Rencontrez RIPK3 : bon cop, bad cop, unis pour combattre la grippe
Montréal — Chaque année, la grippe tue un demi-million de personnes dans le monde, et les victimes sont souvent des personnes âgées et de très jeunes enfants. Les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies rapportent que 37 enfants sont décédés aux États-Unis au cours de la présente saison de la grippe. À part se faire vacciner contre la grippe et avoir une bonne hygiène des mains, il n’existe pas d’autres méthodes de prévention. Toutefois, une équipe de chercheurs de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) et de l’Université McGill, dirigée par l’immunologue Maziar Divangahi, a découvert une protéine qui pourrait bien aider à prévenir l’influenza et devenir un acteur clé de la lutte contre les infections pulmonaires.
De gauche à droite: Jeffrey Downey et Erwan Pernet (premiers auteurs de l'étude) et prof. Maziar Divangahi (auteur principal) dans leur laboratoire au site Glen de l'Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill.
Le laboratoire du professeur Divangahi au site Glen de l’IR-CUSM a relevé le défi de comprendre les mécanismes de lutte contre la grippe du système immunitaire dans l’espoir de découvrir de nouvelles immunothérapies pour combattre le virus. Avec la découverte de la protéine RIPK3 qui participe à la régulation de la réponse immunitaire face à la grippe, un moyen de prévenir le virus de l’influenza se profile peut-être à l’horizon. Leurs travaux ont fait l’objet d’une publication dans PLoS Pathogens.
Les chercheurs de l’IR-CUSM s’intéressent depuis longtemps au système immunitaire dans sa relation avec l’influenza. Ils savaient déjà qu’un type de protéines appelées Interférons (IFN) de type I (produites par les macrophages, un type de globules blancs) stimule les cellules pour bloquer la production du virus. Dans le cas de la grippe, les IFN de type I contribuent à limiter la reproduction du virus de la grippe dans nos poumons. Mais il restait à savoir comment les réseaux d’IFN de type I fonctionnent et quels mécanismes entrent en jeu pour favoriser leur efficacité.
Production de IFNbeta (en rouge, son noyeau est en bleu), un type de protèine qui stimule les cellules immunitaires afin de bloquer la réplication et la production du virus de l'influenza.
L’équipe a découvert une fonction intéressante et surprenante de la protéine RIPK3, qui se trouve dans le cytoplasme des cellules, y compris dans les macrophages. La plupart des études passées montraient que la protéine RIPK3 était impliquée dans une forme de mort cellulaire, mais dans le cas des macrophages infectés par la grippe, RIPK3 se comporte différemment.
Il s’avère que dans le cas de la grippe, RIPK3 fonctionne comme un allié utile du processus de production des IFN de type I, contribuant ainsi à bloquer la reproduction du virus de l’influenza. Qui plus est, l’équipe a découvert que les macrophages dépourvus de RIPK3 sont beaucoup plus vulnérables à l’infection par le virus influenza.
« Cela démontre l’importance de RIPK3 dans la préparation d’une réponse immunitaire efficace contre le virus », explique Maziar Divangahi, auteur principal de l’étude et chercheur aux Laboratoires Meakins-Christie et au sein du Programme de recherche translationnelle sur les maladies respiratoires à l’IR-CUSM. Il est également professeur de médecine à l’Université McGill et membre du Centre international de TB de McGill.
« Ce qui est intéressant, c’est qu’en comprenant précisément le mode d’action du RIPK3 pour augmenter le pouvoir des IFN, nous pouvons explorer de nouvelles avenues pour la fabrication de médicaments antigrippaux. »
La recherche a permis de faire une autre découverte intéressante associée à RIPK3. Dans ce cas, il est question de l’immunité à une autre infection pulmonaire, la tuberculose. Les cellules immunitaires qui nous intéressent ici sont, comme dans le cas de la grippe, les macrophages. Avec la tuberculose, les chercheurs ont examiné le même processus biochimique impliqué dans les fonctions de RIPK3, mais étonnamment, le résultat a évolué en sens inverse.
La stimulation de RIPK3 avec la tuberculose a donné lieu à une surabondance de mort cellulaire des macrophages et favorisé la survie et la propagation de la maladie au lieu de la bloquer, comme c’est le cas avec la grippe. Ces deux découvertes confirment le fait que RIPK3 est un acteur clé de l’immunité contre les infections pulmonaires.
« Les infections pulmonaires comme la tuberculose et l’influenza sont d’importants problèmes mondiaux. Les précédentes avenues de recherche n’ont pas toujours donné les résultats les plus prometteurs », précise l’auteur principal de l’article sur l’influenza, Jeff Downey, étudiant en thèse au sein du laboratoire du professeur Divangahi à l’IR-CUSM. « Se pencher sur ces nouvelles avenues et ces nouvelles idées pourrait se révéler très utile pour peut-être trouver de nouveaux traitements contre ces deux infections. »
Au sujet de l’étude
Downey J, Pernet E, Coulombe F, Allard B, Meunier I, Jaworska J, et al. (2017) RIPK3 interacts with MAVS to regulate type I IFN-mediated immunity to Influenza A virus infection. PLoS Pathog 13(4): e1006326. https://doi.org/10.1371/journal.ppat.1006326.
Ces découvertes sur la grippe ont été faites en collaboration avec des chercheurs des facultés de médecine de l’Université McGill et de l’Université Laval. Au nombre des collaborateurs de McGill, notons le Dr James Martin, le Dr Salman Qureshi et le Dr Donald Vinh. Le travail à l’Université Laval était dirigé par le Dr Philippe Joubert. Quant aux travaux sur la tuberculose, ils sont le fruit d’un effort conjoint entre l’Université Harvard et l’Université McGill, et c’est le Dr Heinz Remold qui a dirigé la recherche à Harvard.
Prof. Maziar Divangahi bénéficie d’une subvention des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). Les auteurs principaux de l’étude sur la grippe, Jeffrey Downey et Erwan Pernet, sont financés par la Faculté de médecine de l’Université McGill et le Fonds de recherche du Québec – Santé, respectivement. L’auteur principal de l’étude sur la tuberculose, Nargis Khan, bénéficie d’une bourse du FRSQ.