Inclure les femmes enceintes dans les essais cliniques, en toute sécurité: une nécessité

Le 28 mai est la Journée internationale d'action pour la santé des femmes. Nous mettons en avant PregTrial, une initiative nationale qui lutte contre l'exclusion de longue date des femmes enceintes et allaitantes des essais cliniques.

Les femmes enceintes et allaitantes ont longtemps été exclues des essais cliniques, soi-disant pour protéger leur santé et celle de leurs enfants. Cependant, les conséquences négatives de cette exclusion sont importantes, et de plus en plus de médecins espèrent voir un changement.

Chaque jour, la Dre Natalie Dayan, interniste en obstétrique au CUSM et scientifique à l’Institut de recherche du CUSM, traite des patientes enceintes ou allaitantes atteintes de maladies cardiovasculaires, de problèmes de santé mentale ou de maladies auto-immunes comme le lupus et l’arthrite. Consciente des défis qu’elles rencontrent, elle dirige PregTrial, un projet national visant à favoriser leur inclusion sécuritaire dans les essais cliniques au Canada.

« Certaines affections touchent de nombreuses femmes en âge de procréer. Nous avons besoin d’essais cliniques rigoureux pour savoir comment traiter les patientes enceintes ou allaitantes, autrement elles seront traitées inadéquatement pendant toute leur période reproductive », explique la Dre Dayan.

Faute de données pour éclairer leurs décisions, les femmes enceintes et leurs soignants doivent souvent choisir entre prendre un médicament sans données claires sur son innocuité ou son efficacité pendant la grossesse, ou ne traiter que partiellement, voire ne pas traiter leur condition.

Natalie Dayan

« Aucune de ces options n’est idéale pour la santé de la mère et du bébé. Nous savons que certaines maladies chroniques non traitées peuvent parfois causer plus de tort pendant la grossesse ou l’allaitement que le médicament utilisé pour les soigner. Cette approche, visant à intégrer le risque associé à la maladie non traitée dans l’analyse bénéfice-risque des prescriptions pendant la grossesse et l’allaitement, est encore trop peu considérée », ajoute la Dre Dayan.

Les femmes enceintes, plus vulnérables aux infections comme le Zika, le VRS, la grippe et la COVID-19, devraient également être incluses dans les essais sur les maladies infectieuses émergentes.

Cependant, la Dre Dayan souligne que tous les médicaments ne devraient pas faire l’objet d’essais pendant la grossesse; on devrait considérer ceux qui concernent principalement les femmes en âge de procréer et qui n’ont pas montré de potentiel tératogène (nuisible au bébé) dans les études précliniques.

L’histoire de la thalidomide et son rôle dans le statu quo actuel

La thalidomide, un anti-nauséeux et immunomodulateur, était largement utilisée dans les années 1950-1960 contre les nausées de grossesse, avant d’être liée à de graves malformations des membres chez les nouveau-nés. Ce drame a instauré une crainte quant à l’usage des médicaments pendant la grossesse dans la communauté médicale et la population, qui persiste encore aujourd’hui.

« La thalidomide n’a pas été testée selon les normes actuelles. Le paradoxe, c’est que si elle l’avait été, cette tragédie aurait pu être évitée. Heureusement, la communauté médicale et scientifique en a tiré des leçons. Les études précliniques évaluent désormais les risques graves et la tératogénicité, et les essais cliniques ainsi que la réglementation des nouvelles molécules suivent des cadres éthiques et scientifiques stricts », explique la Dre Dayan.

La Food and Drug Administration des États-Unis a récemment approuvé une série de recommandations judicieuses pour la conduite d'essais incluant des femmes enceintes. Pour faire avancer les choses au Canada, la Dre Dayan travaille étroitement avec Santé Canada et diverses équipes pour soutenir l'élaboration de cadres réglementaires et de lignes directrices sûrs et harmonisés.
Bien qu'il soit compréhensible que les femmes enceintes ou allaitantes hésitent à participer à un essai clinique, la Dre Dayan rappelle que le moyen le plus sûr d'essayer un médicament est de le faire dans l'environnement contrôlé d'un essai clinique, avec un suivi étroit et une surveillance des effets secondaires.

« Les femmes ont tendance à penser à la santé de leur bébé avant la leur et sont parfois réticentes à prendre des médicaments importants pour elles-mêmes. Je leur dis qu'une mère en bonne santé est ce dont leur bébé a besoin en premier lieu ».