Gériatrie : une approche de soins adaptée aux personnes âgées

L’espérance de vie s’est considérablement allongée au cours du dernier siècle. Mais à quel prix? Les gens vivent plus longtemps, mais ont également besoin de plus de soins de santé. Les maladies chroniques, souvent associées à d'autres problèmes de santé, deviennent un fardeau pour de nom¬breuses personnes âgées, sans parler de la diminution de l'endurance, de la force musculaire, de la vision, de l'audition ou des capacités cognitives qui accompagne naturellement le vieillissement. Nos aînés dépendent ainsi fortement de nos systèmes de santé, comme à aucune autre époque de l'histoire.

« Aujourd’hui, dans les établissements de santé, la plus forte population de patients est composée de personnes âgées, dit Dr José A. Morais, directeur de la Division de gériatrie du Centre universitaire de santé McGill (CUSM). En outre, les aînés se distinguent par leur vulnérabilité physique et cogni¬tive, qui peut les amener à subir une perte d’autonomie durant une hospitalisation. Les équipes de soins doivent donc porter une attention particulière à ces patients afin de prévenir toute détérioration évitable de leur état. »

De gauche à droite : Assunta Pietrantonio, infirmière clinicienne en gériatrie, Dr Julian Falutz, gériatre, Guylaine Bachand, infirmière clinicienne en gériatrie, Dre Mélanie Mondou, gériatre, Dr José A. Morais, gériatre et directeur, Division de gériatrie du CUSM
De gauche à droite : Assunta Pietrantonio, infirmière clinicienne en gériatrie, Dr Julian Falutz, gériatre, Guylaine Bachand, infirmière clinicienne en gériatrie, Dre Mélanie Mondou, gériatre, Dr José A. Morais, gériatre et directeur, Division de gériatrie du CUSM

Au CUSM, la Division de gériatrie est un des leaders de la mise en oeuvre de l’Approche adaptée à la personne âgée (AAPA), en vertu d’une directive ministérielle qui requiert son application dans tous les hôpitaux.

« En plus de soigner les personnes âgées ayant besoin d’un suivi spécialisé et de former les étudiants en médecine et les résidents, nous faisons la promotion de l’AAPA auprès des travailleurs de la santé, afin qu’ils développent les compétences de base pour adapter leur soins aux besoins particuliers des personnes âgées fragiles », dit le Dr Morais.

Limiter les risques liés à l’hospitalisation

Si l’hospitalisation représente un risque pour les personnes âgées, c‘est parce que l’alitement, la malnutrition, les effets in¬désirables de la médication, le délirium (état de confusion aigu) et un environnement physique inadéquat peuvent entrainer des complications et des effets néfastes à court et à long terme sur l’autonomie et la qualité de vie.

« Un tiers des patients âgés qui sont hospitalisés dévelop¬pent une confusion durant leur séjour à l’hôpital, et une bonne partie de ces cas pourrait être évitée avec des mesures somme toute simples », affirme Dr Morais.

L’AAPA, conjointement avec les programmes déjà existants de prévention des chutes et des plaies de lit, aide à réduire ces risques. La formation à cette approche met l’accent sur six dimensions des soins, désignées par l’acronyme AINÉES : Autonomie fonctionnelle (rester actif et bouger); Intégrité cutanée (conserver une peau saine); Nutrition et hydratation (bien s’alimenter et s’hydrater); Élimination (assurer la régu¬larité); État cognitif (demeurer alerte et attentif); Sommeil (bénéficier d'un environnement propice au sommeil).

« Ces dimensions doivent être surveillées et évaluées tout au long du séjour à l’hôpital, dit Joann Creager, infirmière clinicienne spécialisée responsable d’enseigner les meilleures pratiques aux infirmières. L’objectif est de réduire les risques de déclin fonctionnel et de délirium en portant attention à l’état de santé globale de la personne âgée, et non seulement à la cause de l’hospitalisation. »

« Cela implique, par exemple, de veiller à faire marcher les patients, de les amener à s’asseoir dans un fauteuil au moment des repas, de les accompagner à la toilette au lieu d’utiliser un bassin, de s’assurer qu’ils mangent et boivent bien, de leur of¬frir un environnement propice au sommeil et de s’assurer que le niveau de bruit et d’éclairage leur permette de faire la dis¬tinction entre le jour et la nuit. »

Joann Creager, infirmière clinicienne spécialisée, parle avec Goldie Steinberg, une patiente de l'Hôpital de jour en gériatrie du CUSM
Joann Creager, infirmière clinicienne spécialisée, parle avec Goldie Steinberg, une patiente de l'Hôpital de jour en gériatrie du CUSM

« Il faut aussi limiter les risques de chute et veiller à ce que la personne ait aisément accès à son dentier, à ses lunettes, à un verre d’eau, etc. » ajoute Joann.

« Cette année, la Direction des soins infirmiers met l’accent sur le développement de l’APPA, affirme Mary Sullivan, as¬sistante infirmière-chef à l’Hôpital de jour en gériatrie. En fait, c’est un projet prioritaire, et pas seulement pour les infirm-ières. Les préposés aux bénéficiaires, les ergothérapeutes, les physiothérapeutes, enfin tous les professionnels y compris les médecins y sont sensibilisés. »

Au CUSM, lorsqu’un patient âgé présente un état de santé complexe, le médecin traitant ou l’équipe de soins peuvent bien sûr demander une consultation en gériatrie pour obtenir une évaluation globale de son état, en tout temps.

La consultation peut être menée à l’urgence comme sur les unités de soins. Elle est menée par un tandem formé d’un gériatre et d’une infirmière clinicienne spécialisée. Au besoin, un pharmacien spécialisé en gériatrie peut émettre des recommandations, surtout lorsque les patients prennent de multiples médicaments. En effet, la polymédication, soit l’usage simultané de plusieurs médicaments, peut avoir des effets secondaires sérieux, allant parfois jusqu’au délirium. À l’urgence, l’équipe inclut également un travailleur social, un ergothérapeute et un physiothérapeute. « Le gériatre ne peut pas couvrir tous les aspects des soins à lui seul. Il doit travailler en équipe », souligne le Dr Morais.

Soutenir les patients ambulatoires

De nombreux patients âgés qui éprouvent des difficultés à mener leur vie de façon autonome profitent des services am¬bulatoires offerts en majorité à l’Hôpital général de Montréal du CUSM (HGM-CUSM). « Les médecins de famille ou d’autres spécialistes nous les réfèrent parce qu’ils ont développé des troubles de la mémoire, qu’ils perdent leur autonomie, ou qu’ils ont de la difficulté à se mouvoir », explique Dr Morais.

Les aînés se distinguent par leur vulnérabilité physique et cognitive, qui peut les amener à subir une perte d’autonomie durant une hospitalisation. — Dr José A. Morais

« Dans un premier temps, des infirmières réalisent un dépistage par téléphone en posant des questions au patient, et souvent à des membres de sa famille. Ensuite, le patient se présente en clinique pour une évaluation complète. Selon ses besoins, il peut ensuite être dirigé vers nos services spéciali¬sés, » dit Mary.

« Le soutien aux familles est très important », ajoute Guy¬laine Bachand, infirmière spécialisée qui compte 35 années d’expérience en gériatrie à l’HGM-CUSM. « L’infirmière fait le pont entre le patient, sa famille et le reste de l’équipe. Elle discute avec la famille de l’évolution de l’état du patient et est responsa¬ble de communiquer le plan de l’équipe de soins au personnel du CLSC, au médecin de famille et aux médecins spécialistes. »

Dr José A. Morais et Guylaine Bachand, infirmière clinicienne en gériatrie
Dr José A. Morais et Guylaine Bachand, infirmière clinicienne en gériatrie

Les cliniques spécialisées permettent de réaliser des évalu¬ations plus poussées afin de mieux cibler et traiter les pro-blèmes de mémoire, de douleur ou d’inaptitude qui affectent les patients. « Les problèmes cognitifs sont fréquents, puisque 30 % des personnes âgées de plus de 85 ans ont des pertes de mémoire. Celles-ci ont de grands impacts sur leur vie quoti-dienne et sur leur capacité décisionnelle », note le Dr Morais.

La Division de gériatrie compte également une clinique de réponse rapide pour évaluer les cas les plus urgents, et ouvri¬ra, à la fin novembre, une clinique de mobilité et d'évaluation des chutes.

« Après la fermeture d’une quinzaine de lits en gériatrie au printemps dernier, certains ont cru que les services de la Division diminueraient, dit Dr Morais. En fait, notre équipe s'assure que nos aînés reçoivent les meilleurs soins, et elle est plus occupée que jamais. »

Qui est considéré comme une personne âgée?

 

Les patients de plus de 75 ans sont visés par l’Approche adaptée à la personne âgée, de même que les personnes de plus de 65 ans qui sont considérées comme fragiles, pour différentes raisons cliniques, surtout lorsqu’un état de confusion s’est développé de nouveau. L’Approche ne s’applique pas aux soins palliatifs puisque le maintien des capacités ne constitue plus un objectif en fin de vie.

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