Faire d’une pierre deux coups : Éliminer la tuberculose en économisant sur les coûts

Une étude menée par une équipe de l’IR-CUSM suggère qu’étendre l’usage des traitements préventifs contre la tuberculose serait rentable du point de vue économique, particulièrement dans les pays à faible revenu où il y a également de nombreuses personnes vivant avec le VIH.

Il est estimé qu’une personne sur quatre dans le monde est infectée à la tuberculose dans sa forme active ou latente. Dans sa lutte pour éradiquer la maladie, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a établi une stratégie qui mise sur les traitements préventifs contre la tuberculose, en ciblant notamment les groupes vulnérables comme les personnes infectées par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et les contacts rapprochés des personnes ayant contracté la tuberculose. Or, cette stratégie, qui requiert certains investissements, n’est pas encore déployée à son plein potentiel.

Dans cette perspective, l’équipe du Dr Kevin Schwartzman, directeur de la Division de médecine respiratoire au Centre universitaire de santé McGill (CUSM) et scientifique senior dans le Programme de recherche translationnelle sur les maladies respiratoires de l’Institut de Recherche du CUSM (IR-CUSM), a effectué une évaluation économique des traitements préventifs en fonction de leur efficacité lorsqu'ils sont proposés à certaines populations à risque. Les résultats de leur étude, publiée récemment dans PLOS Medicine, indiquent qu’en plus de diminuer l’occurrence de la maladie et de sauver des vies, cette stratégie entraînerait une réduction des coûts associés à la tuberculose.

Dr Kevin Schwartzman
Dr Kevin Schwartzman, directeur de la Division de médecine respiratoire au Centre universitaire de santé McGill (CUSM) et scientifique senior dans le Programme de recherche translationnelle sur les maladies respiratoires de l’Institut de Recherche du CUSM (IR-CUSM)

« Jusqu'à récemment, dans de nombreux pays, l’usage des traitements préventifs au sein des groupes à risque était considéré comme trop coûteux et trop compliqué à entreprendre, explique le Dr Schwartzman, également professeur au département de médecine de l’Université McGill. Or, nous savons que pour mettre fin à l'épidémie de tuberculose, nous ne devons pas seulement traiter les personnes atteintes de la maladie, mais aussi offrir un traitement préventif aux personnes atteintes d'une infection dormante, pour éviter qu’elles ne tombent malades et continuent à propager la bactérie. »

Une approche économique

L’équipe de recherche a calculé les coûts nets et le rapport coût-efficacité de divers régimes médicamenteux préventifs existants et potentiels, dits « minimaux » ou « optimaux », selon l’évaluation faite par un groupe d'experts mandaté par l'OMS. Le régime « minimal » réflète les meilleurs régimes préventifs utilisés principalement dans les pays à revenu élevé, en ce qui concerne la durée et l'efficacité, tandis que le régime « optimal » reflète les caractéristiques souhaitées des nouveaux régimes préventifs en cours de développement et d'essai. L’équipe a estimé combien il en coûterait pour offrir ces régimes aux personnes vivant avec le VIH et aux personnes vivant sous le même toit que les personnes atteintes de tuberculose, dans divers contextes épidémiologiques, et quels bénéfices en découleraient. Pour ce faire, l’équipe de recherche a effectué des simulations de transmission de la tuberculose pour projeter les niveaux de morbidité et de mortalité, ainsi que les coûts liés à la maladie de 2020 à 2035. Ces projections ont été menées pour le Brésil et l’Afrique du Sud, des milieux présentant des niveaux différents de transmission de la tuberculose, de co-infection VIH-tuberculose et de tuberculose résistante à la rifampicine, une forme de tuberculose résistante aux antibiotiques qui est particulièrement difficile à traiter.

Au Brésil, où le taux de transmission de la tuberculose est relativement faible, tout comme le nombre de personnes vivants avec le VIH, l’élargissement des traitements préventifs optimaux aux groupes cibles diminuerait de 9 % le nombre d’années de pleine santé perdues à cause d'une mortalité prématurée, d'un handicap ou d'un problème de santé relié la tuberculose.

En Afrique du Sud, où la tuberculose a un taux de transmission élevé et le VIH, une plus forte prévalence, le recours à des traitements préventifs optimaux pour les populations visées permettrait de réduire de 38 % le nombre d’années de pleine santé perdues.

De plus, dans les deux pays, il serait rentable d’offrir un régime de traitement préventif aux groupes ciblés - qu’il soit minimal ou optimal; toutefois, un régime optimal générerait des économies de coûts.

«Même avec un coût initial plus élevé, un régime optimal – dont la durée est plus courte et l’efficacité, meilleure - permettrait de réaliser des économies supplémentaires et des gains de santé dans divers contextes épidémiologiques, explique le Dr Schwartzman. C’est pourquoi nous devons investir dans la recherche et le développement de nouveaux régimes de traitements contre la tuberculose ».

Cette étude a été menée en collaboration avec des chercheurs de l’Université McGill, de l’Imperial College London au Royaume-Uni, de l’Institut de recherche pour le développement de Montpellier en France, de l’Université fédérale de Rio de Janeiro au Brésil et du programme mondial de lutte contre la tuberculose de l'OMS.