Profession : Perfusion

France Denis et Jeanne Corriveau, toutes deux perfusionnistes au Centre universitaire de santé McGill (CUSM) racontent cette anecdote avec humour : « Les gens ne savent pas ce qu’est la profession de perfusionniste. Ils nous font répéter, percussionnistes, parfumistes? Il y a encore du chemin à faire pour expliquer ce que nous faisons », disent-elles, sourires en coin.

Il faut dire que la formation en perfusion cardio-vasculaire est offerte seulement dans trois institutions universitaires au Canada, à Montréal, Toronto et Vancouver. 

L’Université de Montréal offre ce diplôme d’études supérieures spécialisées, au niveau de la maîtrise depuis 2016. Jeanne Corriveau, fait partie de la première cohorte à avoir gradué : « Après avoir fait un baccalauréat en sciences biomédicales, qui mène normalement à la recherche fondamentale, j’ai opté pour cette petite branche très spécifique qu’est la perfusion cardio-vasculaire. »  

Pour France Denis, perfusionniste depuis le début des années 1980, l’évolution de la profession continue de nourrir son intérêt : « Après tout ce temps au chevet des patients, j’ai toujours le feu sacré. Les gestes que l’on pose, les actes délégués, l’équipement à la fine pointe de la technologie, pour nous c’est une vocation. »

On compte quatre-vingts perfusionnistes au Québec, et les défis de recrutement sont nombreux. Mais que font les perfusionnistes au juste?

Les professionnels de la perfusion s’occupent, entre autres, de faire fonctionner le cœur pendant une chirurgie cardiaque : « Pour que le chirurgien puisse faire un pontage ou remplacer une valve du cœur, explique Jeanne Corriveau, il faut rediriger la circulation sanguine dans un appareil cœur-poumon artificiel et maintenir les fonctions vitales du patient pendant la durée de l’opération. »

France Denis renchérit : « Au bloc opératoire nos activités se sont diversifiées, notamment en chirurgie générale, vasculaire et thoracique, de même qu’en traumatologie, obstétrique et oncologie. Des déplacements interhospitaliers sont parfois requis. Nous offrons un soutien vital aux patients en hémodynamie et à la salle d’urgence ainsi qu’à ceux qui sont hospitalisés aux soins intensifs. Au fil des ans, le champ d’activité de notre profession s’est considérablement élargi, » explique-t-elle.

France Denis et Jeanne Corriveau
France Denis à la gauche et Jeanne Corriveau à la droite, perfusionnistes, en salle d’opération au CUSM.
 

Être perfusionniste en temps de pandémie

L’arrivée de la COVID-19 en 2020 n’a pas été de tout repos pour les perfusionnistes. Au nombre de dix au CUSM, l’expertise du groupe a été mise à contribution pour soigner les patients pendant la pandémie : « En plus de maintenir les activités cliniques habituelles et les suivis auprès de patients porteurs d’un cœur mécanique, poursuit France Denis, nous avons un nouveau groupe de patients à soutenir : ceux atteints de la COVID, réfractaires aux traitements conventionnels et à la ventilation mécanique. » 

Pour ces patients, l’ECMO (oxygénation par membrane extracorporelle), un appareil qui remplace temporairement le cœur et les poumons d’un patient, constitue une option de dernier recours. « L’ECMO sauve en moyenne un patient sur deux destiné à une mort certaine, ce qui est déjà une amélioration. On voudrait tous les sauver, souffle Jeanne, malheureusement ce n’est pas toujours possible, » continue la jeune perfusionniste.

Au cours des deux vagues de la COVID-19, on dénombrait à la fin février, plus d’une trentaine de patients COVID-19 ayant eu le traitement ECMO, sous la surveillance constante des perfusionnistes.

Au-delà de l’appareillage imposant : les patients

Aussi sophistiqué que puisse être l’appareillage technologique utilisé par les perfusionnistes, les deux professionnelles n’oublient jamais le caractère humain de leur rôle : « Récemment, j’ai pris soin d’un patient de mon âge, mis sous ECMO, se souvient Jeanne, 28 ans.  C’est rare, mais il était extubé et communiquait avec nous. Nous l’avons accompagné jusqu’à sa transplantation cardiaque, ce fut un beau moment. »

En revanche, les perfusionnistes peuvent être appelés à participer aux soins de fin de vie d’un patient : « Ce n’est pas toujours facile, raconte pour sa part France. Il faut apprendre à composer avec cette situation. Heureusement que notre grand esprit d’équipe nous permet de trouver du réconfort et de passer au travers. »

Antoinette Di Re, Directrice des Services multidisciplinaires des sites adultes, n’a que des éloges pour tous les perfusionnistes du CUSM : « Ils font  preuve de solidarité en toute circonstance.  May Tam, à titre de coordonnatrice, fait un travail exemplaire pour surmonter les défis et assurer des soins d’une grande qualité. Je suis honorée de travailler avec tous les membres de cette équipe formidable et très dévouée. »

May
May Tam, perfusionniste, en salle d’opération au CUSM.