Des chercheurs trouvent une cible thérapeutique potentielle dans le « paysage génétique » de tumeurs cérébrales pédiatriques agressives et mortelles

Une nouvelle étude révèle que les épendymomes de la PFA présentent des caractéristiques génomiques tridimensionnelles uniques qui pourraient être exploitées à des fins thérapeutiques.

Montréal, le 10 juillet 2024 — Les épendymomes de la fosse postérieure du groupe A (PFA) sont des tumeurs pédiatriques rares du système nerveux central, résistantes aux traitements, qui prennent naissance dans le cerveau et la moelle épinière. Faute de traitement efficace, ils présentent le taux de récidive le plus élevé et le pronostic le plus sombre de tous les cancers de l’enfant.

Un espoir se profile à l’horizon : une équipe de recherche internationale dirigée par des scientifiques du Baylor College of Medicine au Texas (États-Unis) et de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) à Montréal (Canada) a identifié dans le génome de l’épendymome de la PFA des caractéristiques tridimensionnelles uniques appelées TULIPs qui pourraient éventuellement être ciblées dans le cadre du développement de thérapies plus efficaces. Les résultats de leur étude sont publiés dans la revue Cell.

« Les épendymomes de la PFA sont mortels. L’une des raisons qui expliquent le peu de progrès réalisés dans le développement de traitements efficaces pour ces tumeurs est que la majorité des épendymomes de la PFA ne présentent pas de mutations génétiques claires à l’origine de la croissance de la tumeur. Sans cible génétique claire contre laquelle concevoir des thérapies spécifiques, nous avons étudié un autre aspect de la tumeur, la façon dont l’ADN est enroulé dans le noyau de la cellule », explique l’auteur principal de l’étude, Marco Gallo, professeur agrégé de pédiatrie, d’hématologie et d’oncologie à Baylor et au Texas Children’s Hospital.

« Notre travail procède d’un constat simple : les épendymomes de la PFA sont généralement diagnostiqués chez de très jeunes enfants et ne bénéficient d’aucun traitement efficace. La radiothérapie, le seul traitement actuellement disponible, n’est pas efficace et entraîne de graves problèmes développementaux et cognitifs. C’est une réalité que nous espérons changer », dit la Dre Nada Jabado, co-auteure principale de l’étude, chercheuse principale au Programme en santé de l’enfant et en développement humain à l’IR-CUSM et hémato-oncologue pédiatrique à l’Hôpital de Montréal pour enfants du CUSM.
 

Révéler la configuration en 3D des génomes des cellules tumorales

Chaque cellule de l’organisme possède environ deux mètres d’ADN linéaire qui est stocké dans son noyau de manière à permettre à la cellule d’accéder facilement aux gènes qu’elle utilise le plus souvent et de mettre de côté ceux qu’elle utilise moins. C’est un peu comme si l’on rangeait les vêtements les plus utilisés sur le devant de l’armoire et ceux que l’on porte rarement à l’arrière. Pour tenir dans le minuscule noyau, les longues molécules d’ADN sont pliées, tordues, bouclées, ce qui donne lieu à des structures tridimensionnelles spécifiques, certaines plus serrées, d’autres plus détendues, qui peuvent finalement aider la cellule à exprimer les gènes dont elle a besoin pour faire son travail.

Dans cette étude, les chercheurs ont examiné de près ce que l’on pourrait appeler la « géographie » du génome des cellules de l’épendymome de la PFA, le génome étant l’ensemble des instructions de l’ADN présentes dans une cellule.

« Nous avons étudié la façon unique dont les cellules des épendymomes de la PFA organisent leur ADN en 3D, en orchestrant de fortes interactions entre des régions du génome qui sont normalement très éloignées les unes des autres. Nous avons découvert des régions spécifiques qui ne sont pas présentes dans d’autres types de cancer du cerveau pédiatrique et qui réapparaissent à des endroits génomiques prévisibles. Nous les avons baptisées TULIPs, pour Type B Ultra-Long Interactions in PFAs, » explique le Dr Michael D. Taylor, co-auteur principal de l’étude et professeur de pédiatrie, d’hématologie-oncologie et de neurochirurgie à Baylor et au Texas Children’s Hospital. Il est également titulaire de la chaire Cyvia et Melvyn Wolff de neuro-oncologie pédiatrique au Texas Children’s Cancer and Hematology Center.

Les chercheurs ont utilisé la technologie Hi-C pour établir le profil des architectures 3D de l’ensemble des génomes des tumeurs de la PFA et les ont comparés à ceux d’une vaste cohorte d’échantillons provenant de différents types de tumeurs et de tissus non malins. Au cours de ce processus, les TULIPs sont apparus comme des régions spécifiques d’ADN très étroitement compacté, donc difficile d’accès, signe que la cellule n’utilise peut-être pas souvent les gènes de cette région.

« Les TULIPs ont également tendance à interagir entre eux sur de très longues distances. Un TULIP peut se trouver à l’extrémité d’un chromosome et un autre TULIP à l’autre extrémité du même chromosome, et ils trouvent le moyen d’interagir l’un avec l’autre avec une force surprenante, explique le Prof. Gallo. Les TULIPs situés sur des chromosomes différents peuvent également converger et interagir fortement les uns avec les autres. Nous avons également constaté que les régions situées en dehors des TULIPs semblent plus détendues dans l’ensemble. C’est important parce que les TULIPs sont liés à la fonction de la cellule. »

Une balise chimique possiblement exploitable

Selon les résultats de l’étude, les TULIPs portent un groupe méthyle sur l’histone H3K9, une protéine associée à l’ADN qui peut agir comme une balise chimique. En effet, lorsque l’équipe de recherche a inhibé la balise H3K9 dans les cultures dérivées de patients atteints de PFA, elle a constaté que les interactions entre les TULIPs étaient plus faibles et que la survie des cellules PFA était altérée. Ces observations suggèrent que les interactions entre les TULIPs sont importantes pour la viabilité des cellules PFA, ce qui ouvre la voie à de nouvelles cibles de traitement potentielles.

Dre Nada Jabado

« Nous pensons que les TULIPs sont des structures éphémères présentes à un stade précoce du développement du cancer dans les cellules progénitrices — des cellules qui descendent des cellules souches et qui précèdent la création des cellules matures, très tôt dans la vie. Cependant, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre le mécanisme par lequel les TULIPs apparaissent et influencent le comportement des cellules cancéreuses, explique la Dre Jabado, qui est également professeure au département de pédiatrie de l’Université McGill. En étudiant plus avant ce mécanisme, nous pourrons peut-être explorer des stratégies de traitement visant à les supprimer pour favoriser l’élimination de la tumeur. »

 

À propos de l’étude

L’étude TULIPs decorate the three-dimensional genome of PFA ependymoma a été réalisée par Michael J Johnston, John JY Lee, Bo Hu, Ana Nikolic, Elham Hasheminasabgorji, Audrey Baguette, Seungil Paik, Haifen Chen, Sachin Kumar, Carol CL Chen, Selin Jessa, Polina Balin, Vernon Fong, Melissa Zwaig, Antony MichealRaj, Xun Chen, Yanlin Zhang, Srinidhi Varadharajan, Pierre Billon, Nikoleta Juretic, Craig Daniels, Amulya Nageswara Rao, Caterina Giannini, Eric M Thompson, Miklos Garami, Peter Hauser, Timea Pocza, Young Shin Ra, Byung-Kyu Cho, Seung-Ki Kim, Kyu-Chang Wang, Ji Yeoun Lee, Wieslawa Grajkowska, Marta Perek-Polnik, Sameer Agnihotri, Stephen Mack, Benjamin Ellezam, Alex Weil, Jeremy Rich, Guillaume Bourque, Jennifer A Chan, V Wee Yong, Mathieu Lupien, Jiannis Ragoussis, Claudia Kleinman, Jacek Majewski, Mathieu Blanchette, Nada Jabado, Michael D Taylor et Marco Gallo.

DOI : https://doi.org/10.1016/j.cell.2024.06.023

Ce travail a été soutenu par une subvention des Projets de recherche appliquée à grande échelle de Génome Québec, Génome Canada, le gouvernement du Canada et le ministère de l’Économie et de l’Innovation du Québec, avec le soutien du Fonds de recherche de l’Ontario grâce à un financement fourni par le gouvernement de l’Ontario. Un soutien supplémentaire a été apporté par la Fondation Brain Canada par l’intermédiaire du Fonds canadien de recherche sur le cerveau, Santé Canada et la Fondation Azrieli par l’intermédiaire d’une subvention Azrieli Futur leader canadien de la recherche sur le cerveau, le programme de subventions Projet des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) (PJT-156278 et PJT-173475), une bourse de recherche postdoctorale des IRSC et une Chaire de recherche du Canada.

À propos de l’IR-CUSM

L’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) est un centre de recherche de réputation mondiale dans le domaine des sciences biomédicales et de la santé. Établi à Montréal, au Canada, l’Institut, qui est affilié à la faculté de médecine de l’Université McGill, est l’organe de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) — dont le mandat consiste à se concentrer sur les soins complexes au sein de sa communauté. L’IR-CUSM compte plus de 720 chercheurs et près de 1 400 étudiants et stagiaires qui se consacrent à divers secteurs de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et de la recherche en santé évaluative au site Glen et à l’Hôpital général de Montréal du CUSM. Ses installations de recherche offrent un environnement multidisciplinaire dynamique qui favorise la collaboration entre chercheurs et tire profit des découvertes destinées à améliorer la santé des patients tout au long de leur vie. L’IR-CUSM est soutenu en partie par le Fonds de recherche du Québec — Santé (FRQS). www.ircusm.ca

 

Personne-ressource pour les médias

Fabienne Landry
Coordonnatrice des communications, Recherche, CUSM
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