C'est parfois une question de gènes

La vie d’Esther Hockenstein repose sur la résilience. Cette résidente de Montréal a perdu plusieurs membres de sa famille pendant l’Holocauste et fut un des derniers enfants nés dans un camp de concentration Nazi. De nos jours, Esther, qui fêtera son 70e anniversaire cette année, combat la forme la plus mortelle des cancers de la femme : le cancer de l’ovaire. 

« Ma mère a été diagnostiquée d’un cancer du sein et est décédée trois années plus tard à l’âge de 49 ans. Elle n’a jamais fait l’objet d’un dépistage génétique car ce n’était pas une option qui existait à l’époque. Moi non plus d’ailleurs. Et, il s’agit d’une grave erreur », dit Mme Hockenstein empreinte de regret. Elle est porteuse d’une mutation du gène BRCA1, ce qui fait qu’elle et les membres de sa famille ont plus de risque de développer le cancer de l’ovaire. Malheureusement, elle ne l’a pas su jusqu’à ce qu’elle reçoive son diagnostic. Esther est actuellement traitée pour son cancer de l’ovaire. 

Les gènes BRCA1 et BRCA2 jouent un rôle important dans les cancers héréditaires du sein et de l’ovaire. La décision prise récemment par l’actrice américaine Angelina Jolie de subir une intervention chirurgicale pour l’ablation de ses seins, de ses ovaires et de ses trompes de Fallope, après avoir passé des tests de dépistage génétique a attiré l’attention des médias. Comme l’actrice, plusieurs femmes avec un historique familial de cancer du sein et de l’ovaire se font dépister pour savoir si elles sont porteuses d’un des deux gènes.    

Une nouvelle étude menée par des chercheurs de Montréal, dont Dre Patricia Tonin, directrice adjointe du Programme de recherche sur le cancer de l'Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM), avance que toutes les femmes atteintes du cancer de l’ovaire, et non pas seulement celles avec un historique familial de cancer, devraient faire l’objet d’un dépistage génétique. Certaines cliniques ont élargi leurs critères et offrent maintenant le dépistage génétique à une plus grande population de femmes, mais cela ne fait toujours pas partie des normes en vigueur au Québec. 

Selon Dre Tonin, il faudrait faire passer des tests de dépistage génétique à toutes les femmes atteintes de la forme la plus commune du cancer de l’ovaire, ce qui aiderait à identifier celles qui portent le même gène dans leurs familles et permettrait aux professionnels de la santé d’offrir à ces dernières des stratégies pour réduire les risques de maladie. 

À propos du cancer de l’ovaire

17 000 Canadiennes vivent présentement avec le cancer de l'ovaire. On estime que cette année au Canada, 2 600 femmes recevront ce même diagnostic. Le cancer de l'ovaire est le cinquième cancer le plus fréquent chez les femmes et le cancer féminin le plus mortel.

« Pour l’instant, il n’y a pas de politique officielle en place au Québec pour permettre aux femmes atteintes du cancer de l’ovaire de passer des tests de dépistage génétique », explique Dre Tonin, qui est également professeure agrégée au département de médecine et de génétique humaine de l’Université McGill. « On offre seulement automatiquement le dépistage génétique aux femmes ayant des antécédents familiaux de cancer du sein et de l'ovaire, et si elles portent les mutations BRCA1 ou BRCA2, on leur offre des stratégies de prévention du cancer pour réduire leurs risques de contracter ces cancers. » 

Dre Tonin et ses collègues du Centre de recherche du Centre hospitalier de l'Université de Montréal et de l’Hôpital général juif, ont examiné plus de 400 échantillons de tissus d'une population unique de Québécoises atteintes du cancer de l'ovaire qui n’avaient pas d’antécédents familiaux pour ces types de cancer. L'analyse a démontré que 20 % des femmes atteintes de la forme la plus commune et la plus mortelle du cancer de l'ovaire étaient porteuses des mutations BRCA1 et BRCA2, ce qui est considérablement plus élevé que les estimations précédentes (de 4 à 11 %).  

« Je suis la mère de trois fils. Si on découvre que l’un d’entre eux est porteur de la mutation BRCA1, ils pourraient la transmettre à leurs enfants s’ils deviennent parents à leur tour », explique Mme Hockenstein. « Si ils ont des filles, elles seront plus à risque de développer un cancer de l’ovaire ou du sein plus tard dans leur vie. »   

Mme Hockenstein pense que les femmes devraient être plus proactives et parler à leurs médecins du test génétique. « Mon gynécologue ne m'a jamais mentionné le dépistage génétique malgré mon historique familial de cancer. Les médecins devraient en parler davantage et nous donner [aux patients] la possibilité de faire un choix éclairé », dit-elle. 

« Le conseil génétique n’est pas automatiquement offert, comme il se doit, par les médecins de famille et les gynécologues à toutes les femmes avec un cancer de l’ovaire, indépendamment de leur historique familial de cancer », ajoute Dr William Foulkes, généticien et directeur du programme en génétique du cancer à l'Hôpital général de Montréal du Centre universitaire de santé McGill Centre et de l'Hôpital général juif. « Le cancer de l’ovaire est un des cancers les plus communs à facteur héréditaire chez l’adulte. Il est important que toutes les patientes atteintes de cancer de l'ovaire soient dirigées vers des services génétiques pour une évaluation afin de déterminer si une étude génétique plus approfondie est justifiée. » 

Selon Dre Tonin, on pourrait offrir aux femmes porteuses d’une mutation de l’un des gènes BRCA des stratégies de prévention, comme le retrait des ovaires et des trompes de Fallope, ce qui demeure la seule méthode éprouvée et efficace pour réduire le risque de développer un cancer de l'ovaire. « Compte tenu du risque et de la létalité du cancer de l'ovaire, il est essentiel d'identifier les femmes qui sont porteuses de ces mutations génétiques héritées et pour l’instant », dit-elle, « le dépistage génétique est notre seule option ».

Ces recherches ont été financées par la Société de recherche sur le cancer et en partie par le Fonds de recherche du Québec-Santé, l’IR-CUSM, la Faculté de médecine de l’Université McGill, Cancer de l’ovaire Canada et les Instituts de recherche en santé du Canada.  

 

Pour plus d’information visitez ovairecanada.org