Des chercheurs du CUSM discutent des conduites à risque chez les adolescents

Difficile de dire à quel instant l'adolescent s'est rendu compte qu'il avait pris une mauvaise décision... Sauter dans la piscine familiale hors terre à partir d'un trampoline a dû lui sembler parfaitement logique jusqu'au moment où ses pieds ont quitté le sol. Après une fracture par tassement de la colonne vertébrale et trois mois de réadaptation, l'adolescent victime de ce manque de jugement ponctuel mesure maintenant sa chance inouïe. « Il a failli devenir paraplégique », dit Debbie Friedman, chef du Programme de traumatologie des enfants et des adolescents à l'Hôpital de Montréal pour enfants (HME) du Centre universitaire de santé McGill (CUSM).

Voilà un cas classique de conduite à risque chez un adolescent. Nous avons tous fait des idioties analogues, dans nos années d'adolescence souvent. « Les adolescents sont jeunes et inexpérimentés, mais avides d'apprendre et de s'intégrer au monde des adultes », dit le Dr Mark Zoccolillo, psychiatre de la Clinique de médecine des adolescents du CUSM. Ils ont aussi un sentiment d'invulnérabilité et une vive sensibilité à la pression des pairs. « La prise de risque traduit aussi une recherche de sensations fortes, qui peut prendre diverses formes », ajoute-t-il. L'une des formes les plus destructrices est la toxicomanie, domaine d'expertise du Dr Zoccolillo.

L'abus des drogues et l'alcoolisme sont un problème de plus en plus courant chez les adolescents du Canada. « Parmi les pays développés, nous avons le pire taux de consommation de cannabis chez les adolescents », dit le Dr Zoccolillo. Il fait référence à une étude du comportement des enfants d'âge scolaire publiée par l'Organisation mondiale de la santé. Cette étude de 2001 indique que 43 pour cent des garçons canadiens et 38 pour cent des filles canadiennes ont pris du cannabis avant l'âge de 15 ans. C'est seulement une expérience d'adolescent, pensez-vous. Détrompez-vous, environ 30 pour cent des adolescents des deux sexes ont consommé cette drogue à cinq reprises au moins. « Ces résultats sont troublants, dit le Dr Zoccolillo. Le Canada vient en tête de liste, enregistrant des taux dix fois plus élevés que ceux de la Suède et près du double de ceux de la Hollande, où le cannabis est dépénalisé. »

Pour établir quelle drogue est la plus populaire et dans quelles situations on la consomme, le Dr Zoccolillo a mené sa propre étude auprès d'adolescents du Québec. Comme on pouvait s'y attendre, la drogue de prédilection des 1 600 étudiants interrogés est le cannabis. Mais le résultat le plus troublant pour le Dr Zoccolillo concerne les circonstances dans lesquelles les adolescents consomment du cannabis : un taux faramineux de 70 pour cent des usagers affirment l'avoir fait à l'école, et 26 pour cent des garçons ont conduit un véhicule en état d'intoxication. « La majorité des personnes interrogées dans le sondage avaient 15 ans », se rappelle le Dr Zoccolillo. « N'oublions pas que ce groupe n'a même pas encore l'âge du permis de conduire. »

À l'évidence, les drogues et l'alcool affectent la prise de décision et peuvent transformer des conduites à risque en activités mortelles. « Au départ, il y a un élément de risque dans la pratique de sports comme la planche à neige ou la planche à roulettes », dit le Dr Zoccolillo. « Mais les enfants qui les pratiquent en état d'euphorie sont beaucoup plus susceptibles de manquer de jugement et de prendre des risques non nécessaires », confirme Debbie Friedman. « Il n'est pas toujours indiqué ou faisable de faire des analyses de drogues et d'alcool chez les patients ayant subi un traumatisme, mais il est évident que ces substances brouillent la prise de décision et augmentent les risques de blessures. » L'an dernier, l'HME a enregistré plus de 13 000 cas de traumatologie, les traumatismes constituant la première cause de décès et d'invalidité chez les adolescents. « Ceux qui prennent des risques en état d'intoxication ne mettent certainement pas toutes les chances de leur côté », dit Debbie Friedman.

L'étude du Dr Zoccolillo suggère que l'usage du cannabis peut passer d'une consommation passagère à un mode permanent. « Un certain nombre d'adolescents passent la journée en état d'intoxication », dit le Dr Zoccolillo. Ses données révèlent que certains enfants fument leur premier joint de la journée sur le chemin de l'école. « Si nous n'acceptons pas que des professeurs, des médecins ou des agents de police travaillent en état d'intoxication, pourquoi accepterions-nous ce comportement de la part de nos adolescents ? »

Les parents doivent jouer un rôle actif dans la vie de leur enfant et lui enseigner à prendre de bonnes décisions. « Il existe un sentiment d'invincibilité erroné chez les adolescents », dit Debbie Friedman. « La plupart des blessures que nous observons sont évitables, elles arrivent à de bons enfants qui prennent seulement de mauvaises décisions. »

L'HME s'emploie à réduire le nombre de traumatismes évitables par l'information du public sur les risques que présentent certaines activités, allant de l'usage des drogues et de l'alcool jusqu'au trampoline et à la natation en piscine. « Nous demandons aux parents de jouer un rôle plus actif dans la vie de l'adolescent en lui donnant un encadrement et des conseils », dit Debbie Friedman. « Les adolescents ont besoin d'aide pour prendre les bonnes décisions. Soyez un ami mais, ce qui est plus important, soyez un parent. »

Les parents et le personnel qui ont des questions ou des préoccupations au sujet de la consommation et de l'abus de drogues et d'alcool chez les adolescents peuvent appeler le Service de toxicomanie des adolescents de l'Hôpital de Montréal pour enfants au (514) 934-1934, poste 23541.