Dr Norbert Gilmore, pionnier de la lutte contre le SIDA au Canada et ambassadeur des droits de la personne, prend sa retraite

Dr Norbert Gilmore, médecin hautement respecté au Centre universitaire de santé McGill (CUSM), chercheur à l’Institut de recherche  du CUSM et professeur émérite de l’Université McGill, prendra sa retraite ce mois-ci. Depuis les 30 dernières années, il est un spécialiste de renom du VIH et du SIDA au Canada et un ambassadeur des droits des patients atteints du SIDA au sein du réseau de soins santé et de la société.

« Au cours des cinq premières années de l’épidémie du Sida, c’était tout simplement la folie », explique le Dr Norbert Gilmore, 72 ans. « Au début, les gens s’assoyaient sur le plancher de la clinique de l’Hôpital Royal Victoria (RVH), parce qu’il n’y avait pas assez de chaises. Nous avons donc dû avoir recours à la clinique d’allergies quelques matins par semaine. Lorsque l’on gérait le VIH et le Sida, il fallait parfois prendre à Pierre pour donner à Paul. » 

« Dr Gilmore est un pionnier des soins contre le VIH au Canada », explique le Dr Jason Szabo, médecin au Service des maladies virales chroniques de l’Institut thoracique de Montréal. « Il a lutté contre la stigmatisation dès le début, en expliquant aux gens que le VIH est impossible à transmettre par simple contact. Il a également établi le lien entre la promotion des droits de la personne et la prévention du VIH. » 

Pour le Dr Gilmore, les droits de l'homme et la santé vont de pair. « Nous devons protéger la population vulnérable et lui donner les mêmes opportunités que l’on offre à tous les autres membres de la société. Ces gens ont le droit d’être heureux, de fonder une famille, de se rendre au travail et d’être en bonne santé. »

À titre d’expert de pointe en matière de Sida, le Dr Gilmore s’est vite retrouvé au cœur des médias à l’époque, en se prêtant à d’innombrables entrevues à la télévision, à la radio et dans les journaux dans le but de tenter de « vendre le sida comme une maladie sociale », sculptée par les courants politiques, économiques, sociaux et comportementaux. 

« J’avais l’habitude de dire aux gens : les personnes atteintes du VIH/Sida doivent être respectées, donc ne faites pas preuve de discrimination, ni de stigmatisation, et faites ce que vous avez à faire sans délai. » 

Avant l’explosion du Sida, le Dr Gilmore travaillait comme médecin à l’Hôpital Royal Victoria depuis 1975. Originaire du Massachusetts, il a étudié la pharmacologie à l’Université de Londres en Angleterre et la médecine à l’Université du Vermont. De 1970 à 1974, il a été stagiaire et résident au Service d’allergies et d’immunologie de l’Hôpital Royal Victoria du CUSM, « un établissement de pointe qui favorisait les soins aux chevets ». 

« Dans les années 70, c’était un foyer fourmillant ici. Les gens étaient curieux, ils travaillaient d’arrache-pied et ils étaient de véritables vedettes dans leur domaine. J’ai beaucoup appris et j’ai eu énormément de plaisir », dit-il.

Ces années plutôt nonchalantes ont vite laissé place à une période plus noire, lorsque l’épidémie du Sida a pris du terrain. « La situation a tout simplement explosé en accéléré. Il y avait tellement de décès. Le Dr Richard Lalonde, mon prédécesseur, mérite énormément de reconnaissance pour son travail d’implantation de l’unité de soins du VIH à l’HRV à l’époque. On avait parfois 20 personnes hospitalisées en même temps. La situation était grave à ce point. »

La maladie est survenue de façon si soudaine que les médecins ont dû jouer le rôle de conseiller, d’ambassadeur et parfois même d’activiste avant que les communautés puissent s’organiser. En 1989, après avoir siégé pendant six ans à titre de président du Comité consultatif sur le Sida de Santé Canada, le Dr Gilmore a démissionné pour protester contre l’inaction du gouvernement par rapport à ses programmes d’éducation en matière de Sida. Il a collaboré avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et rédigé plusieurs documents de recherche qui sont encore consultés aujourd’hui. Il est également un des membres fondateurs du Centre de médecine d’éthique et de droit de l’Université McGill.

« Son cours d’éthique nous a appris à traduire les concepts qui nous tiennent à cœur en politiques et gestes concrets », explique Dr Szabo. « Il n’était pas qu’un homme de rhétorique, il joignait le geste à la parole et mettait ses mains à la pâte au front du mouvement. »

Le dévouement du Dr Gilmore envers ses patients est reconnu de tous. « Il est respectueux, encourageant et généreux, et, bien sûr, un brillant intellectuel des plus compétents », dit Claire Duchesneau, travailleuse sociale du Service des maladies virales chroniques. « Il a énormément contribué au travail que nous faisons avec les réfugiés. Il est notre champion des droits de la personne. »

En 2011, le Dr Gilmore était responsable de la fusion des cliniques du VIH/Sida de l’HRV et de l’Hôpital général de Montréal. Depuis les quatre dernières années, il est le directeur médical du Service des maladies virales chroniques, où il supervise un groupe de 40 spécialistes, psychologues et travailleurs sociaux qui prodiguent des soins spécialisés à 2,500 patients.

« Notre équipe est magnifique. L’infirmière Ellen Seguin et l’infirmier Gino Curadeau travaillent sans relâche et tout le monde donne leur meilleur », dit-il fièrement. « Nous ne faisons pas de discipline; nous tentons plutôt d’encourager les patients à suivre leur traitement. Nous avons créé une unité qui fonctionne très bien et qui est en parfaite condition pour la transition au Glen. »

Ses collègues et ses amis se sont rassemblés pour fêter son départ il y a quelques semaines. Il y avait trente noms sur la liste d’invités, mais 85 personnes se sont déplacées pour célébrer le Dr Gilmore. 

 

« Dans le cas du Dr Gilmore, la médecine n’a jamais été qu’une simple carrière; il faut plutôt parler d’une vocation », dit Dr Szabo. « Il a mené par l’exemple et laisse une marque indélébile dans plusieurs domaines et dans chacun de nos esprits. »