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Utilisation inappropriée et excessive d'antibiotiques dans la lutte contre la tuberculose en Inde

Résultat de l’utilisation excessive ou inappropriée des antibiotiques, les superbactéries résistantes aux antimicrobiens représentent une redoutable menace pour la santé à l’échelle mondiale. La menace est particulièrement lourde en Inde, pays où il se consomme le plus d’antibiotiques dans le monde et où les conséquences de la tuberculose (TB) sont les plus importantes.

Dr. Madhukar Pai

Dr. Madhukar Pai

Dans une étude publiée dans The Lancet Infectious Diseases, des chercheurs de la Faculté de médecine de l’Université McGill, de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill, du Groupe de recherche sur le développement de la Banque mondiale et d’autres partenaires ont eu recours à des patients standardisés (aussi appelés patients simulés ou patients mystères) pour analyser comment les pharmacies dans trois villes indiennes traitaient les patients présentant des symptômes ou un diagnostic de TB, afin de déterminer si ces établissements contribuaient à l’utilisation inappropriée d’antibiotiques.

« En Inde, beaucoup étaient d’avis que les pharmaciens favorisaient l’apparition de la TB pharmacorésistante en délivrant des antituberculeux sans ordonnance », explique le Dr Madhukar Pai, coresponsable du programme de maladies infectieuses et d'immunité en santé mondiale à IR-CUSM  et coauteur principal de l’article. « Notre étude démontre qu’aucune pharmacie ne délivrait de médicaments antituberculeux (isoniazide, rifampicine, éthambutol, pyrazinamide et streptomycine) sans ordonnance. En revanche, les pharmaciens délivraient d’autres antibiotiques et orientaient rarement vers un médecin les patients présentant des symptômes typiques de la TB. Cela signifie qu’ils contribuent à retarder le diagnostic de la maladie et donc à accroître sa transmission dans la collectivité. Les initiatives ayant recours aux pharmaciens pour repérer les personnes devant subir un dépistage de la TB en Inde présentent donc un fort potentiel. »

Les chercheurs ont démontré que les pharmacies délivraient souvent des antibiotiques aux patients simulés présentant des symptômes typiques de TB. Cependant, aucune des pharmacies ne leur a délivré d’office des antituberculeux de première intention. L’utilisation de tous les types d’antibiotiques et de stéroïdes (qui peuvent s’avérer nocifs pour les personnes tuberculeuses) ainsi que le nombre de médicaments délivrés diminuaient fortement lorsque le personnel de la pharmacie décidait d’orienter le patient vers un médecin, ce qui se produisait beaucoup plus souvent lorsque le patient se présentait avec des résultats de laboratoire confirmant le diagnostic et le rendant apparent aux yeux du pharmacien.

Recours novateur aux patients standardisés

Les chercheurs ont élaboré deux cas de patients standardisés, l’un se présentant à la pharmacie après deux à trois semaines de symptômes pulmonaires de TB, et l’autre, avec des résultats microbiologiques confirmant un diagnostic de TB. Les patients spécialement formés ont ensuite visité 622 pharmacies dans trois villes indiennes (Delhi, Mumbai et Patna) et eu 1 200 interactions avec des pharmaciens. Après chaque interaction, les patients compilaient ce qu’on leur avait dit et les médicaments délivrés par le pharmacien. Seulement 13 % des patients simulés présentant des symptômes de TB étaient correctement pris en charge, comparativement à 62 % de ceux qui présentaient un diagnostic confirmé. « Une minorité seulement des pharmacies urbaines ont réagi correctement dans les cas présumés de tuberculose, mais la plupart ont bien pris en charge les cas confirmés », explique Srinath Satyanarayana, premier auteur de l’étude et doctorant en épidémiologie à l’Université McGill.

« Ces résultats pourraient orienter les interventions visant à faire participer les pharmacies à la lutte antituberculeuse et à l’amélioration de la gestion des antimicrobiens », indique Jishnu Das, économiste principal à la Banque mondiale et coauteur principal de l’étude.

« Cette étude novatrice, que Grands Défis Canada est fier d’appuyer, démontre qu’il est essentiel de collaborer avec les pharmaciens pour réduire l’utilisation abusive d’antibiotiques et pour lutter contre la TB. La résistance aux antimicrobiens et la tuberculose sont deux dangers mondiaux qui requièrent une action concertée », affirme le Dr Peter Singer, président-directeur général de Grands Défis Canada, l’un des bailleurs de fonds de l’étude.

Cette étude a reçu le soutien financier de Grands Défis Canada, un organisme financé par le gouvernement canadien, de la Fondation Bill & Melinda Gates et du Programme sur le savoir au service du changement de la Banque mondiale.

Collaborateurs de l’étude

Centre international de TB McGill, Banque mondiale, Harvard Medical School, Access Health International, Johns Hopkins University, et Institute for Socio-Economic Research on Development and Democracy, Inde.

A propos de l’étude

Satyanarayana S et al. Use of standardised patients to assess antibiotic dispensing for tuberculosis by pharmacies in urban India: a cross-sectional study. Lancet Infectious Diseases 2016. Publié en ligne le 24 août 2016.

A propos de l’IR-CUSM

L’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) est un centre de recherche de réputation mondiale dans le domaine des sciences biomédicales et de la santé. Établi à Montréal, au Canada, l’Institut, qui est affilié à la faculté de médecine de l’Université McGill, est l’organe de  recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) – dont le mandat consiste à se concentrer sur les soins complexes au sein de sa communauté. L’IR-CUSM compte plus de 460 chercheurs et près de 1 300 étudiants et stagiaires qui se consacrent à divers secteurs de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et de la recherche en santé évaluative aux sites  Glen et à l’Hôpital général de Montréal du CUSM. Ses installations de recherche offrent un environnement multidisciplinaire dynamique qui favorise la collaboration entre chercheurs et tire profit des découvertes destinées à améliorer la santé des patients tout au long de leur vie. L’IR-CUSM est soutenu en partie par le Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS). ircusm.ca

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