Virage à 180º dans la lutte à la tuberculose multirésistante
Montréal – Plusieurs nouveaux médicaments s’avèrent plus efficaces que les médicaments traditionnels utilisés pour traiter la tuberculose multirésistante, selon une nouvelle étude internationale menée par le Dr Dick Menzies de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM), à Montréal. Ces conclusions entraînent une révision en profondeur des lignes directrices mondiales en matière de traitement de la TB. Les résultats de ces travaux sont publiés aujourd’hui dans la revue médicale britannique The Lancet.
On dénombre environ 600 000 cas de tuberculose multirésistante (TB-MR) chaque année, dont 240 000 sont mortels. Le diagnostic et le traitement demeurent des défis de taille; en effet, chez les patients atteints de cette maladie, seul un cas sur quatre est diagnostiqué, et la proportion de patients traités avec succès est encore plus faible. Les pratiques actuelles en matière de traitement de la TB-MR prévoient le recours à des médicaments coûteux utilisés depuis très longtemps, qui entraînent des effets secondaires nocifs comme une nausée constante, une perte de l’audition et de l’insuffisance rénale.
Le Dr Menzies, scientifique et pneumologue au CUSM, avec ses collaborateurs basés entres autres aux États-Unis, en Europe, en Amérique latine et en Asie, ont combiné des données colligées auprès de plus de 12 000 patients atteints de TB-MR; ces données provenaient de 50 études menées dans 25 pays. La compilation d’un volume de données aussi important a permis aux chercheurs de conclure que les médicaments utilisés pour traiter la tuberculose, comme la bédaquiline, le linézolide et les médicaments de dernière génération, comme les fluoroquinolones, sont d’excellents candidats pour le traitement de la TB-MR.
Ces médicaments ont systématiquement démontré de meilleurs taux de guérison et des taux de mortalité plus faibles, comparativement aux traitements actuellement utilisés. Ces nouveaux médicaments se sont également avérés efficaces pour traiter les souches ultrarésistantes de tuberculose. En outre, l’étude a également démontré qu’il n’est pas absolument nécessaire de faire des injections quotidiennes, comme le prévoyait l’ancienne pratique (sauf dans les cas les plus graves).
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a déjà réagi aux conclusions du groupe de recherche mené par le Dr Menzies en annonçant des changements considérables, qui s’harmonisent avec le régime médicamenteux décrit ci-dessus pour le traitement de la TB-MR, et en prenant parti pour les traitements entièrement administrés par voie orale plutôt que pour les médicaments injectables.
« Le comité responsable des lignes directrices a tout simplement effacé les anciennes recommandations s’appliquant à l’ancien traitement et est reparti à zéro, faisant prendre un virage à 180º aux lignes directrices relatives au traitement de la tuberculose », commente le Dr Menzies, chercheur du Programme de recherche translationnelle sur les maladies respiratoires à l’IR-CUSM et professeur de médecine, épidémiologie et biostatistique à l’Université McGill.
Le comité responsable de formuler des recommandations sur le traitement de la TB-MR destinées à divers organismes, comme l’American Thoracic Society, le Centre for Disease Control (CDC, États-Unis), l’European Respiratory Society (ERS) et l’Infectious Disease Society of America, évalue aussi en ce moment les nouvelles données.
« Bien que l’on n’ait pas encore mis la dernière main à la version finale des nouvelles lignes directrices, je crois que des organismes comme l’American Thoracic Society, le Centre for Disease Control (CDC, États-Unis), l’European Respiratory Society (ERS) et l’Infectious Disease Society of America vont modifier en profondeur la façon de traiter la TB-MR », dit le Dr Menzies.
« Comme chacun des nouveaux médicaments recommandés peut améliorer le taux de guérison, qui peut s’accroître de dix pour cent, nous espérons que les nouvelles combinaisons de médicaments entraîneront des taux de guérison pouvant atteindre 90 pour cent – ce qui serait extraordinaire », ajoute le chercheur qui, déjà, le mois dernier, publiait dans le New England Journal of Medicine les résultats d’une étude changeant la donne quant au traitement de la TB latente.
« Les résultats de l’étude de l’IR-CUSM confirment ce que les cliniciens du monde entier constatent par eux-mêmes, conclut le Dr Paul Farmer du Department of Global Health and Social Medicine de l’Université Harvard. Nous espérons sincèrement qu’après avoir recommandé pendant 20 ans ces régimes médicamenteux toxiques […], nous pourrons enfin privilégier de nouveaux traitements plus sécuritaires, fondés sur des médicaments dont l’innocuité et la tolérabilité accrues ont été démontrées. »
La tuberculose figure parmi les dix principales causes de décès à l’échelle mondiale et est la maladie infectieuse la plus mortelle dans le monde.
À propos de l’étude
L’auteur principal de l’étude intitulée « Treatment correlates of successful outcomes in pulmonary multidrug-resistant tuberculosis: an individual patient data meta-analysis » était le Collaborative Group for the Meta-Analysis of Individual Patient Data in MDR-TB treatment‑2017.
DOI: http://dx.doi.org/10.1016/S0140-6736(18)31644-1
Hyperlien menant á l’étude: http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(18)31644-1/fulltext
Des organismes comme l’American Thoracic Society (ATS), l’Infectious Disease Society of America, l’European Respiratory Society et les U.S. Centers for Disease Control and Prevention ont fourni une partie du soutien apporté aux travaux susmentionnés. Les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) ont également offert du financement additionnel (Subventions Fondation 143350).
À propos de l’Institut de recherche du CUSM
L’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR CUSM) est un centre de recherche de réputation mondiale dans le domaine des sciences biomédicales et de la santé. Établi à Montréal, au Canada, l’Institut, qui est affilié à la faculté de médecine de l’Université McGill, est l’organe de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) – dont le mandat consiste à se concentrer sur les soins complexes au sein de sa communauté. L’IR-CUSM compte plus de 420 chercheurs et près de 1 200 étudiants et stagiaires qui se consacrent à divers secteurs de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et de la recherche en santé évaluative aux sites Glen et à l’Hôpital général de Montréal du CUSM. Ses installations de recherche offrent un environnement multidisciplinaire dynamique qui favorise la collaboration entre chercheurs et tire profit des découvertes destinées à améliorer la santé des patients tout au long de leur vie. L’IR-CUSM est soutenu en partie par le Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS). www.ircusm.ca
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