Rendons hommage à l’influent héritage du Dr Balfour M. Mount, 1939-2025, le père des soins palliatifs au Canada

Il semble ces derniers temps que nous devons trop souvent dire adieu à des professionnels de la santé qui ont façonné nos pratiques et nos programmes ainsi que le travail essentiel de ceux qui ont suivi leurs traces. Aujourd’hui, c’est avec une profonde tristesse que je vous partage le décès du Dr Balfour M. Mount survenu le 25 septembre 2025 à l’âge de 86 ans, à l’unité de soins palliatifs qui porte son nom à l’Hôpital Royal Victoria (HRV) du Centre universitaire de santé McGill (CUSM). Je souhaiterais également revenir sur le parcours du Dr Mount, reconnu comme le père des soins palliatifs au Canada, sous l’angle de l’excellence et de l’innovation, des piliers qui selon moi sont essentiels pour transformer l’expérience et les résultats de nos patients.

En 1973, le Dr Mount, alors urologue praticien et chirurgien oncologue à l’HRV, dirige une étude sur les soins prodigués aux patients en phase terminale et à leurs familles. L’étude révèle que, dans tous les services, les soins donnés aux patients en fin de vie ne sont pas appropriés et entraînent souvent involontairement négligence, détresse et isolement. Désireux de changer cette situation, il se joint alors à la Dre Cecily Saunders, une pionnière de renommée internationale dans le domaine des soins palliatifs, et à son équipe, au St. Christopher’s Hospice de Londres, en Angleterre, à titre de professeur invité, après avoir entendu parler de son modèle de soins palliatifs dans le livre d’Elisabeth Kübler-Ross On Death and Dying (Les derniers instants de la vie). À son retour à Montréal en 1974, il transpose ce qu’il a appris et l’adapte à la réalité québécoise, au bénéfice de nos patients et de leurs proches.

Lorsque le Dr Mount a créé le premier service de soins palliatifs en Amérique du Nord à l’HRV, il était pour lui primordial de s’assurer que les patients puissent vivre jusqu’à la fin sans souffrir. De plus, il considérait qu’il était essentiel que la qualité des soins ne soit pas compromise par des restrictions budgétaires et d’autres contraintes qui pesaient sur le système de santé. L’hôpital a en effet pris un risque en ouvrant ce service, car il a dû jongler à la fois avec un budget limité et une pénurie de lits. Grâce à son courage et au soutien de la direction de l’hôpital, le Dr Mount a mis en place un modèle d’excellence précurseur qui comprenait un programme de soins à domicile, une unité d’hospitalisation, un service de consultation, une équipe de suivi de deuil ainsi que des activités de recherche et d'enseignement. Il a ajouté au nom du service le mot palliatif, qui étymologiquement signifie améliorer la qualité, car ce terme trouvait un écho particulier chez lui. L’équipe de soins palliatifs a ensuite publié le guide The RVH Manual on Palliative/Hospice Care, un ouvrage devenu la référence pour le développement des services de soins palliatifs au Canada et qui a élargi le concept traditionnel des soins de santé physique pour y intégrer les défis psychosociaux, spirituels et existentiels liés aux maladies incurables.

Les politiques, les pratiques et les lois relatives aux soins de fin de vie ont peut-être évolué depuis l’époque où le Dr Mount pratiquait et enseignait la médecine, mais améliorer la qualité de l’expérience et des résultats pour les patients reste tout autant au cœur des préoccupations de nos équipes que celles du Dr Mount. Lorsque le concept de législation sur l’aide médicale à mourir a été introduit, par exemple, le Dr Mount estimait qu’il fallait plutôt donner la priorité aux investissements dans les soins de fins de vie afin d’alléger les douleurs. Toutefois, je pense que les principes pour améliorer la qualité des soins et mourir sans souffrir reflètent aujourd’hui l’esprit, sinon la lettre, de sa vision et de ses valeurs holistiques. Après tout, le savoir engendre le savoir. Nous façonnons l'avenir que nous souhaitons pour nos patients en écoutant, en apprenant, en collaborant et en trouvant le juste équilibre entre les technologies et les équipements de nouvelle génération et les soins de soutien et palliatifs qui répondent aux besoins de prise en charge globale des patients à tous les stades de leur maladie à la fin de leur vie.

Le Dr Balfour M. Mount était un médecin bienveillant, un chirurgien chevronné, directeur fondateur du service de soins palliatifs de l’Hôpital Royal Victoria du CUSM, titulaire de la chaire Eric M. Flanders en médecine palliative, directeur fondateur de la division des soins palliatifs du Département d’oncologie de McGill et il a mis sur pied les programmes Whole Person Care de l’Université McGill. Enseignant passionné qui a reçu le prix Osler de McGill pour l’enseignement, le Dr Mount a également fondé le Congrès international biennal sur les soins aux malades en phase terminale. Il est l’auteur de plus de 150 publications, dont Sightings in the Valley of the Shadow: Reflections on Dying et ses mémoires Ten Thousand Crossroads: The Path as I Remember It, a participé à la production de bandes sonores et de documentaires éducatifs, et a été reçu comme conférencier et professeur invité au Canada et aux États-Unis ainsi qu’en Europe et sur d'autres continents dans le monde entier.

Tout au long de sa vie, plusieurs organisations ont reconnu les contributions exceptionnelles du Dr Mount aux soins palliatifs, notamment, et non des moindres, le CUSM qui a, à juste titre, baptisé son unité de soins palliatifs Balfour Mount, une unité de 12 chambres qui offre des soins holistiques grâce à une équipe interdisciplinaire composée d’infirmières, de médecins, de psychologues, d’un travailleur social, d'un musicothérapeute, d'un accompagnateur spirituel et d'une multitude d'autres professionnels de la santé. Le Dr Mount a été intronisé au Temple de la renommée médicale canadienne, nommé Officier de l’Ordre du Canada et de l’Ordre national du Québec et membre de l’Académie des Grands Montréalais. Lauréat du Prix d’excellence de l’Association canadienne de soins palliatifs et du prix décerné par l’American Academy of Hospice and Palliative Medicine pour l’ensemble de ses réalisations, Postes Canada lui a également rendu hommage en émettant un timbre à son effigie dans la série Pionniers de la médecine.

Une telle reconnaissance témoigne de l’héritage qu’il laisse, mais j'aimerais que chacun prenne conscience que son legs, tout comme celui d'autres sommités du CUSM-McGill, est de continuer à inspirer l'excellence et le courage individuel et collectif nécessaires pour affronter avec ténacité, humilité et compassion les défis de santé actuels, afin que nous continuions à innover pour nos patients et leurs familles.

Lucie Opatrny, MD MSc MHCM FRCPC 
Présidente-directrice générale – CUSM