Le genre : facteur important des maladies du cœur

On entend souvent dire que les maladies du cœur sont un problème de santé typiquement masculin. L’image cinématographique de la crise cardiaque, véritable classique hollywoodien, montre un homme à l’agonie qui porte ses mains à sa poitrine, et cette image a façonné notre vision de ce à quoi ressemblait une crise cardiaque. 

De gauche à droite : Mme Jasmine Poole, Coordonnatrice de recherche Mme Amanpreet Kaur, Assistante de recherche Dre Louise Pilote, Professeure en Médecine, Chaire de recherche James McGill Dr Hassan Belhouli, Biostatisticien Prof. Valeria Raparelli, Professeure invitée

Pourtant, au Canada, 25 000 femmes meurent chaque année d’une maladie du cœur. Il s’agit en fait d’une cause importante de décès prématuré, qui fauche une vie toutes les 20 minutes. Il y a cinq fois plus de femmes qui meurent d’une maladie du cœur que du cancer du sein, et les femmes qui ont subi une première crise cardiaque risquent plus de mourir d’une deuxième crise cardiaque que les hommes.

De gauche à droite : Mme Jasmine Poole, Coordonnatrice de recherche Mme Amanpreet Kaur, Assistante de recherche Dre Louise Pilote, Professeure en Médecine, Chaire de recherche James McGill Dr Hassan Belhouli, Biostatisticien Prof. Valeria Raparelli, Professeure invité
De gauche à droite : Mme Jasmine Poole, Coordonnatrice de recherche Mme Amanpreet Kaur, Assistante de recherche Dre Louise Pilote, Professeure en Médecine, Chaire de recherche James McGill Dr Hassan Belhouli, Biostatisticien Prof. Valeria Raparelli, Professeure invité

« Ce qui est frustrant, c’est que les gens doutent encore que les maladies du cœur soient un problème pour les femmes, et cette idée fausse est présente même chez des professionnels de la santé », explique la Dre Louise Pilote, de son bureau au Centre de recherche évaluative en santé (CRES). « Les chercheurs doivent garder à l’esprit que les maladies du cœur chez les femmes sont sous-diagnostiquées et peu étudiées, et qu’il reste encore beaucoup de travail à faire. »

Les recherches de la Dre Pilote aident à changer le discours sur la santé cardiovasculaire des femmes.

La Dre Pilote, scientifique chevronnée du Programme de recherche en santé cardiovasculaire au long de la vie (SCVL) à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM), a récemment été désignée lauréate du prix d’excellence sur les éléments liés au genre et au sexe du Berlin Institute of Health (BIH) pour ses travaux qui intègrent les aspects de genre à la recherche biomédicale.

L’étude novatrice de la Dre Pilote sur les facteurs liés au genre, comme les déterminants socio-économiques et psychologiques, a permis aux chercheurs de faire ressortir les différences entre le cœur des hommes et des femmes pour mieux les évaluer et comprendre comment les soigner. 

« Les différences de genre et de sexe nous ont permis de trouver des éléments qui nous auraient échappé autrement. Par exemple, les artères coronaires des femmes sont différentes de celles des hommes. Des femmes peuvent subir une crise cardiaque bien que leurs artères coronaires semblent tout à fait normales, » explique la Dre Pilote, qui a récemment été nommée Femme de mérite par la Fondation Y des femmes de Montréal. « Sachant cela, nous pouvons décrypter les facteurs habituels, et constater qu’ils ne sont pas toujours la cause du problème et qu’employer le traitement habituel n’est pas toujours la bonne solution. C’est ce qui nous a amenés à comprendre une nouvelle voie de la physiologie de la maladie, que nous appelons dysfonction microvasculaire chez les femmes. »

La chercheuse de 56 ans a aidé à créer une « feuille de pointage » du genre pour les professionnels de la santé afin de les aider à comprendre et à reconnaître l’effet des différences de sexe et de genre chez les patientes atteintes d’une maladie du cœur, parce qu’un diagnostic erroné peut retarder un traitement hâtif et se révéler mortel. Signaler les symptômes précoces d’une crise cardiaque est crucial.

Ces premiers signes peuvent passer inaperçus chez 78 % des femmes, ce qui peut être fatal parce que les femmes victimes d’une crise cardiaque ont plus de risques de mourir ou de subir une deuxième crise cardiaque que les hommes.

Les médecins et les patientes ne repèrent pas toujours les subtilités, car la plupart s’attendent à cette sensation soudaine d’avoir un éléphant assis sur la poitrine. Mais les symptômes varient et peuvent aussi se présenter sous forme d’essoufflement, de faiblesse, de fatigue, d’étourdissements; et les femmes peuvent aussi ressentir une pression ou un serrement, des nausées, une fatigue inhabituelle ou une douleur aux mâchoires. Ces signes révélateurs sont trop souvent attribués à l’anxiété ou à des brûlures d’estomac, et ne sont pas pris au sérieux.

« Ça va dans les deux sens – les femmes doivent connaître les signes et les risques, et savoir quels symptômes rapporter à leur omnipraticien », rapporte la Dre Pilote, professeure de médecine à l’Université McGill. « Les femmes doivent apprendre que les maladies du cœur peuvent aussi s’accompagner de douleur à la poitrine. »

Un diagnostic précoce est la clé pour les femmes qui ont des problèmes cardiaques. Et c’est encore plus vrai pour certains groupes de femmes plus vulnérables face à ces problèmes, comme les femmes immigrées, autochtones et issues de minorités ethniques, et les femmes qui vivent dans des conditions socio-économiques moins favorables.

« Il ne s’agit pas uniquement de biologie, mais de la réalité psychosociale dans laquelle vivent ces personnes chaque jour, qui tend à être plus préjudiciable pour les femmes », rapporte la Dre Pilote, soulignant que le rôle important des femmes au sein de leur famille, combiné à leur vie professionnelle active, fait en sorte qu’il leur est parfois difficile de trouver le temps nécessaire pour s’occuper de leur santé. « Ce sont des facteurs importants que nous devons, en tant que société, reconnaître et tenter d’améliorer. »

La Dre Pilote et le Dr Matthias Friedrich, chef du service d’imagerie cardiovasculaire au CUSM, ont récemment reçu une bourse pour leur travail sur de nouvelles modalités diagnostiques qui utilisent l’imagerie par résonance magnétique pour diagnostiquer de manière non invasive ce type de maladie. C’est une autre étape décisive, car dépister la maladie est la priorité pour mettre au point un traitement ciblé pour les femmes.

Malgré certains chiffres inquiétants, le pronostic est optimiste du fait qu’on accorde plus d’attention que jamais à la santé des femmes. La Fondation des maladies du cœur a lancé sa campagne nationale pour le mois de la santé cardiovasculaire le 1er février, une campagne axée sur la santé des femmes dans le but d’informer le public sur ce problème souvent négligé. La Dre Pilote, mère de quatre enfants – dont trois filles – a salué cette initiative alors qu’elle cherche des partenaires pour renforcer le nouveau discours sur les maladies du cœur chez les femmes.

« En faisant plus de recherche dans ce domaine, nous recueillerons plus de données, et cela aidera à convaincre plus de gens que c’est important, ajoute la Dre Pilote. Finalement, en se concentrant sur les femmes, on se concentre aussi sur la cellule familiale; en nous préoccupant de la maladie cardiaque chez les femmes, on pourrait avoir une incidence sur toute une génération, parce que c’est toute la famille qui va en bénéficier. » 

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