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Avez-vous du mal à dormir? Les drosophiles et les boissons énergisantes amènent de nouvelles pistes pour lutter contre les troubles du sommeil

Le sommeil est essentiel chez les animaux, et ce, des invertébrés aux humains. Il joue un rôle critique pour le système immunitaire, le métabolisme mais aussi la réparation du cerveau, l’apprentissage et la mémoire. Plus de 30% des gens présenteront des troubles du sommeil au cours de leur existence, et ces troubles sont associés à un certain nombre de maladies dont la maladie d’Alzheimer, le diabète de type 2 et les maladies cardio-vasculaires.

G à D : Émilie Peco (gauche), Don van Meyel (milieu), et Sejal Davla (droite) à l’Hôpital général de Montréal – Institut de recherche du CUSM

Drosophile génétiquement modifiée (yeux blancs) à des fins de recherche

CREDIT : Émilie Peco, Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill et Centre de Recherches en Neurosciences de l’Université McGill 

Cerveau de drosophile adulte (microscopie à fluorescence) montrant en bleu les cellules gliales auxquelles les chercheurs s’intéressent et en jaune le mushroom body, siège de l’apprentissage et de la mémoire chez la mouche

CREDIT : Émilie Peco, Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill et Centre de Recherches en Neurosciences de l’Université McGill 

De plus en plus d’éléments révèlent que les cellules gliales, longtemps considérées comme de simples cellules de « soutien » des neurones, jouent un rôle fondamental dans de multiples aspects de la régulation du sommeil. Grâce à la drosophile (Drosophila melanogaster, communément appelée  « mouche à fruits »), des scientifiques de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) et de l’Université McGill, en collaboration avec des scientifiques de l’Université Florida Atlantic (FAU), ont découvert un nouveau mécanisme de régulation du sommeil. Ce mécanisme met en jeu les cellules gliales et leur capacité à gérer une substance fréquemment trouvée dans les boissons énergisantes, comme le Red BullMC.

Les drosophiles partagent 75% des gènes à l’ origine de maladies chez les humains, et présentent toutes les caractéristiques comportementales et physiologiques du sommeil. Dans cette nouvelle étude publiée dans le journal Current Biology, les chercheurs se sont efforcés à identifier de nouveaux gènes affectant le sommeil et l’état de veille chez la drosophile. Par cette approche, ils ont découvert un gène codant pour une protéine de transport membranaire connue sous le nom Eaat2 pour Excitatory Amino Acid Transporter 2.

Tout comme nous, les drosophiles sont très actives durant le jour et dorment pendant la nuit. Les auteurs de l’étude ont constaté que les drosophiles qui étaient dépourvues du gène Eaat2 étaient excessivement somnolentes pendant le jour. En effet, l’étude révèle que quand présente, la protéine Eaat2 favorise la vigilance en limitant la durée et l’intensité des périodes de sommeil. 

« Nos recherches viennent ajouter l’état de veille à la liste croissante des comportements dans lesquels les cellules gliales jouent un rôle régulateur important; on retrouve dans cette liste les rythmes circadiens, le mouvement, la parade nuptiale, l’apprentissage et la mémoire », explique Émilie Peco, Ph. D., une des principaux auteurs de l’étude, associée de recherche dans le  laboratoire de Don van Meyel, Ph. D., de l’IR-CUSM situé à l’Hôpital général de Montréal.

« Conscientiser la société aux mécanismes fondamentaux du sommeil est d’intérêt général étant donné que des millions de Canadiens présentent des troubles du sommeil », ajoute Don van Meyel, co-auteur et professeur de neurologie au Centre de Recherches en Neurosciences (CRN) de l’Université McGill et chercheur au sein du Programme en Réparation du Cerveau et en Neurosciences Intégratives (BRaIN) de l’IR-CUSM.

« Chez les drosophiles, le sommeil diurne est plus fragmenté que le sommeil nocturne; cependant, si l’on supprime le gène Eaat2, le sommeil diurne ressemble alors à celui généralement observé pendant la nuit », commente Bethany A. Stahl, Ph. D., co-auteur principale de l’étude et boursière post-doctorale dans le laboratoire d’Alex C. Keene, Ph. D., lui-même professeur agrégé de sciences biologiques au Charles E. Schmidt College of Science de la FAU et membre de la Jupiter Life Science Initiative (JSLI).

 « Nous pensons que l’identification du gène Eaat2 comme un modulateur du sommeil  est un pas important pour les scientifiques qui étudient la régulation du sommeil et les changements métaboliques qui en découlent, mais aussi vraisemblablement pour les médecins traitant des patients présentant des troubles du sommeil, dit Alex C. Keene, un des co-auteurs de l’étude. Nos résultats montrent que les études sur le sommeil doivent voir au-delà du rôle des neurones et analyser comment les cellules gliales contrôlent les états veille et sommeil. »

Dans cette étude, les chercheurs ont également mis en évidence qu’Eaat2 favorise la vigilance en contrôlant le déplacement de la taurine dans les cellules gliales du cerveau de la drosophile. La taurine est un ingrédient que l’on trouve dans de nombreuses boissons énergisantes. Il avait déjà été montré que la protéine Eaat2 était capable de transporter la taurine. Afin de tester l’hypothèse selon laquelle Eaat2 affecterait le sommeil en contrôlant les mouvements de la taurine, Bethany A. Stahl, Ph. D., a nourri les drosophiles avec de la taurine et a constaté que ces mouches dormaient davantage pendant le jour, mais seulement en présence du gène Eaat2.

L’étude menée par Bethany A. Stahl et Émilie Peco met l’accent sur les mécanismes fondamentaux du sommeil et sur les cellules gliales chez les drosophiles. Les chercheurs s’attendent à ce que leurs découvertes alimentent les études visant à déterminer si un mécanisme impliquant le transport de la taurine à partir des cellules gliales et vers ces cellules pourrait influencer le sommeil chez les humains.

« Il est intéressant de souligner que la concentration de taurine est systématiquement élevée dans le sang et dans l’urine des personnes privées de sommeil, conclut le professeur Don van Meyel. On ignore toutefois si les niveaux de taurine fluctuent au sein même du cerveau humain quand nous sommes privés de sommeil. Même sans consommer de boissons énergétiques, la taurine est présente dans le cerveau humain, et le rôle qu’elle y joue est encore mal compris. »

Les coauteurs de l’article intitulé The Taurine Transporter Eaat2 Functions in Ensheathing Glia to Modulate Sleep and Metabolic Rate sont Emilie Peco, Sejal Davla et Don J. van Meyel, de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill et de l’Université McGill, ainsi que Bethany A. Stahl, Kazuma Murakami, Nicholàs A. Caicedo Moreno et Alex C. Keene, de l’Université Florida Atlantic.

https://doi.org/10.1016/j.cub.2018.10.039

La collaboration entre les équipes de l’université Florida Atlantic et de l’Université McGill s’est développée naturellement avec l’équipe d’Alex C. Keene experte en recherche sur le sommeil, et l’équipe de Don van Meyel experte dans le domaine des cellules gliales et des protéines de transport membranaire.

Cette étude a bénéficié du soutien des National Institutes of Health (NIH), des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), du Conseil de Recherches en Sciences naturelles et en Génie du Canada (CRSNG) et de la Fondation canadienne pour l’innovation.