Signature 3 et voie BRCA dans le cancer du sein

Par Tom Ulrich, de l’Institut Broad

Les cellules de cancer du sein dans lesquelles les gènes de réparation de l’ADN BRCA1 et BRCA2 sont défectueux portent une signature mutationnelle (un schéma de permutation des bases – par exemple, interversion de T et de G, ou de C et de A – dans le génome) que les spécialistes de la génomique du cancer appellent « signature 3 ». Toutefois, les cellules de tumeur mammaire peuvent porter la signature 3 en l’absence de mutations des gènes BRCA1 et BRCA2. C’est pourquoi certains considèrent la signature 3 comme un biomarqueur de l’implication de la voie BRCA – c’est-à-dire comme un signe d’interruption de la réparation de l’ADN dans la voie BRCA (procédé appelé « recombinaison homologue ») – en général et non d’une anomalie touchant les gènes BRCA eux-mêmes.

Dr. Foulkes

Dr Foulkes, oncogénéticien au Centre universitaire de santé McGill et au Centre du cancer Segal de l’Hôpital général juif. Il est également scientifique au sein du Programme de recherche sur le cancerde l’Institut de recherche du CUSM.

Deux questions se posent alors : Quels autres mécanismes ou anomalies pourraient désactiver la recombinaison homologue et déterminer la signature 3? et La signature 3 pourrait-elle avoir une utilité clinique?

Pour répondre à ces questions, une équipe multinationale dirigée par Paz Polak, Jaegil Kim, Lior Braunstein et Gad Getz, du Programme sur le cancer de l’Institut Broad et du Centre de recherche sur le cancer de l’Hôpital général du Massachusetts, ainsi que William Foulkes, de l’Université McGill, ont réanalysé des données portant sur près de 1 000 tumeurs mammaires malignes et provenant du Cancer Genome Atlas. À la lumière de leurs constats, publiés dans la revue Nature Genetics, il y a lieu de penser que les signatures mutationnelles, telles que la signature 3, pourraient permettre une prise en charge très ciblée dans laquelle le risque et les décisions de traitement seraient déterminés par l’ensemble des mutations tumorales et non seulement par quelques gènes bien définis.

« Les anomalies associées à la signature 3 pourraient intensifier la réponse du patient à certains traitements », avance le Dr Foulkes, oncogénéticien au Centre du cancer Segal de l’Hôpital général juif et au sein du Programme de recherche sur le cancer de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill. « En procédant à une analyse génomique et épigénomique complète du cancer du sein, nous avons mis au jour des altérations qui, nous l’ignorions auparavant, sont associées à la signature 3. De plus, nous sommes maintenant mieux armés pour distinguer les variantes génétiques qui jouent un rôle dans la maladie, et doivent donc être rangées au banc des accusés, des variantes totalement inoffensives. »

Les observations faites au sein des tumeurs mammaires porteuses de la signature 3 sont exposées ci-après.

« En procédant à une analyse génomique et épigénomique complète du cancer du sein, nous avons mis au jour des altérations qui, nous l’ignorions auparavant, sont associées à la signature 3 », avance l'un des co-auteur, le Dr Foulkes, oncogénéticien au Centre universitaire de santé McGill.  « De plus, nous sommes maintenant mieux armés pour distinguer les variantes génétiques qui jouent un rôle dans la maladie, et doivent donc être rangées au banc des accusés, des variantes totalement inoffensives. »  

On trouve la signature 3 dans la très grande majorité des tumeurs porteuses de mutations germinales (héréditaires) ou somatiques (acquises) du gène BRCA1 ou BRCA2. Il en va de même des tumeurs porteuses de mutations germinales du gène PALB2, qui agit de concert avec ses acolytes BRCA1 et BRCA2.

En revanche, les anomalies des gènes ATM ou CHEK2 (qui signalent à la cellule l’existence de lésions de l’ADN et dont certaines variantes germinales peuvent accroître le risque de cancer du sein) ne font pas partie des caractéristiques de la signature 3.

Dans plusieurs tumeurs, on a noté le blocage épigénétique de l’expression du gène RAD51C, lui aussi un acolyte des gènes BRCA1 et BRCA2. Ce mécanisme dysfonctionnel de la recombinaison homologue, dont on ignorait l’existence, s’est révélé beaucoup plus fréquent dans les cancers du sein de type basal chez les jeunes Afro-Américaines de l’échantillon étudié que chez les femmes blanches, tout comme d’ailleurs le blocage épigénétique de l’expression du gène BRCA1 (caractéristique de la signature 3). On a fait le constat inverse dans le cas des caractéristiques mutationnelles. 

« Nous avons également ajouté une pièce au casse-tête en observant la méthylation du gène RAD51C, peut-être l’une des causes de l’incidence particulièrement élevée du cancer du sein triple négatif chez les personnes d’origine africaine. Comme cette caractéristique pourrait influer sur le traitement, il faudra très certainement explorer davantage cette piste de recherche », affirme le Dr Foulkes.  

Et qu’en est-il de l’utilité clinique de la signature 3? L’équipe a constaté que, conjuguée à d’autres données, la présence ou l’absence de cette signature dans les cellules du cancer du sein permettait de déterminer si des mutations rares des gènes BRCA1 et BRCA2 étaient délétères ou non, observation qui devra faire l’objet de travaux plus poussés, précisent les chercheurs. Ces derniers avancent également qu’un jour, la signature 3 pourrait figurer parmi les caractéristiques prises en considération dans les décisions de traitement ou orienter la mise au point de traitements ciblant la voie BRCA.

 

Article cité :

L’article « A mutational signature reveals alterations underlying deficient homologous recombination repair in breast cancer », par P. Polak, J. Kim, L. Braunstein, W. D. Foulkes, G. Getz, et coll., a été publié en ligne dans la revue Nature Genetics le 21 août 2017. DOI : 10.1038/ng.3934

https://www.broadinstitute.org/news/searching-signature-causes-brcaness-breast-cancer