Connaître son statut : Journée mondiale de lutte contre le sida
Marie*, 41 ans, a fui la violence de son pays pour se réfugier au Canada, où sa demande d'asile est en cours de traitement. Installée dans un studio à Montréal, dans Ville St-Laurent, son loyer de 500 $ monopolise une grande partie de l’allocation mensuelle de 611 $ qu’elle reçoit du gouvernement. Là, elle se retrouve seule, sans télévision ni Internet, et c’est le ventre vide qu’elle tente de s’acclimater à sa nouvelle vie. Cet environnement peu familier n’offre guère de réconfort lorsqu’elle pense au diagnostic inattendu qu’elle a récemment reçu. Marie a le VIH, le virus qui cause le sida.
Pour supprimer le virus, Marie sait qu’elle doit suivre assidûment son traitement. Hors de question, donc, qu’elle manque son rendez-vous au Service des maladies virales chroniques (SMVC) du Centre universitaire de santé McGill (CUSM). Sans un sou pour les transports en commun, elle enfile son blouson et entreprend une marche de trois heures pour se rendre à son rendez-vous. C’est une de ces journées glaciales de novembre où le mercure chute sous 0º.
« Vais-je mourir? » pense-t-elle. La question l’assaille, tout comme le parcours qui l’attend pour traiter l’infection, l’indésirable invitée dans ce nouveau chapitre de sa vie.
En cette 30e Journée mondiale de lutte contre le sida, chacun est encouragé à connaitre son statut à l’égard du VIH. Les « Villes sans sida » comme Montréal (ou Fast-Track Cities, une initiative d’ONUSIDA) se sont engagées à diagnostiquer 90 % de leur population séropositive, à fournir un traitement antirétroviral à 90 % des personnes diagnostiquées, et à supprimer la charge virale de 90 % des personnes traitées. Nous pensons que nous pouvons – et devrions – faire encore mieux.
Marie n’est qu’un visage parmi d’autres patients séropositifs vulnérables traités au SMVC, dont le nombre est en constante augmentation. Le Programme de surveillance de l’infection par le VIH au Québec de l’INSPQ indique que 455 personnes ont reçu un diagnostic de séropositivité à Montréal l’année dernière et que près de la moitié d’entre elles provenaient de pays où le VIH est endémique. Le SMVC estime avoir traité la moitié de ces nouveaux patients, une tendance qui s’est par ailleurs poursuivie en 2018.
Le succès des médicaments antirétroviraux (ARV) n’est plus à démontrer. Depuis 2016, 98 % de nos patients suivent ces traitements et, parmi eux, environ 92 % ont une charge virale supprimée : le VIH est toujours présent dans leur corps, mais leur système immunitaire reste suffisamment fort pour repousser toute attaque. Les patients séropositifs qui prennent leurs ARV régulièrement maintiennent des charges virales indétectables dans le sang et ne peuvent pas transmettre sexuellement l’infection, d’où le slogan de l’ONUSIDA : « Indétectable=non transmissible »
Le SMVC, une des seules cliniques en milieu hospitalier spécialisées à Montréal, jouit d’une longue expérience de leadership en recherche, en enseignement et en soins cliniques reliés au traitement des personnes vivant avec le VIH. Son équipe multidisciplinaire a une compréhension étendue des besoins des personnes séropositives, qu’elles viennent d’ici ou d’ailleurs. Plusieurs de nos patients, incluant ceux nés au Québec, vivent dans l’extrême pauvreté, sont confrontés à la stigmatisation et doivent quotidiennement choisir entre manger et prendre soin de leur famille ou prendre leurs médicaments. Pour un patient couvert par la RAMQ (et qui ne reçoit pas d’aide sociale), cela peut représenter plus de 1000$ par année, un poids financier considérable pour des travailleurs à faible revenu.
Devant cette situation, le SMVC a collaboré avec la Fondation du CUSM pour créer un fonds d’aide aux patients vulnérables, en novembre 2017. Cependant, les gouvernements doivent également faire leur part.
Amener les gens à connaitre leur statut et faire en sorte qu’ils demeurent engagés dans leurs soins et en mesure de prendre leurs ARV est crucial. Si nous voulons soutenir les personnes vivant avec le VIH et respecter l’engagement du Canada à atteindre les ambitieux objectifs de l’ONUSIDA visant à mettre fin à l’épidémie mondiale du sida d’ici 2030, nous avons besoin de leadership et de ressources. Nous devons nous assurer que le traitement antirétroviral à long terme est accessible. Aucune barrière financière ne devrait limiter l’accès à ces médicaments qui sauvent la vie. L’infection au VIH représente une menace pour la santé publique, à l’instar de la tuberculose, une maladie pour laquelle le traitement est fourni sans frais au patient. Pourquoi ne pouvons-nous pas faire comme pour l'infection à la tuberculose et offrir un traitement gratuit pour le VIH?
La santé est un droit humain élémentaire. En assurant l’accès au traitement pour les personnes vivant avec cette maladie chronique mais encore mortelle et fortement stigmatisée, indépendamment de leur lieu de provenance, nous ferons notre part pour mettre un terme à l'épidémie du VIH/sida.
Joseph Cox, M.D. (directeur de la clinique); Nadine Kronfli, M.D.; Marina Klein, M.D.; Luciana Ruppenthal, M. Sc.; Alison Wong, M. Sc.; et Claire Duchesneau, M.T.S., du Service des maladies virales chroniques du Centre universitaire de santé McGill
* Nom changé pour préserver l’anonymat de la patiente
Forty-one-year-old Marie* fled violence in her country for sanctuary in Canada, where her petition for asylum is being processed. Settled into her studio apartment in Montreal’s Ville St-Laurent neighborhood, her $500 rent monopolizes the $611 monthly stipend she receives from the government. Here, she sits alone without a TV or internet as she tries to forget the gnawing in her stomach while grappling with her new home and its increasingly colder climate. These unfamiliar surroundings offer no consolation from the fear gripping her following an unexpected diagnosis of HIV, the virus that causes AIDS.
Treatment is essential to suppressing the virus so missing her appointment at the Chronic Viral Illness Service (CVIS) of the McGill University Health Centre (MUHC) isn’t an option. With no money for public transport, Marie puts on her autumn jacket and takes the first steps of a three-hour walk across the city to her appointment as November’s first sub-zero weather snap sets in.
“Will I die?” she thinks to herself as she attempts to come to terms with the road ahead to treating this disease, her unwanted companion in a new chapter of her life.
World AIDS Day celebrates its 30th anniversary on Saturday, calling on the global community to get tested and know their HIV status. Fast-Track Cities like Montreal are committed to diagnosing 90% of people living with HIV, providing antiretroviral (ARV) treatment to 90% of people diagnosed, and suppressing the virus in 90% of people treated. We think we can - and should - go further.
Marie is just one of the increasing numbers of vulnerable HIV-positive patients in the CVIS’ care. Quebec’s HIV surveillance program found 455 people were diagnosed with HIV in Montreal last year, with nearly half of those identified as new cases from HIV-endemic countries. The CVIS estimates it has cared for half of these new patients - a trend that has continued into 2018.
There is no denying the success of ART medications; since 2016, 98 percent of our patients are on these medications and 92% of them were virally suppressed meaning HIV lingers in the body, but the immune system remains strong enough to repel any attack. HIV patients who take their ARVs regularly maintain undetectable viral levels in the blood and cannot transmit HIV infection sexually. As UNAIDS puts it: ‘Undetectable equals Untransmittable’ (U=U).
The CVIS, one of a few hospital-based specialized clinics in Montreal, has a history of leadership in research, teaching and the clinical care of people living with HIV. The multidisciplinary team has a broad understanding of the needs of this clientele, which includes migrants, refugees and asylum seekers. Many of our patients, including those born in Quebec, live in extreme poverty and, beyond the stigma, must make daily choices: either eating and caring for their family or taking medicines. This can set a RAMQ-covered patient back over $1000 every year.
In response, we have collaborated with the MUHC Foundation to establish a Patient Fund to assist vulnerable patients. But governments need to do their part too.
Getting people to know their status and keeping patients engaged in care and able to take their ARVs is crucial. If we want to support people living with HIV and respect Canada’s commitment towards UNAIDS’ target of ending the global AIDS epidemic by 2030, we need both leadership and resources. We must ensure long-term ARV treatment is accessible. There should be no financial barriers to starting and taking these life-saving medications. HIV infection represents a threat to the public’s health not unlike tuberculosis, where treatment is provided without cost to the patient. Why can we not replicate the case of tuberculosis infection and offer free treatment of HIV?
Health is a basic human right. By assuring access to treatment for people living with this deadly and highly stigmatized disease, regardless of where they call home, we will be doing our part to bring an end to the HIV/AIDS epidemic.
Signed,
Joseph Cox, MD; Nadine Kronfli MD; Marina Klein MD; Luciana Ruppenthal MSc; Alison Wong MSc; and Claire Duchesneau, MSW, of the Chronic Viral Illness Service of the McGill University Health Centre.
* Patient’s name changed to protect anonymity