle qu’environ un résident canadien né à l’étranger sur quatre serait infecté par la tuberculose, mais très peu d’entre eux auraient été infectés au cours des deux dernières années, la période où le risque d’évolution vers la forme active de la maladie est le plus élevé. Les auteurs de l’étude financée par les Instituts de recherche en santé du Canada et publiée cette semaine dans CMAJ suggèrent que le dépistage de l’infection chez les nouveaux résidents permanents provenant de pays à forte incidence de tuberculose devrait être priorisé. Il serait coûteux et inefficace de tester les personnes établies au pays depuis plus de deux ans.
« Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 5 à 10 % des personnes infectées par la tuberculose développent la maladie au cours de leur vie. Toutefois, le risque de développer la maladie dans les deux premières années suivant l’acquisition de l’infection est de 25 à 50 fois plus élevé que lorsque davantage d’années se sont écoulées, explique le Dr Kevin Schwartzman, scientifique senior au sein du Programme de recherche translationnelle sur les maladies respiratoires à l’IR-CUSM et co-auteur principal de l’étude. Notre étude suggère que parmi tous les résidents canadiens nés à l’étranger et infectés par la tuberculose en 2021, seulement 1 sur 488 aurait été infecté au cours des deux années précédentes, avec un risque accru de développer la maladie. »
« Le traitement préventif de la tuberculose est très efficace pour empêcher le développement de la maladie chez les personnes infectées. Cependant, mettre en place des programmes généralisés de dépistage et de traitement de l’infection tuberculeuse serait probablement d’un coût prohibitif et reviendrait à traiter un très grand nombre de personnes à très bas risque de développer la maladie, ajoute Jonathon Campbell, Ph. D., scientifique junior au sein du Programme de recherche translationnelle sur les maladies respiratoires à l’IR-CUSM et co-auteur principal de l’étude. Nous avons mené cette étude pour aider à cibler les groupes pour lesquels le dépistage serait plus efficace et permettrait probablement de détecter de plus grandes proportions d’infections. »
Un portrait plus précis de la situation
Selon les résultats de l’étude, la prévalence globale estimée de l’infection tuberculeuse chez les personnes nées à l’étranger au Canada était de 25 % pour l’année de recensement 2001, de 24 % pour 2006, de 23 % pour 2011, de 22 % pour 2016 et de 22 % pour 2021, un chiffre près de la moyenne mondiale, qui est de 23 %. Les chercheurs ont de plus observé que la prévalence augmentait avec l’âge au moment de la migration et l’incidence de la tuberculose dans le pays d’origine.
À l’échelle provinciale, la prévalence estimée de l’infection en 2021 chez les résidents nés à l’étranger était la plus faible au Québec (19 %) et la plus élevée en Alberta (24 %) et en Colombie-Britannique (24 %).
Pour obtenir ces résultats, les chercheurs ont synthétisé les informations relatives à la tuberculose et aux taux d’infection dans tous les pays du monde, au cours des 90 dernières années, afin d’estimer la probabilité que les personnes vivant dans un pays donné aient été exposées à la tuberculose et infectées au cours d’une année donnée. Ils ont associé ces données aux informations provenant des recensements canadiens, notamment le nombre de personnes vivant au Canada originaires de chaque pays, ainsi que leur âge et le temps qu’elles ont passé au Canada. Leurs travaux révèlent que les résidents canadiens nés à l’étranger et présentant une infection tuberculeuse ont probablement été infectés bien avant leur migration et que, par conséquent, la plupart d’entre eux ne courent qu’un faible risque de développer la maladie.
Progresser vers l’élimination de la tuberculose
Les auteurs de l’étude soulignent que malgré l’objectif précédent du Canada de réduire l’incidence de la tuberculose au Canada à 3,5 cas pour 100 000 habitants d’ici 2015, elle est restée à 4,8 pour 100 000 en 2021. Et ce, malgré le fait que le Canada et la communauté internationale aient convenu d’éradiquer la tuberculose d’ici 2030, dans le cadre des Objectifs de développement durable des Nations Unies. Les auteurs attribuent l’absence de progrès vers l’élimination de la tuberculose à des changements épidémiologiques et au manque de stratégies de prévention.
« Notre étude fournit des estimations et des informations très attendues sur la tuberculose chez les personnes nées à l’étranger et vivant au Canada. Nous espérons qu’elle contribuera à la prise de décisions cliniques et politiques, » dit Aria Jordan, première auteure de l’étude et ancienne étudiante de maitrise sous la supervision du Dr Schwartzman.
À propos de l’étude
L’étude The prevalence of tuberculosis infection among foreign-born Canadians: a modelling study a été réalisée par Aria Ed Jordan, Ntwali Placide Nsengiyumva, Rein M.G.J. Houben, Peter J. Dodd, Katie D. Dale, James M. Trauer, Justin T. Denholm, James C. Johnston, Faiz Ahmad Khan, Jonathon R. Campbell and Kevin Schwartzman
DOI: https://doi.org/10.1503/cmaj.230228
À propos de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill
L’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) est un centre de recherche de réputation mondiale dans le domaine des sciences biomédicales et de la santé. Établi à Montréal, au Canada, l’institut, qui est affilié à la faculté de médecine de l’Université McGill, est l’organe de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) — dont le mandat consiste à se concentrer sur les soins complexes au sein de sa communauté. L’IR-CUSM compte plus de 450 chercheurs et environ 1 200 étudiants et stagiaires qui se consacrent à divers secteurs de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et de la recherche en santé évaluative aux sites Glen et à l’Hôpital général de Montréal du CUSM. Ses installations de recherche offrent un environnement multidisciplinaire dynamique qui favorise la collaboration entre chercheurs et tire profit des découvertes destinées à améliorer la santé des patients tout au long de leur vie. L’IR-CUSM est soutenu en partie par le Fonds de recherche du Québec — Santé (FRQS). ircusm.ca
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Fabienne Landry
Coordonnatrice des communications, Recherche
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