Diagnostiquée et enceinte: une lutte contre la drépanocytose
Ayant quitté Haïti pour s’installer au Québec, Marie* avait hâte d’écrire un nouveau chapitre de sa vie. Toutefois, moins d’un an après son arrivée, elle a dû être opérée sur-le-champ après qu’on eut diagnostiqué la présence d’une tumeur dans son corps. Des examens de dépistage préliminaire ont révélé qu’elle avait une autre affection grave : l’anémie falciforme (aussi appelée drépanocytose).
« J’ai reçu deux mauvaises nouvelles en même temps, se rappelle-t-elle. J’étais atterrée. »
L’anémie falciforme est une forme d’anémie drépanocytaire; cette maladie du sang affecte les globules rouges. Au lieu d’être ronds et réguliers, les globules rouges peuvent prendre la forme d’un croissant. Ces cellules falciformes restent coincées dans de petits vaisseaux sanguins, ce qui entraîne des épisodes douloureux, voire des lésions aux organes. Ces cellules peuvent également se décomposer, ce qui constitue un risque d’anémie. Comme les globules rouges transportent l’oxygène dans l’ensemble de l’organisme, l’anémie peut entraîner de la fatigue et d’autres complications plus graves.
Marie a retrouvé un peu le moral lorsqu’on lui a retiré sa tumeur avec succès; toutefois, ses craintes quant à l’anémie falciforme se sont intensifiées. Elle a appris que cette maladie était héréditaire, pouvant être transmise à ses enfants – et en 2016, Marie est tombée enceinte.
Prévoir l’imprévisible
La Dre Véronique Naessens, hématologue à l’Hôpital Royal Victoria qui suivait Marie depuis le diagnostic d’anémie falciforme, savait qu’il y avait un risque que le bébé naisse avec cette maladie.
« Si les deux parents sont porteurs du gène, le risque d’avoir la maladie est plus grand pour le bébé, explique-t-elle. J’ai insisté pour que le père de l’enfant subisse des examens de dépistage sans tarder. »
Malheureusement, le père de l’enfant a refusé de subir ces examens.
Marie a fait de son mieux en tant que future maman; elle poursuivait ses études pendant la semaine et travaillait un week-end sur deux. Toutefois, l’anémie falciforme a rendu la grossesse de Marie très difficile. Elle perdait du poids, était toujours fatiguée, et son taux d’hémoglobine était faible, se situant entre 80 et 90, ce qui est peu, comparativement à la valeur repère de 120. Les souffrances de Marie ont atteint un sommet un certain après-midi, alors qu’elle était enceinte de huit mois.
« J’étais seule à la maison lorsque j’ai ressenti une douleur foudroyante au dos. Je croyais que le bébé changeait de position; j’ai donc essayé de bouger davantage. Rien n’y faisait; je me suis rendue à l’hôpital. »
Les médecins ont conclu que Marie traversait une crise de douleur, en raison d’une diminution importante du taux d’hémoglobine, qui avait chuté à 74.
« Ma gynécologue voulait que je reçoive une transfusion de sang, mais la Dre Naessens s’inquiétait pour ma santé et pour celle de mon bébé. »
En effet, l’anémie drépanocytaire accroît le risque de production d’anticorps. La Dre Naessens savait que cette maladie pouvait s’avérer dangereuse dans une situation d’urgence.
« Si Marie avait eu besoin de sang plus tard au cours de sa grossesse ou pendant l’accouchement, il aurait pu être difficile de trouver du sang qui lui aurait convenu parfaitement, en raison de la formation d’anticorps, explique la Dre Naessens. Dans de rares cas, la formation d’anticorps aggrave également l’anémie. Je devais penser à l’avenir. »
Heureusement, la Dre Naessens a pu soulager la douleur de Marie sans recourir à la transfusion de sang, et le taux d’hémoglobine de sa patiente a remonté. Marie est cependant retournée à l’hôpital un mois plus tard, mais cette fois, directement au centre des naissances.
Un nouveau départ
En septembre 2016, Marie a accouché d’un beau petit garçon, appelé Francis*. Elle a ressenti un sentiment d’invincibilité lorsqu’elle a pris son fils dans ses bras pour la première fois. Les nombreuses épreuves qu’elle avait subies pendant sa grossesse n’avaient pas été vaines.
« Oh! C’était extraordinaire!, s’exclame-t-elle dans un rire contagieux. C’était un moment fantastique… le moment le plus magique. »
Une question taraudait encore Marie : le bébé était-il malade?
« Les médecins sont venus me dire que mon bébé était en santé, rappelle-t-elle tendrement. C’était un soulagement extraordinaire! »
À titre de mesure préventive, un hématologue a suivi Francis pendant la première année de son existence. Au cours de la même période, Marie a fait la connaissance d’un homme extraordinaire. Ils se sont mariés en 2017 et observent ensemble avec joie la croissance de Francis .
« J’envisage réellement la possibilité de donner un petit frère ou une petite sœur à mon fils! » ajoute Marie en ricanant.
Tout en caressant des rêves d’avenir, Marie tient à remercier le personnel du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), qui a toujours été là pour elle, plus particulièrement la Dre Naessens et l’infirmière gestionnaire de cas, Catherine Sabourin.
« La Dre Naessens et Catherine Sabourin s’occupent de moi depuis le début; elles veillent à ce que j’aie toujours un rendez-vous, même lorsque la gestion des horaires s’avère difficile. Elles m’ont accompagnée d’une manière très spéciale pendant ma grossesse.»
Marie affirme bien aller aujourd’hui, malgré l’anémie falciforme. Ses médicaments l’aident à contrôler les symptômes, lui permettent de s’acquitter de ses responsabilités et d’observer avec joie les étapes du développement de son fils.
« Mon fils est en santé; il déborde d’énergie et commence même à parler. Il célébrera son troisième anniversaire à la fin de septembre », conclut‑elle.
Quelle façon merveilleuse de couronner le mois de la sensibilisation à l’anémie falciforme! Francis, le CUSM te souhaite un très joyeux anniversaire!
*Les noms a été modifiés afin de préserver l’anonymat de la patiente.