Septicémie : les tests pré-traitement sont essentiels
L’administration rapide d'antibiotiques appropriés étant essentielle pour prévenir la mort chez les patients atteints d'infections graves, les équipes de soins peuvent-elles « sauter » le prélèvement de sang pour les cultures bactériennes et passer directement à l'administration d'antibiotiques, pour accélérer le traitement et améliorer les résultats pour les patients? « Non », répond une équipe de chercheurs de l'Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM), de l'Université de la Colombie-Britannique et de la Harvard Medical School, qui ont récemment démontré que l'initiation d'un traitement antimicrobien réduit considérablement la sensibilité des hémocultures prélevées peu après le début du traitement. Cela diminue la capacité de détecter la bactérie spécifique à l'origine de l'infection. Leurs conclusions, publiées dans Annals of Internal Medicine, renforcent les recommandations existantes de ne pas administrer d'antibiotiques jusqu'à ce que des hémocultures soient réalisées.
« Le traitement [lorsqu’entrepris avant les tests microbiologiques] peut entraîner la perte d'information clinique dans les hémocultures, ce qui rend plus difficile l'identification des pathogènes et la prestation d'un traitement ciblé, et expose les patients à des risques », explique le Dr Matthew Cheng, premier auteur de l'étude, qui terminait sa formation en surspécialité en maladies infectieuses et microbiologie médicale à l'Université McGill durant l’étude.
Ces données confirment l'importance des lignes directrices actuelles encadrant la pratique clinique pour le traitement des patients atteints d'une septicémie, qui recommandent d'obtenir des hémocultures avant d'administrer des antibiotiques, afin de maximiser la probabilité d'identifier un agent pathogène et de fournir un traitement ciblé.
Une idée simple qui a conduit à une étude à fort impact
La septicémie et le choc septique résultent d'infections non contrôlées qui peuvent fréquemment être identifiées dans le sang. Ils peuvent entraîner une défaillance des organes et mener à la mort. La septicémie est d’ailleurs une cause fréquente de décès dans les hôpitaux. Retarder un traitement antimicrobien efficace peut augmenter la probabilité de mortalité jusqu'à 10 % par heure. Cependant, dans la mesure du possible, il est aussi important d'identifier l'agent pathogène responsable de l'infection que d'amorcer le traitement rapidement.
« J'ai effectué une revue de la littérature et j'ai constaté qu'il manquait de preuves pour soutenir les multiples lignes directrices internationales recommandant l'obtention de cultures sanguines avant l'administration d'antibiotiques par voie intraveineuse en cas de septicémie et de choc septique », dit le Dr Cheng.
Le Dr Cheng a eu l'idée de mener une étude pour déterminer la sensibilité des hémocultures prélevées peu après le début du traitement. Il en a discuté avec le Dr Cédric Yansouni, clinicien-chercheur du programme Maladies infectieuses et immunité en santé mondiale de l’IR-CUSM, qui a immédiatement saisi le potentiel de cette étude à fort impact.
« L'idée de Matthew était simple et brillante. Comme il s'agit d'une question importante ayant des implications pratiques, nous avons conçu un projet dont la mise en œuvre serait relativement aisée », explique le Dr Yansouni, qui est également professeur adjoint au Département de médecine de l'Université McGill.
L'enquête
L'étude prospective a été réalisée dans sept centres de santé au Canada et aux États-Unis, principalement à Montréal et à Vancouver. Les chercheurs ont recruté 325 patients qui étaient en état de choc septique ou qui présentaient des manifestations graves de septicémie à leur arrivée à l'urgence. Ils ont modifié les protocoles de traitement standard en ajoutant une hémoculture post-traitement obtenue dans les deux heures suivant le début de l’administration des antibiotiques. Lorsqu'ils ont comparé les résultats des hémocultures obtenues avant et après le début du traitement, ils ont remarqué que près de 50 % des patients qui avaient eu des hémocultures positives au départ avaient eu des cultures faussement négatives par la suite, ce qui prouve que le traitement nuit aux résultats des analyses sanguines.
« Les cultures bactériennes nous permettent d'identifier la bactérie responsable et de cibler le traitement; nous pouvons alors prescrire le bon antibiotique et arrêter ceux qui ne sont pas nécessaires, explique le Dr Yansouni. Cela est bénéfique non seulement pour le patient, mais aussi pour la communauté, car réduire l'utilisation inutile d'antibiotiques est essentielle pour contrôler la résistance aux antimicrobiens. »
Données probantes à l'appui de la mise à jour des lignes directrices sur le sepsis
Chose rare, la revue a permis aux auteurs de partager leurs données avec le groupe de travail sur la septicémie de l'Infectious Diseases Society of America (IDSA) avant leur publication, lorsqu'il en ont fait la demande en amont des prochaines révisions de la mesure de qualité National SEP-1 Sepsis Quality Measure.
« Il s'agit des premières données chez l'humain qui démontrent de façon robuste que le moment de l'administration d'antimicrobiens fait une différence dans le rendement des hémocultures. Elles fournissent une base aux lignes directrices cliniques pour les soins aux patients atteints de septicémie », dit le Dr Yansouni.
« Ce document est le résultat d'un projet de résidence qui n'aurait jamais vu le jour sans le soutien et les conseils du Dr Yansouni, explique le Dr Cheng. Nos résultats démontrent qu'il est essentiel d'obtenir des hémocultures avant de commencer un traitement antimicrobien, car la sensibilité des hémocultures post-antimicrobiennes est considérablement réduite, et que cette perte d'information clinique peut avoir un impact négatif sur les soins aux patients. »
Au sujet de l’étude
L’article Blood culture results prior to and following antimicrobial administration in patients with severe manifestations of sepsis: A diagnostic study a été coécrit par Matthew P. Cheng, MD; Robert Stenstrom, MD PhD; Katryn Paquette MD; Sarah N. Stabler, Pharm D; Murtaza Akhter, MD; Adam C. Davidson, MD;Marko Gavric, BS; Alexander Lawandi, MD; Rehman Jinah BSc; Zahid Saeed, MD; Koray Demir, MD; Kelly Huang, BS; Amirali Mahpour, MD; Chris Shamatutu, BSc; Chelsea Caya, MSc; Jean-Marc Troquet, MD; Greg Clark, MD; Cedric Yansouni, MD and David Sweet, MD. DOI: 10.7326/M19-1696
Ce travail a été rendu possible grâce au financement du Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS), de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill et de l’Université de la Colombie-Britannique.
À propos de l’Institut de recherche du CUSM
L’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) est un centre de recherche réputé mondialement dans les domaines des sciences biomédicales et des soins de santé. L’Institut, qui est affilié à la Faculté de médecine de l’Université McGill, est la base de recherche du CUSM, un centre hospitalier universitaire établi à Montréal, au Canada, qui a pour mandat de se concentrer sur les soins complexes au sein de sa communauté. L’IR-CUSM compte plus de 420 chercheurs et près de 1200 stagiaires de recherche consacrés à un large éventail de domaines de recherche fondamentale, clinique et sur les résultats en santé sur les sites Glen et de l’Hôpital général de Montréal du CUSM. Leurs installations de recherche offrent un environnement multidisciplinaire dynamique qui encourage la collaboration et la découverte visant à améliorer l’état de santé des patients tout au long de leur vie. L’IR-CUSM est notamment appuyé par le Fonds de la recherche en santé du Québec (FRSQ) www.rimuhc.ca
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