Santé Canada lève l'interdiction du don de sang
Martin Lloyd, un technicien des services informatiques dans la fin de la vingtaine (son nom a été changé pour protéger son identité) a toujours souhaité aider la population et faire un don de sang. « Mais je suis gai », dit-il, « donc Santé Canada m’interdit de donner du sang. Je suis en parfaite santé; je n’ai tout simplement pas le droit de contribuer. »
Depuis plus de 30 ans, Santé Canada interdit aux hommes ayant eu une relation sexuelle avec un autre homme (HRSH) de faire un don de sang. Toutefois, cette politique a été révoquée au mois de mai dernier et, à partir de ce lundi le 22 juillet, les HRSH ont maintenant le droit de donner du sang, pourvu qu’ils pratiquent l’abstinence depuis au moins cinq ans.
Certains perçoivent ceci comme un pas dans la bonne direction vers l’éradication d’une pratique discriminatoire envers les hommes homosexuels. Comme Lloyd le souligne, « il s’agit de se sentir accepté à Montréal et au Canada. Certains hommes gais auront maintenant le droit de contribuer, et c’est bien comme ça. »
La levée de l’interdiction peut être attribuée à l’avènement de nouvelles techniques de dépistage sanguin beaucoup plus efficaces. Dr Jean-Pierre Routy, un expert de la pathogenèse du VIH de l’Hôpital Royal Victoria du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), décrit les tests modernes de dépistage du VIH comme étant « très efficaces à partir de 10 jours après l’infection initiale ». Étant donné ce fait, il va jusqu’à poser la question « pourquoi Santé Canada exige-t-il une période d’attente de cinq ans plutôt que de deux semaines? »
Dr Norbert Gilmore, directeur du Service de maladie chronique virale du CUSM partage également son point de vue : « pouvez-vous imaginer demander à une portion de la population d’éviter les rapports sexuels pendant cinq ans uniquement pour qu’ils puissent volontairement donner du sang? »
Gilmore perçoit ceci comme étant une question de confiance envers la communauté gaie. « Il faut que les Canadiens fassent confiance à l’honnêteté de la santé sexuelle des HRSH donneurs de sang, sinon nous allons continuer de faire preuve de discrimination à leur égard », dit-il. « Bien que Santé Canada ait de bonnes intentions, le message présentement véhiculé envers la communauté gaie est qu’elle est “présumée infectée jusqu’à preuve du contraire”, ce qui n’est pas vraiment une bonne façon de mettre un terme à ce genre de stigmatisation. »
Lorsqu’on lui demande s’il prévoit faire un don de sang dans le futur, Lloyd répond qu’il aimerait bien pouvoir le faire, mais que ce n’est pas réaliste. « Il faudrait que je quitte mon conjoint dès aujourd’hui pour pouvoir donner du sang en 2018 », dit-il. « Peut-être est-ce seulement un premier pas positif; peut-être que dans quelques années Santé Canada réduira la période d’attente à deux semaines. »
Le Canada n’est pas la première nation à lever l’interdiction des dons de sang HRSH : en 2011, le Royaume-Uni, la Finlande et l’Australie ont également éliminé l’interdiction du don de sang et imposé une période d’attente d’un an. Couramment en France, les débats sont en cours au parlement de lever l'interdiction sur les dons de sang par les HRSH.