Comment définit-on la mort? Le Canada dispose désormais de directives cliniques claires

Une définition du décès fondée sur le cerveau devient le principe central des nouvelles lignes directrices canadiennes

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Montréal, le 31 mai 2023 — La pratique clinique qui entoure la détermination de la mort suite à un arrêt circulatoire ou de la fonction neurologique est désormais encadrée par de nouvelles lignes directrices au Canada. Récemment publiées dans un numéro spécial du Journal canadien d’anesthésie avec 28 analyses de données probantes et manuscrits complémentaires, les Lignes directrices de pratique clinique 2023 établissent une définition harmonisée du décès fondée sur le cerveau et fixent les critères cliniques pour le déterminer.

Sam David Shemie

Dirigé par le Dr Sam Shemie à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM), ce travail est le fruit d’un partenariat entre la Société canadienne de soins intensifs, la Société canadienne du sang et l’Association médicale canadienne, et résulte des contributions d’un important groupe multidisciplinaire.

La nouvelle définition décrit le décès comme étant l’arrêt permanent des fonctions cérébrales, caractérisé par l’absence de conscience et de réflexes du tronc cérébral, dont la capacité de respirer de façon autonome. Elle s’applique à toutes les personnes et à toutes les circonstances.

« Les notions appliquées jusqu’ici dans la pratique médicale courante font référence à deux formes de décès distinctes : la mort cérébrale et la mort cardiaque. Les nouvelles lignes directrices présentent une définition unique de la mort, basée sur le cerveau », explique le Dr Shemie, chercheur associé du Programme de recherche en santé cardiovasculaire au long de la vie à l’IR-CUSM, spécialiste en médecine des soins intensifs pédiatriques à l’Hôpital de Montréal pour enfants du CUSM et professeur de pédiatrie à l’Université McGill. « Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’une mort cardiaque équivaut en fait à une mort cérébrale, puisque l’arrêt de la circulation interrompt le flux sanguin cérébral, ce qui entraîne la perte rapide des fonctions cérébrales. »

« Au bout du compte, tout se résume à une simple vérité : le seul organe qu’on ne peut ni maintenir artificiellement ni remplacer, c’est le cerveau. Quand le cerveau cesse complètement de fonctionner, la personne est décédée », ajoute-t-il.

Les lignes directrices proposent également des critères actualisés pour la détermination du décès en cas de traumatisme cérébral dévastateur ou d’arrêt circulatoire, lesquels remplacent les recommandations canadiennes précédentes. Ces critères sont essentiels pour assurer la pratique légale et éthique du don d’organes d’une personne décédée.

Plus de clarté pour les professionnels, et pour les familles

Favorisant plus de cohérence en matière de pratique, les nouvelles lignes directrices réduisent le risque d’erreur diagnostique, renforcent la confiance et l’intégrité au sein du système de santé et répondent aux enjeux juridiques et éthiques. Elles indiquent par ailleurs comment communiquer de façon compatissante avec les familles lorsque survient la perte tragique d’un être cher.

« Bien informer et conseiller les familles dont un membre se trouve aux soins intensifs et à haut risque de décès est primordial. Les familles doivent être conscientes de ce risque et savoir que nous faisons tout notre possible pour renverser la situation », précise le Dr Shemie, qui est également conseiller médical pour les dons d’organes de personnes décédées à la Société canadienne du sang. « Il nous incombe de leur expliquer le fonctionnement fondamental du corps, et aussi les mécanismes de la mort, dans un langage clair et cohérent. Nous devons de plus tenir compte du temps dont elles ont besoin pour assimiler leurs émotions et accomplir les rituels qui accompagnent le passage de la vie à la mort. »

Comme le spécifient les lignes directrices, les proches d’une personne placée sous ventilation mécanique peuvent éprouver de la confusion entre ce qu’ils sont en mesure de voir et sentir (la poitrine qui se soulève, la chaleur corporelle qui se maintient), et ce qui est en train d’avoir lieu.

« Dans de tels cas, assister à l’examen de mort cérébrale peut être aidant et rassurant pour la famille. Celle-ci peut constater l’absence de conscience, de réponse motrice et de fonction du tronc cérébral, ainsi que l’incapacité de la personne à respirer sans apport mécanique », ajoute le Dr Shemie.

Établir un consensus

Le Dr Shemie a été l’un des codirigeants du Projet mondial sur la mort cérébrale (World Brain Death Project) qui a mené à la publication de Determination of Brain Death/Death by Neurologic Criteria dans la revue médicale JAMA en 2020. Avec pour objectif de normaliser la mort cérébrale à l’échelle mondiale, et bénéficiant de l’appui de nombreuses fédérations mondiales de soins intensifs et d’associations de pédiatrie, de neurochirurgie, de neurologie et de soins intensifs régionales, ce projet a jeté les bases du travail à effectuer au Canada.

« Jusqu’à présent, les définitions de la mort ont varié d’une province à l’autre au pays. L’adoption d’une seule définition harmonisée va contribuer à améliorer les pratiques de détermination de la mort et à renforcer la confiance et l’intégrité au sein du système de don et de transplantation après décès, surtout là où il n’existe aucune définition légale de la mort et où la justice fonde ses jugements sur les pratiques médicales courantes », explique le Dr Shemie.

Ce travail a été réalisé par un groupe multidisciplinaire de 60 personnes, composé d’infirmières et de médecins en soins intensifs (adultes et pédiatriques), de radiologues, de neurologues, de neuro-intensivistes, d’anesthésistes, d’éthiciens, de juristes, de familles de patients, de partenaires publics et de méthodologistes de partout au Canada.

Les Lignes directrices de pratique clinique 2023 sont approuvées par l’Association médicale canadienne, la Société canadienne de soins intensifs, la Société canadienne du sang, la Fédération des sciences neurologiques du Canada (représentant la Société canadienne de neurologie, la Société canadienne de neurochirurgie, la Société canadienne des neurophysiologistes, l’Association canadienne de neurologie infantile, la Société canadienne de neuroradiologie et le Consortium neurovasculaire canadien), l’Association canadienne des médecins d’urgence, la Société canadienne des anesthésiologistes, l’Association canadienne des infirmières et infirmiers en soins intensifs, l’Association des infirmières et infirmiers praticiens du Canada, la Collaboration en matière de don et de transplantation d’organes de Santé Canada, le Programme de recherche en don et transplantation du Canada et la Société canadienne pour les soins intensifs cardiovasculaires.

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À propos de ce travail

Shemie, S.D., Wilson, L.C., Hornby, L. et al. A brain-based definition of death and criteria for its determination after arrest of circulation or neurologic function in Canada: a 2023 clinical practice guideline. Can J Anesth/J Can Anesth (2023).

DOI : https://doi.org/10.1007/s12630-023-02431-4

Une liste de tous les résultats et publications du projet est disponible ici.

Ce projet a été rendu possible grâce à une contribution financière de Santé Canada.

À propos de l’IR-CUSM

L’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) est un centre de recherche de réputation mondiale dans le domaine des sciences biomédicales et de la santé. Établi à Montréal, au Canada, l’institut, qui est affilié à la faculté de médecine de l’Université McGill, est l’organe de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) – dont le mandat consiste à se concentrer sur les soins complexes au sein de sa communauté. L’IR-CUSM compte plus de 450 chercheurs et environ 1 200 étudiants et stagiaires qui se consacrent à divers secteurs de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et de la recherche en santé évaluative aux sites Glen et à l’Hôpital général de Montréal du CUSM. Ses installations de recherche offrent un environnement multidisciplinaire dynamique qui favorise la collaboration entre chercheurs et tire profit des découvertes destinées à améliorer la santé des patients tout au long de leur vie. L’IR-CUSM est soutenu en partie par le Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS). ircusm.ca

Ressource pour les médias

Fabienne Landry
Coordonnatrice des communications, Recherche
Centre universitaire de santé McGill
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