Lorsque les pères se sentent un peu déprimés ou anxieux, comment les enfants s’en sortent-ils ?
Des résultats de recherche inattendus jettent un nouvel éclairage sur le lien entre la santé mentale des pères et le développement comportemental et cognitif des enfants.
Montréal, le 2 novembre 2023 —De nombreux parents éprouvent du stress, de l’anxiété et des symptômes dépressifs tout au long de leur vie, en particulier pendant les périodes de transition, telles que la grossesse et l’entrée des enfants à l’école. Les études ont généralement montré que des niveaux élevés d’anxiété et de dépression chez les parents sont liés à de moins bons résultats comportementaux et cognitifs chez les enfants.
Or, une équipe de chercheurs dirigée par la Prof. Tina Montreuil à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) a découvert que des symptômes anxieux ou dépressifs légers, mais un peu plus élevés chez les pères étaient associés, chez leurs enfants, à moins de difficultés comportementales au cours des premières années d’école primaire et à de meilleurs résultats à un test de QI standardisé. Leurs conclusions sont publiées dans Frontiers in Psychology.
« Notre étude montre que le bien-être des mères et des pères est important pour favoriser le développement cognitif et comportemental des enfants, et que le bien-être de chacun est potentiellement complémentaire », dit Tina Montreuil, Ph. D., chercheuse au Programme en santé de l’enfant et en développement humain de l’IR-CUSM, professeure agrégée au Département de psychopédagogie et de psychologie du counselling et membre agrégée des Départements de pédiatrie et de psychiatrie de l’Université McGill.
Relier la santé mentale des pères au développement des enfants
Si le rôle du stress, de l’anxiété et de la dépression des mères dans le développement comportemental et cognitif des enfants est bien établi, le lien entre la santé mentale des pères et le développement des enfants est moins connu.
L’équipe de chercheurs a donc examiné si les symptômes anxieux et dépressifs des pères, mesurés pendant la grossesse de leur partenaire, puis six à huit ans plus tard, étaient associés à la fonction cognitive et au comportement de leurs enfants. Ils ont étudié cette association dans un échantillon communautaire, où les niveaux de symptômes anxieux et dépressifs autodéclarés par les parents étaient variables et généralement moins graves que dans une population ayant reçu un diagnostic clinique.
Les premières évaluations, effectuées pendant la grossesse et la petite enfance, comprenaient des mesures psychosociales et des mesures liées à la santé mentale des parents, telles que leur niveau d’éducation le plus élevé, leur degré de satisfaction à l’égard de leur relation et leurs perceptions parentales. L’enquête de suivi a été menée lorsque les enfants avaient atteint l’âge critique de six à huit ans. À cet âge, les enfants en sont à leurs premières années d’école primaire et on attend d’eux qu’ils fassent un usage accru de leurs compétences comportementales et cognitives.
« Nos résultats montrent que les symptômes d’anxiété et/ou de dépression rapportés par les pères ne sont pas associés à de plus mauvais résultats comportementaux et cognitifs chez leurs enfants, comme l’avaient montré de précédentes études », déclare la première auteure de l’étude, Sherri Lee Jones, Ph. D., associée de recherche au Centre de recherche Douglas, qui était postdoctorante et associée de recherche à l’IR-CUSM durant la réalisation de l’étude.
Plus précisément, les chercheurs ont constaté que des niveaux légèrement plus élevés de symptômes dépressifs, signalés par les pères lorsque leur conjointe était enceinte, étaient associés à moins de difficultés comportementales et émotionnelles chez leur enfant à l’âge de six à huit ans. Selon les questionnaires remplis par les parents, les enfants étaient notamment capables de rester assis sans bouger pendant de longues périodes, perdaient rarement leur calme et avaient une bonne capacité d’attention. En revanche, des symptômes d’anxiété et de dépression plus élevés chez les mères, tant à la naissance que vers le milieu de l’enfance, étaient associés à de moins bons résultats comportementaux chez les enfants de six à huit ans.
Il est également apparu que des symptômes anxieux et dépressifs légèrement plus marqués chez les pères, mais encore légers au moment de l’évaluation réalisée durant l’enfance, étaient associés à des scores un peu plus élevés en ce qui concerne les fonctions cognitives des enfants âgés de 6 à 8 ans. Ces résultats contrastent eux aussi avec les tendances associées aux mères.
Comprendre l’influence des parents
Les chercheurs soulignent que leurs résultats ne peuvent pas être généralisés aux parents qui présentent des niveaux cliniques de dépression et d’anxiété, et qu’aucun des facteurs qu’ils ont examinés ne pouvait expliquer les associations entre les symptômes de santé mentale du père et les résultats de l’enfant.
« D’autres études sont nécessaires pour comprendre les rôles respectifs et la contribution combinée des parents dans le développement de l’enfant, dit la Prof. Montreuil. Nos résultats, comme d’autres, soulignent l’importance d’accompagner les personnes en transition vers la parentalité. Ils mettent également de l’avant l’importance de la syntonie parentale. Ce terme fait référence à la capacité du parent à répondre de manière adaptative aux signaux de son enfant, en ajustant attentivement sa réponse aux besoins de l’enfant, dans une situation donnée. »
« Étant donné qu’une plus grande syntonie parentale est associée aux compétences cognitives et sociales de l’enfant, une explication possible serait que les pères inclus dans l’échantillon de notre étude aient fait preuve d’une plus grande syntonie envers leur enfant pour “compenser” les facteurs de risque environnementaux, tels que les symptômes dépressifs ou anxieux de la mère, ou d’autres facteurs prédictifs connus », ajoute la Prof. Montreuil.
À propos de l’étude
L’étude Longitudinal associations between paternal mental health and child behavior and cognition in middle childhood a été réalisée par Sherri Lee Jones, Christina Caccese, Kelsey Davis, Jimin Lew, Guillaume Elgbeili, Catherine Herba, Julia Barnwell, Cindy Hénault Robert, Isabella Gavanski, Kristin Horsley, William D. Fraser, Deborah Da Costa, Jean R. Séguin, Tuong-Vi Nguyen et Tina Montreuil.
DOI : 10.3389/fpsyg.2023.1218384
Cette étude a été soutenue par Merck, Sharp & Dohme Corp, les Instituts de recherche en santé du Canada, la Fondation de l’Hôpital général de Montréal, la Fondation du Centre universitaire de santé McGill, le Fonds de recherche Québec Santé et une bourse postdoctorale Ferring en santé reproductive, décernée par la Faculté de médecine de McGill.