Votre enfant est-il réellement allergique aux antibiotiques ?
Les antibiotiques – principalement la pénicilline et la céphalosporine – sont souvent utilisés pour traiter les infections chez les enfants, notamment les otites et les pneumonies. Jusqu'à 10 % des enfants présentent des éruptions cutanées lorsqu'ils prennent ces antibiotiques et sont souvent étiquetés comme allergiques sans stratégie de diagnostic appropriée.
Il en résulte l'utilisation d'antibiotiques alternatifs à spectre plus large qui peuvent être associés à des effets indésirables, au développement de bactéries résistantes et à des coûts plus élevés. En réalité, la majorité de ces enfants ne sont pas vraiment allergiques, révèle une nouvelle étude publiée dans The Journal of Allergy and Clinical Immunology: In Practice (JACI: IP).
Des chercheurs de l’Hôpital de Montréal pour enfants (HME) et de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) ont mené une étude évaluant l'utilisation de tests graduels par voie orale directe pour diagnostiquer une véritable allergie à la céphalosporine. Les patients ont d'abord reçu 10 % de la dose de traitement, puis 90 % après 20 minutes, et les réactions ont été surveillées une semaine après la provocation. L’étude a été sélectionnée comme un article « amenant des changements aux pratiques » par les rédacteurs en chef du JACI: IP pour l’American Academy of Allergy, Asthma & Immunology.
L’étude a été menée auprès de 136 patients pédiatriques de 0 à 18 ans ayant présenté une réaction non sévère et limitée à la peau (urticaire/éruption cutanée) lorsque traités avec la céphalosporine dans les dix dernières années. La majorité (plus de 90 %) a bien toléré un test oral direct. Les réactions survenues au cours du test ont toutes été légères et également limitées à la peau.
Poser le bon diagnostic
Il s’agit de la première étude où l’on effectue des tests oraux directs chez tous les enfants se présentant avec une allergie suspectée à la céphalosporine.
Au final, seuls 9,6 % d’entre eux étaient réellement allergiques à cet antibiotique. Quelque 5,1 % ont eu une réaction immédiate (en moins d’une heure) et 4,4 % une réaction plus tardive (entre une et huit heures).
« Nous venons ainsi démontrer que les tests graduels par voie orale directe sont sécuritaires et efficaces dans le diagnostic des cas pédiatriques qui rapportent des symptômes non sévères, limités à la peau et sans cloques après avoir été traités avec la céphalosporine », indique le Dr Moshe Ben-Shoshan, auteur principal de l’étude, spécialiste en allergie et immunologie pédiatrique à l’HME et scientifique au Programme en maladies infectieuses et immunité en santé mondiale à l’IR-CUSM.
Plus de la moitié des familles dont l’enfant avait obtenu un résultat négatif au test oral ont accepté d’être contactées de nouveau dans les cinq années suivantes (63 enfants sur 123). Parmi eux, 50,8 % ont repris des antibiotiques et seuls trois enfants ont rapporté de légers effets indésirables. Deux d’entre eux avaient reçu de l’amoxicilline (de la famille de la pénicilline) et un, de la céphalosporine.
Les enfants avec des allergies alimentaires et ceux présentant un plus grand laps de temps entre la réaction initiale et le test oral se sont montrés plus susceptibles de réagir au test oral, peut-on lire dans l’étude.
Des gains en efficacité et des économies
Les médicaments alternatifs donnés aux patients présentant une allergie suspectée à l’amoxicilline et la céphalosporine, tels que les macrolides, les quinolones et la vancomycine, sont plus coûteux et sont associés à des effets indésirables, au développement de bactéries résistantes aux antibiotiques et à une hospitalisation prolongée.
L'étude établit que la réalisation d'un test oral graduel et direct, sans tests cutanés préalables, est sûre et appropriée dans les cas de réactions cutanées non sévères. Par conséquent, elle favorisera une utilisation optimale et rentable des antibiotiques chez les enfants souffrant d'infections bactériennes.