Un essai clinique inédit destiné à aider des millions de personnes allergiques à la pénicilline

L’étude PALACE, un projet de recherche international, a évalué un moyen plus simple et plus sécuritaire de tester l’allergie à la pénicilline.

Montréal, le 17 juillet 2023 — L’allergie à la pénicilline représente une préoccupation de santé publique, un patient sur dix étant déclaré y être allergique. Ces patients sont plus susceptibles de se faire prescrire des antibiotiques de remplacement, qui sont souvent moins efficaces contre certaines infections. Ceci peut engendrer l’échec d’un traitement, accroitre la résistance antibiotique et le développement de superbactéries. Pourtant, moins de 5  % des patients considérés comme étant allergiques à la pénicilline le sont réellement.

L’étude PALACE a été menée par des chercheurs de six centres spécialisés du Canada, des États-Unis et d’Australie en vue de résoudre cette problématique. Les scientifiques ont évalué une nouvelle approche pour identifier les patients à faible risque d’allergie à la pénicilline et pour déterminer la meilleure façon de les tester et les soigner. Publiés aujourd'hui dans JAMA Internal Medicine, les résultats de l’essai clinique ouvrent la voie à l’adoption d’un simple test oral, dénommé « test de pénicilline oral direct » comme solution de rechange sûre et efficace au traditionnel dépistage cutané, qui nécessite beaucoup de main-d’œuvre et de temps, n’est pas accessible à tous et est douloureux pour les patients.

Dre Ana-Maria Copaescu
Dre Ana-Maria Copaescu

« L’apport principal de l’étude PALACE tient au fait que les patients présentant un faible risque d’allergie à la pénicilline, par exemple une éruption cutanée survenue dans l’enfance, peuvent recevoir sans danger une dose-test de pénicilline pour déterminer s’ils sont toujours allergiques. Ceci risque de changer la façon dont les médecins testeront l’allergie à la pénicilline à l’avenir. Des millions de patients à travers le monde, incluant des millions de Canadiens, pourraient voir leur allergie à la pénicilline réévaluée par une seule dose-test orale sécuritaire, administrée après l’évaluation minutieuse des risques », explique la Dre Ana-Maria Copaescu, première auteure de l’étude et chercheuse associée au sein du Programme en maladies infectieuses et immunité en santé mondiale de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM), qui a agi à titre de scientifique principale pour les sites nord-américains.

« L’étude PALACE constitue le premier essai international randomisé visant à restreindre le fardeau de l’allergie à la pénicilline en examinant si l’administration d’une simple dose-test suivant une évaluation rigoureuse peut être utilisée pour infirmer l’allergie à la pénicilline d’un patient, en lieu des traditionnels tests cutanés ou de grattage », ajoute le professeur Jason Trubiano, auteur principal de l’étude, directeur du service des maladies infectieuses et du Centre for Antibiotic Allergy and Research à Austin Health, en Australie. « Cette nouvelle approche va nous permettre de prescrire l’antibiotique bénéfique qu’est la pénicilline à plus de 90 % des patients qui passeront le test. »

Vers un changement de pratique

L’étude a porté sur 382 adultes qui ont été testés à l’aide d’un outil spécialisé d’évaluation des risques nommé PEN-FAST. Ceux-ci ont reçu au hasard soit un test de pénicilline oral direct, soit le traitement standard, à savoir un test cutané à la pénicilline suivi d’un test oral. L’objectif principal était de vérifier si le test de pénicilline oral direct s’avérait aussi performant que la façon traditionnelle pour retirer une mention d’allergie.

L’étude a établi qu’un seul patient (0,5 %) par groupe a réagi positivement au test oral direct, ce qui confirme que le test de pénicilline oral direct est tout aussi efficace que la méthode standard. Il est important de mentionner qu’aucune différence notable n’a été observée en matière d’effets indésirables entre les deux groupes, et qu’aucun effet indésirable grave n’a été signalé.

Ces résultats impliquent des retombées majeures sur les soins aux patients. Avec la capacité d’identifier et de dépister rapidement, précisément et de façon sécuritaire les patients présentant un faible risque d’allergie à la pénicilline, les professionnels de la santé pourront prescrire les antibiotiques adéquats.

Résoudre un problème aux multiples facettes

Les recherches ont montré que parmi les personnes allergiques à la pénicilline depuis plus de dix ans, 80 % finissent par perdre leur sensibilité au médicament. Pourtant, de nombreux patients d’âge adulte continuent d’être considérés présumés allergiques à la pénicilline depuis l’enfance.

« Une présomption d’allergie à la pénicilline peut provenir de sources multiples, par exemple un évitement dû à des antécédents familiaux ou à des effets non allergiques bénins tels qu’un mal de tête ou d’estomac, à des éruptions cutanées liées aux infections virales chez des enfants ensuite déclarés allergiques, à la peur du médicament, etc. », explique la Dre Copaescu, qui est aussi professeure adjointe à la Faculté de médecine de l’Université McGill. « Et pour plusieurs raisons, ces allergies à la pénicilline supposées sont rarement remises en question. En conséquence, bon nombre de patients reçoivent des antibiotiques de remplacement à large spectre, qui sont associés à une augmentation des coûts de santé et à la résistance aux antibiotiques. Dans certains cas, ceux-ci accroissent aussi les taux d’échecs de traitement, d’erreurs de médication, d’effets secondaires indésirables ou de complications. »

L’étude PALACE marque une avancée majeure dans la résolution du défi mondial que constituent les allergies à la pénicilline, et pourrait rendre plus universellement accessible la révision des déclarations d’allergie au médicament.

« La procédure actuelle de vérification ou de retrait d’une allergie à la pénicilline requiert une expertise et des réactifs d’analyse spécialisés auprès d’un allergologue. Si le test de pénicilline oral direct pouvait être offert aux patients à faible risque par les spécialistes des maladies infectieuses, les médecins internistes ou généralistes, ceci accroitrait nettement le nombre de patients réévalués de façon sécuritaire, et allégerait considérablement le fardeau global de l’allergie à la pénicilline », conclut la Dre Copaescu.

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À propos de l’étude

L’article Efficacy of a clinical decision rule to enable direct oral challenge in a patients with low-risk penicillin allergy – The PALACE Randomized clinical Trial est publié dans JAMA Internal Medicine.

DOI :10.1001/jamainternmed.2023.2986

La Dre Copaescu souhaite remercier la Fondation de l'Hôpital général de Montréal et l'IR-CUSM pour leur soutien.

À propos de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill 

L’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) est un centre de recherche de réputation mondiale dans le domaine des sciences biomédicales et de la santé. Établi à Montréal, au Canada, l’institut, qui est affilié à la faculté de médecine de l’Université McGill, est l’organe de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) — dont le mandat consiste à se concentrer sur les soins complexes au sein de sa communauté. L’IR-CUSM compte plus de 450 chercheurs et environ 1 200 étudiants et stagiaires qui se consacrent à divers secteurs de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et de la recherche en santé évaluative aux sites Glen et à l’Hôpital général de Montréal du CUSM. Ses installations de recherche offrent un environnement multidisciplinaire dynamique qui favorise la collaboration entre chercheurs et tire profit des découvertes destinées à améliorer la santé des patients tout au long de leur vie. L’IR-CUSM est soutenu en partie par le Fonds de recherche du Québec — Santé (FRQS). ircusm.ca

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Fabienne Landry
Coordonnatrice des communications, Recherche, CUSM
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