Attention à la « pensée diète »

Si davantage de femmes sont touchées par les troubles alimentaires, de plus en plus d’hommes le sont aujourd’hui. Cela s’explique en partie par le fait que les hommes et les femmes sont menacés par un phénomène que Sylvie Goulet, psychologue au Centre universitaire de santé McGill (CUSM), appelle la « pensée diète ». En effet, les consommateurs font face, d’un côté, à une abondance de produits alimentaires mis en marché de façon agressive et, de l’autre, à une forte pression sociale à l’effet d’atteindre l’idéal de minceur véhiculé dans les médias de masse. « Ajoutons à cela le rythme effréné de la vie moderne, qui génère parfois un manque de structure dans les habitudes alimentaires, et nous obtenons un terreau fertile au développement de troubles alimentaires », affirme Mme Goulet, qui accompagne exclusivement des patients qui sont suivis au CUSM pour des raisons psychiatriques ou pour une chirurgie bariatrique. Elle explique que la « pensée diète », ou la conception de l’alimentation axée sur la restriction, cause de l’anxiété et des dérèglements alimentaires qui peuvent mener, entre autres, à la boulimie. Les personnes boulimiques vivent une perte de contrôle sur leur alimentation et mangent une grande quantité d’aliments dans une courte période, de façon compulsive. Leur désir de manger est alimenté davantage par l’anxiété et par la difficulté à réguler leurs émotions que par la sensation de faim. « Mais contrairement à la croyance populaire, toutes les personnes boulimiques ne se font pas vomir. Nombreuses sont celles qui deviennent obèses, au point, parfois, de souffrir d’obésité extrême ou morbide » précise-t-elle. Elle nous invite donc à voir l’alimentation comme un monde de plaisir, plutôt que comme un monde d’interdits où les tentations foisonnent. Elle encourage la population à découvrir la culture du plaisir alimentaire et de l’exploration. Selon elle, les parents inquiets de voir leurs enfants aux prises avec des problèmes alimentaires gagneraient tout particulièrement à s’intéresser à la cuisine et à la diversité des aliments et à ajouter de la structure et du plaisir dans l’alimentation familiale. « Mais le plaisir, comme n’importe quoi, c’est une question de dosage » ajoute-t-elle. « Un vrai plaisir, c’est un plaisir avant, pendant et après. C’est quelque chose qu’on anticipe avec bonheur, et qui devient un bon souvenir par la suite. Et si ce n’est pas ça, ce n’est pas du plaisir ». La notion de plaisir doit donc être entendue comme la réponse à la question qu’est- ce qui est bon pour moi?, ce qui implique d’apprendre à se connaitre, d’être à l’écoute de soi. Voilà de quoi alimenter nos réflexions!