Une piste inattendue pour traiter les cancers chez l'adulte

Montréal – Une équipe de chercheurs de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) découvre qu’une modification épigénétique pourrait être à l’origine de 15 % des cancers de la gorge liés à l’alcool et au tabac chez l’adulte. Ceci est une première dans le domaine de l’épigénétique et les chercheurs estiment que cette découverte ouvre la voie au développement de nouveaux traitements ciblés et plus efficaces qui pourraient être disponibles d’ici quelques années.

Simon Papillon-Cavanagh, McGill PhD candidate, Dre Nada Jabado et Jacek Majewski, PhD

Simon Papillon-Cavanagh, candidat au doctorat à l'Universtié McGill, Dre Nada Jabado et Jacek Majewski, PhD

« Cette découverte est totalement inattendue. Nous avions découvert antérieurement que ce type d’altérations de l’épigénome dans d’autres types de tumeurs chez l’enfant et les jeunes adultes, mais il semblait très peu probable qu’il puisse aussi cibler une tumeur épithéliale comme le cancer de la gorge qui atteint exclusivement l’adulte » explique la Dre Nada Jabado, chercheuse à IR-CUSM et un des auteurs principaux de l’étude publiée dans Nature Genetics.

Les cancers de la gorge, aussi appelés cancers de l’oropharynx ou cancers ORL, sont des cancers souvent très dévastateurs. Ils sont traités par la chirurgie, la radiothérapie ou la chimiothérapie. Malheureusement, les effets secondaires de ces traitements sont importants et les rechutes trop fréquentes, c’est pourquoi les oncologues cherchent à développer des traitements plus efficaces, moins nocifs et causant moins d’effets secondaires. L’identification de cette modification épigénétique ouvre de nouvelles perspectives de traitements. En effet, certaines molécules prometteuses sont déjà sur le marché pour d’autres maladies et pourraient possiblement être testées dans ces cancers ORL et d’autres cancers comme le myélome multiple et le cancer du poumon.

L’épigénétique

Le corps est composé d’un grand nombre de types de cellules différentes (neurones, cellules de la peau, cellules graisseuses, cellules immunitaires, etc.). Bien que différentes, toutes ces cellules possèdent le même ADN ou génome. Les scientifiques ont découvert assez récemment que ces différences s’expliquent grâce à l’épigénétique, c’est-à-dire ce qui orchestre l’activité des gènes dans chaque cellule.

Pour illustrer ses recherches, la Dre Jabado compare notre génome à des notes de musique et notre épigénétique à une partition : « Avec une même gamme, il est possible de faire plusieurs mélodies différentes. Telle une feuille de musique qui dicte quelles notes jouer et dans quel ordre, l’épigénétique permet d’organiser et de donner du sens à nos gènes. Si des erreurs se glissent dans la partition, il va y avoir un problème avec la musique. »

L’épigénétique permettrait d’expliquer pourquoi des facteurs environnementaux, comme le tabac ou l’alcool, induisent des changements sur l’expression de nos gènes sans toutefois modifier notre ADN.

La Dre Jabado, qui est aussi hémato-oncologue pédiatre, a bon espoir que cette découverte aura aussi des répercussions positives pour les cancers pédiatriques. « Maintenant que nous avons identifié ce groupe de patients, tout peut aller assez rapidement, car chez les adultes, contrairement aux enfants, il y a plus de patients et beaucoup d’essais cliniques. Les médicaments pourront être testés chez les enfants par la suite. »

 

Au sujet de cette découverte

Les travaux de la Dre Jabado portent sur l’épigénétique chez les cancers pédiatriques, plus précisément sur les mutations de l’histone-3. Les histones sont des protéines qui permettent de compacter notre ADN et qui régulent l’expression de nos gènes. Pour cette équipe de chercheurs, la collaboration entre scientifiques est essentielle ainsi que l’accès aux bases de données de génomique internationale. Ils ont été particulièrement intrigués par une publication de 2015 du Tumor Cancer Genome Atlas Consortium (TCGA) sur les cancers ORL qui mentionnait un des gènes qui régule l’histone 3.

« Nous avons repris ces mêmes données, mais avec des approches complètement différentes. Au lieu de nous concentrer sur les mutations génétiques, nous avons regardé l’effet de ces mutations sur les protéines de l’histone 3. Nous avons ainsi découvert que la protéine de l’histone 3 était anormale ou incorrectement modifiée chez environ 15 % des patients atteints d’un cancer ORL. Les données étaient là, mais c’était passé complètement inaperçu. » explique le Dr Jacek Majewski, chercheur à l’Université McGill et un des auteurs principaux de l’étude.

« Il faut avoir accès à des données publiques, car ça permet d’avancer plus vite et d’aller plus loin dans les analyses. Dans notre cas, cette découverte a révélé un sous-groupe qui pourrait bénéficier d’une thérapie qui cible l’épigénome. Cela améliorera la prise en charge de plus d’un patient sur cinq avec un cancer ORL dévastateur, insiste la Dre Jabado. Nous collaborons maintenant avec deux gros groupes spécialisés dans les cancers ORL dans le but de trouver des traitements. »

 

À propos de l’étude

L’étude Impaired H3K36 methylation defines a subset of head and neck squamous cell carcinomas a été coécrite par Simon Papillon-Cavanagh, Chao Lu, Tenzin Gayden, Leonie G. Mikael, Denise Bechet, Christina Karamboulas, Laurie Ailles, Jason Karamchandani, Dylan M. Marchione, Benjamin A. Garcia, Ilan Weinreb, David Goldstein, Peter W. Lewis, Octavia Maria Dancu, Sandeep Dhaliwal, William Stecho12, Christopher J. Howlett12, Joe S. Mymryk13, 14, John W. Barrett11, 14 Anthony C. Nichols, C. David Allis2, Jacek Majewski, Nada Jabado

 

À propos de l’IR-CUSM

L’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) est un centre de recherche de réputation mondiale dans le domaine des sciences biomédicales et de la santé. Établi à Montréal, au Canada, l’Institut, qui est affilié à la faculté de médecine de l’Université McGill, est l’organe de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) — dont le mandat consiste à se concentrer sur les soins complexes au sein de sa communauté. L’IR-CUSM compte plus de 460 chercheurs et près de 1 300 étudiants et stagiaires qui se consacrent à divers secteurs de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et de la recherche en santé évaluative aux sites Glen et à l’Hôpital général de Montréal du CUSM. Ses installations de recherche offrent un environnement multidisciplinaire dynamique qui favorise la collaboration entre chercheurs et tire profit des découvertes destinées à améliorer la santé des patients tout au long de leur vie. L’IR-CUSM est soutenu en partie par le Fonds de recherche du Québec — Santé (FRQS). ircusm.ca

 

Contact média

Valérie Harvey
Communications - Recherche
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