La COVID-19 dans les prisons : comprendre la propagation de la maladie
Depuis le début de la pandémie, les taux de COVID-19 dans les établissements correctionnels canadiens sont plusieurs fois plus élevés que dans la population générale. Cependant, l'ampleur exacte de l'épidémie derrière les murs des prisons demeure inconnue.
Afin de mieux comprendre la véritable propagation du virus dans le milieu carcéral, la Dre Nadine Kronfli, scientifique au sein du programme Maladies infectieuses et immunité en santé mondiale de l'Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM), mène une étude visant à déterminer combien de personnes incarcérées et d’employés de prisons provinciales au Québec sont porteurs d'anticorps contre le SRAS-CoV-2, ce qui suggère qu’ils ont été exposés au virus. Son étude est l'une des quatre études de séroprévalence dans les établissements correctionnels canadiens financées par le gouvernement du Canada, par l'intermédiaire Groupe de travail sur l’immunité face à la COVID-19 (GTIC).
L'étude de la Dre Kronfli détectera les anticorps contre le SRAS- CoV-2 à l’aide de tests sanguins - une méthode permettant de confirmer que des personnes ayant eu beaucoup, peu ou pas de symptômes de COVID-19 ont été exposées au virus. Elle identifiera également les facteurs de risque associés au SRAS-CoV-2 chez les personnes vivant et travaillant dans les prisons du Québec.
« Les prisons provinciales sont des lieux de rassemblement où sont temporairement hébergées des personnes vulnérables, dont beaucoup présentent des facteurs de risque de morbidité et de mortalité liés à la COVID-19, explique la Dre Kronfli, qui est aussi professeure adjointe au Département de médecine de l’Université McGill. De plus, la majorité des personnes incarcérées dans les prisons provinciales sont condamnées à moins de 30 jours. Lorsqu'elles sont libérées, beaucoup sont confrontées à des difficultés socio-économiques liées au logement et à l'emploi, ce qui aggrave encore leur risque de contracter la COVID-19 ».
Tous les travailleurs correctionnels et les hommes incarcérés à l'Établissement de détention de Montréal (EDM), l'Établissement de détention de Rivière-des-Prairies (EDRDP) et l'Établissement de détention de St-Jérôme (EDSJ) sont admissibles à participer à l'étude.
« Les mouvements quotidiens du personnel à l'intérieur et à l'extérieur des établissements correctionnels peuvent introduire l'infection au SRAS CoV-2 à l'intérieur et contribuer à la transmission à l'extérieur, ajoute la Dre Kronfli. Il est important pour nous de nous concentrer sur ces deux populations afin d'éclairer les recommandations en matière de politique de santé publique. »
La participation est entièrement volontaire et le résultat du test sérologique est communiqué à chaque participant en toute confidentialité. Un total de 1200 participants seront recrutés parmi les trois sites, qui accueillent environ 45 % de tous les adultes détenus dans les établissements du Québec.
Les autres études en milieu carcéral financées par le GTIC se concentreront sur certains établissements fédéraux et des prisons provinciales en Colombie-Britannique et en Saskatchewan. Ces études permettront à la fois de déterminer comment le SRAS-CoV-2 se propage dans les établissements correctionnels et de fournir des données utiles à la planification du déploiement du vaccin dans ces milieux.
« Bien que le Comité consultatif national de l'immunisation ait priorisé les personnes vivant ou travaillant en milieu carcéral pour la vaccination contre la COVID-19, peu ont été vaccinées à ce jour. Les réalités des personnes incarcérées et de celles qui travaillent derrière les murs des prisons pendant la pandémie devraient faire l'objet de discussions aux niveaux provincial et national. Il s’agit de populations prioritaires pour la vaccination COVID-19", souligne la Dre Kronfli.
En tant que spécialiste des maladies infectieuses, la Dre Kronfli a travaillé avec diverses populations vulnérables dont la voix est souvent ignorée, notamment les usagers de drogues par voie intraveineuse et les demandeurs d'asile. Au cours des prochains mois, elle poursuivra son travail avec des personnes incarcérées dans le cadre d'une étude visant à augmenter l'utilisation du vaccin COVID-19 dans les populations canadiennes incarcérées, financée par l'Initiative interdisciplinaire de McGill en matière d'infection et d'immunité (MI4).