L'arthrite rhumatoïde, en parler pour inspirer le courage

« L’acceptation d'une maladie chronique n’est pas un synonyme de passivité, explique la rhumatologue Dre Inès Colmegna. C’est un processus qui joue un rôle positif dans le bien-être physique, social et émotionnel d'un patient. »
« L’acceptation d'une maladie chronique n’est pas un synonyme de passivité, explique la rhumatologue Dre Inès Colmegna. C’est un processus qui joue un rôle positif dans le bien-être physique, social et émotionnel d'un patient. »

Anne Weber* vit avec l’arthrite rhumatoïde (AR) depuis 15 ans. Pourtant, elle n’a pas souvent parlé de sa maladie, ni à ses enfants, ni à sa famille, ni à ses amis. Seuls son médecin et son mari connaissent les détails de son histoire. Dernièrement, elle a décidé de la raconter, pour encourager les patients atteints d’AR à accepter la maladie et pour souligner le traitement reçu tout au long de ces années à l’Hôpital Royal Victoria du Centre Universitaire de Santé McGill (CUSM).

Pour Anne Weber, une Montréalaise d’origine allemande de 76 ans, l’apparition de l’arthrite rhumatoïde (AR) a été soudaine et brutale.

« Ça a commencé tout d’un coup, en 1999. J’avais énormément mal. Mes épaules, mes genoux, toutes mes articulations étaient gonflés. J’ai demandé à mon mari, qui est médecin : “Mais qu’est-ce que c’est ça?” »

Le diagnostic

Mme Weber a dû attendre une longue année avant de recevoir un diagnostic d’AR, une maladie auto-immune qui cause inflammation et raideur des articulations ainsi qu’une grande fatigue.

« Au début, les médecins ne savaient pas ce que j’avais. Ils pensaient que c’était la goutte, ensuite, le cancer. Ils m’ont donné des médicaments et j’étais encore plus malade. Après une année à vivre dans la douleur, je ne voulais plus prendre des pilules. J’étais prête à mourir. »

Ce long temps d’attente pour un diagnostic d’AR n’était pas chose rare au début des années 2000, selon la Dre Inès Colmegna, rhumatologue à l’HRV et médecin de Mme Weber depuis 2010. « La façon de concevoir les maladies rhumatismales inflammatoires a radicalement changé au cours des 15 dernières années, dit-elle. On sait maintenant que le diagnostic précoce est un facteur important dans le succès du traitement. »

En janvier 2000, Mme Webber a été examinée par le Dr Henri Ménard, alors directeur de la Division de rhumatologie du CUSM. Il a immédiatement diagnostiqué l’arthrite rhumatoïde.

Le traitement

Après le début du traitement, Mme Weber a commencé à se sentir rapidement mieux. « C’était le jour et la nuit, se rappelle-t-elle. Je me sentais à nouveau moi-même. » Mais sa lutte contre l’AR était loin d’être terminée. « Les effets secondaires des médicaments étaient importants.  J’ai eu un ulcère et des problèmes dentaires. J’ai développé le zona, une dermatose virale, et j’ai perdu beaucoup de cheveux. Heureusement, tous ces problèmes ne sont pas arrivés en même temps!, » dit-elle en riant.

S’il est vrai que les effets secondaires des médicaments utilisés pour le traitement de l’AR sont bien établis, ils sont régulièrement contrôlés dans la pratique clinique, explique la Dre Colmegna.

« Les médicaments évitent une inflammation persistante qui est associée à la destruction des articulations, à la perte de la mobilité et aux dommages à d’autres organes, dit-elle. De plus, les nouvelles thérapies ont réduit la fréquence de certains effets secondaires. » 

L’acceptation

Même avec un traitement réussi, vivre avec l’AR peut être un défi. « Il y a des hauts et des bas, confie Mme Weber. Les mois d’hiver sont durs, mais je suis une personne positive et je me dis toujours que ça pourrait être pire!, » lance-t-elle en riant.

Ce caractère résilient et optimiste a été forgé par une enfance vécue en Allemagne de l’Est pendant la 2e Guerre mondiale et par une adolescence passée d’abord à Berlin Est et ensuite à Berlin Ouest.

« J’ai eu une jeunesse très dure, marquée par la pauvreté, la faim et le froid. Mon père était mort et ma mère, malade. Tout ça a été une bonne école. Je sais ce que ça veut dire souffrir. Je sais aussi apprécier tout ce que j’ai aujourd’hui. »

Depuis le début de sa maladie, Mme Weber participe activement à ses propres soins, en notant les détails de ses symptômes et de son traitement dans un journal.

« Je prends environ dix pilules et vitamines tous les matins, mais évidemment je n’aime pas prendre beaucoup de médicaments, dit-elle. Alors, si ça va un peu mieux, je demande une diminution de la dose. »

Les informations notées par le patient, conjointement avec un examen clinique et des analyses de laboratoire, peuvent en effet aider le rhumatologue traitant à évaluer la nécessité d’ajuster le traitement, selon la Dre Colmegna. Elle rappelle cependant que des modifications ne doivent pas être faites par les patients sans une discussion éclairée avec leur médecin.

« La non-observance du traitement, qu’elle soit involontaire ou intentionnelle, est un obstacle fréquent et important au succès du traitement de l’AR, » dit-elle.

Mme Weber croit que pour lutter contre l’AR il faut « absolument avoir confiance en son médecin, suivre le traitement à la lettre et accepter la maladie. »

« La maladie, c’est comme un inconnu qui déménage chez vous pour toujours. Il faut avoir du respect, dit-elle. J’ai accepté le traitement et ses effets secondaires. Qu’est-ce que je peux faire? Je veux vivre! »

*Le nom a été modifié afin de préserver l’anonymat de la patiente.

L’arthrite rhumatoïde : des réponses à plusieurs questions, et plusieurs autres à venir 

Bien que la compréhension de l’arthrite rhumatoïde (AR) se soit grandement affinée, plusieurs questions essentielles demeurent sans réponse. Au cours des dix dernières années, les chercheurs et les cliniciens de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) et de l’Université McGill ont publié près de 200 articles sur cette maladie dans des journaux renommés. Ils ont cherché à savoir comment identifier les gènes qui prédisent l’apparition et la progression de la maladie, à trouver des façons d’optimiser les soins de santé pour permettre aux patients de recevoir les meilleurs soins possible, ainsi que des stratégies visant à améliorer les effets à long terme de l’AR et des occasions de mettre au point de nouveaux et de meilleurs traitements. Nos chercheurs essaient maintenant de comprendre ce qui déclenche l’AR, de quelle façon l’inflammation qui y est associée affecte toutes les parties du corps en plus des articulations, comment offrir aux individus les traitements qui fonctionneront le mieux pour eux et comment les patients peuvent continuer à travailler et à vivre pleinement avec la maladie. Les projets en cours et à venir, basés à l’IR-CUSM et à l’Université McGill, continueront certainement d’apporter de nouveaux éléments probants dans ces domaines.