Des chercheuses lancent un appel pour améliorer la transition aux soins pour adultes chez les adolescents
Montréal – L'adolescence est souvent une période difficile pour les jeunes qui se caractérise entre autres par le développement de l’indépendance, les préoccupations identitaires, et la prise de risques. Pour les jeunes adultes atteints d’une maladie chronique comme le diabète de type 1, ce cheminement s’intensifie avec les exigences quotidiennes de prise en charge de la maladie et de leur santé. Une nouvelle étude de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) jette la lumière sur les lacunes existant dans la pratique en matière de soins de transition au Québec et démontre l’absence de programme standard dans les centres de diabète pédiatriques. Les conclusions de cette étude publiée dans la revue BMJ Open Diabetes Research & Care, appuient la nécessité de développer et d’évaluer à plusieurs niveaux des interventions ciblées, afin d’améliorer le processus de transition chez les patients.
Dre Meranda Nakhla, pédiatre endocrinologue à l’Hôpital de Montréal pour enfants du CUSM et professeure adjointe de pédiatrie à l’Université McGill
« La transition des soins pédiatriques aux soins pour adultes est un problème complexe, qui n’est pas unique au diabète de type 1. C’est également le cas pour d’autres maladies chroniques touchant les enfants comme la fibrose kystique, ou encore dans le cas d’une greffe de rein », dit l’auteure principale de l’étude, la Dre Meranda Nakhla, pédiatre endocrinologue à l’Hôpital de Montréal pour enfants du CUSM et professeure adjointe de pédiatrie à l’Université McGill. « Des études antérieures ont démontré que la transition est une période de grande vulnérabilité pour les adolescents et qu’ils ont tendance à abandonner les soins médicaux; cela signifie que lorsqu’ils quittent les soins pédiatriques en vue d’un transfert vers les soins pour adultes, ils ne bénéficient pas du suivi nécessaire à leur maladie chronique et éprouvent des difficultés avec le processus de transition. »
Selon la Dre Jan Hux, conseillère scientifique principale de Diabète Canada qui a financé l’étude, l’adolescence est une période où les jeunes gens peuvent commencer à se rebeller contre les difficultés que comporte le fait de vivre avec le diabète au quotidien, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 ; ils prennent alors des risques qui peuvent avoir une incidence sur leur santé au cours des prochaines années. « Les lignes directrices de pratique clinique de Diabète Canada prévoient la nécessité d’être bien préparé et de bénéficier du soutien adéquat en vue du passage aux soins pour adultes, ce qui implique la présence d’un coordonnateur de la transition, des rappels au patient ainsi que des mesures de soutien et de l’éducation, explique-t-elle. Pour les jeunes, le fait de recevoir le soutien adéquat et des soins de transition pendant le passage à une autre étape de leur développement peut avoir une incidence importante sur leur vie. Comme le font remarquer ces travaux, il faut déployer plus d’efforts pour faire en sorte de répondre efficacement à ces besoins. »
Actuellement, un Canadien sur quatre est atteint de diabète, et le Québec a l’un des taux d’incidence les plus élevés du monde pour ce qui est de cette maladie (32 cas par 100 000 habitants par année). Le corps d’une personne atteinte de diabète de type 1 produit peu ou pas d’insuline; le diabète est l’une des maladies chroniques les plus répandues chez les enfants. Les patients doivent recevoir des injections d’insuline tous les jours pour assurer leur survie, et ce, pour le reste de leur vie.
Dans cette étude, les chercheurs se sont penchés sur le point de vue des prestataires de soins pédiatriques provenant des établissements de soins du Québec, qu’ils soient universitaires ou non, ou situés en milieu rural. Entre juin et novembre 2015, ils ont effectué des entrevues avec divers intervenants : infirmières éducatrices en diabète, éducateurs, pédiatres et pédiatres endocrinologues issus de 12 centres répartis dans l’ensemble de la province. L’équipe de recherche a demandé aux prestataires de soins d’exposer leur point de vue, de décrire leurs expériences et les obstacles qui, selon eux, constituent un frein à la réussite de la transition des soins pédiatriques aux soins pour adultes.
Après avoir été diagnostiqué à l’âge de 16 ans avec un diabète de type 1, Michael Wright, aujourd’hui âgé de 21 ans, a fait son transfert et est actuellement suivi à la clinique du diabète des jeunes adultes au site Glen du CUSM par une équipe interdisciplinaire de soins aux adultes et en pédiatrie.
« Nous avons constaté l’existence de lacunes importantes dans les pratiques liées aux soins de transition, compte tenu de l’absence de politique normalisée en la matière, de même que de l’absence de communication entre les établissements de soins pédiatriques et les établissements de soins pour adultes ainsi que de l’absence de structure permettant aux prestataires de soins pédiatriques de mettre en place des pratiques liées aux soins de transition, ajoute la Dre Nakhla, qui fait aussi partie de l’équipe de scientifiques du Centre de recherche évaluative en santé de l’IR-CUSM. Les gens sont bien intentionnés, et tout le monde reconnaît l’importance de la période de transition. Toutefois, les prestataires de soins pédiatriques ont besoin de plus de structures et de plus d’orientation quant à la manière de mettre en œuvre plus adéquatement une telle transition dans leur pratique. »
Selon les résultats, les prestataires de soins pédiatriques ont reconnu l’importance des soins de transition, mais seulement 25 pour cent d’entre eux ont déclaré disposer de quelque préparation ou de planification formelle et structurée dans le centre du diabète où ils travaillaient. Parmi les obstacles les plus importants perçus par les répondants, les chercheurs ont relevé le manque de flexibilité dans la prise de rendez-vous dans les centres de soins pour adultes, la difficulté pour les jeunes patients d’assumer leurs nouvelles responsabilités, comme le début des études postsecondaires, la recherche d’emploi ou le départ de la maison familiale. Une autre limite qui a été soulevée était le manque de temps et de ressources du personnel pédiatrique pour planifier les étapes de la transition.
« En tant que professionnels de la santé, nous devons amorcer le processus de transition plus tôt, et non seulement au cours de l’année précédant le transfert des adolescents aux soins pour adultes. Nous devons également déployer davantage d’efforts pour impliquer les familles et pour guider les patients, afin qu’ils confient progressivement plus de responsabilités à leurs adolescents, sans pour autant que ces derniers ne prendre des risques non nécessaires », poursuit la Dre Nakhla.
Les chercheurs utilisent actuellement une base de données consacrée à l’administration des soins de santé au Québec pour vérifier ce qui arrive à ces jeunes adultes en termes d’hospitalisation, de consultations aux Urgences et d’état de santé lorsqu’ils sont transférés aux soins pour adultes.
À propos de l’étude
L’étude a été réalisée grâce au soutien financier de Diabète Canada. La D re Meranda Nakhla est titulaire d’une bourse de chercheuse clinicienne junior du Fonds de recherche du Québec–Santé (FRQS). Les coauteures de l’article Improving the transition from pediatric to adult diabetes care: the pediatric care provider’s perspective in Quebec, Canada sont Meranda Nakhla, Lorraine E. Bell, Sarah Wafa et Kaberi Dasgupta.
Nous vous invitons à lire l’étude pour de plus amples renseignements. DOI: 10.1136/bmjdrc-2017-000390.
À propos de l’IR-CUSM
L’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) est un centre de recherche de réputation mondiale dans le domaine des sciences biomédicales et de la santé. Établi à Montréal, au Canada, l’Institut, qui est affilié à la faculté de médecine de l’Université McGill, est l’organe de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) – dont le mandat consiste à se concentrer sur les soins complexes au sein de sa communauté. L’IR-CUSM compte plus de 460 chercheurs et près de 1 300 étudiants et stagiaires qui se consacrent à divers secteurs de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et de la recherche en santé évaluative aux sites Glen et à l’Hôpital général de Montréal du CUSM. Ses installations de recherche offrent un environnement multidisciplinaire dynamique qui favorise la collaboration entre chercheurs et tire profit des découvertes destinées à améliorer la santé des patients tout au long de leur vie. L’IR-CUSM est soutenu en partie par le Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS). ircusm.ca
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