Atteinte d'une maladie mystérieuse, elle est sauvée par des médecins du CUSM
Avez-vous déjà entendu parler du syndrome de Muckle-Wells (SMW)? Non? Ce n’est pas étonnant! Ce trouble génétique auto-inflammatoire est tellement rare que la plupart des médecins ne le connaissent pas. Seulement une trentaine de personnes en sont officiellement atteintes au Canada, parmi lesquelles Malinda Zervakos, 42 ans, et Liam, son fils de six ans. Depuis trois ans, ils sont suivis à l’Hôpital général de Montréal (HGM), à l’Hôpital Royal Victoria (HRV) et à l’Hôpital de Montréal pour enfants (HME) du Centre universitaire de santé McGill (CUSM). Pour parvenir à un diagnostic, une équipe de spécialistes astucieux du CUSM a fait un véritable travail de détective. Ensemble, ils ont assemblé et analysé les symptômes de Malinda, ont percé le mystère de sa maladie et lui ont finalement sauvé la vie.
En septembre 2011, lorsque Mme Zervakos a été hospitalisée à l’HRV, elle pesait seulement 89 livres et était littéralement en train de mourir de malnutrition.
« J’ai commencé à éprouver des problèmes digestifs et à perdre du poids en 2009, après la naissance de mon fils. J’avais tellement de diarrhée que si je devais quitter la maison, j’évitais de manger ou de boire, raconte Mme Zervakos. J’ai passé une année complète à subir toutes sortes de tests pour évaluer divers troubles inflammatoires, sans jamais obtenir de diagnostic. »
Mme Zervakos avait commencé à avoir des problèmes de santé bien avant. Pendant son enfance et son adolescence, elle souffrait de graves migraines, de douleurs articulaires, d’enflure, d’extrême fatigue, de fièvres récurrentes et de troubles oculaire et auditif. Elle était également petite pour son âge et faisait de l’urticaire chronique, qui lui couvrait tout le corps et l’embarrassait.
« On se moquait souvent de moi à l’école, confie-t-elle. Les enfants peuvent être méchants, et ils ont tendance à s’en prendre à ceux qui semblent différents. C’était très difficile. »
Mme Zervakos a été hospitalisée tellement souvent qu’elle a dû reprendre sa 2e année. Un médecin a dit à ses parents qu’elle ne réussirait jamais à finir son secondaire. Des années plus tard, un autre médecin lui a assuré que tout se passait entre ses deux oreilles et lui a prescrit des antidépresseurs. Elle était au milieu de l’adolescence quand un médecin a décidé de la soigner pour quelque chose d’apparenté au lupus ou à l’arthrite rhumatoïde, même si son diagnostic demeurait mystérieux.
Malgré tous ses problèmes, Mme Zervakos a terminé ses études, est devenue infirmière spécialisée en soins intensifs, s’est mariée et a eu deux enfants. Toutefois, faute d’un traitement adapté, sa santé se détériorait constamment. À l’automne 2011, sa situation était critique lorsqu’elle a été orientée vers le Dr Christian Pineau, rhumatologue et codirecteur de la clinique du lupus et de la vasculite de l’Hôpital général de Montréal (HGM) du CUSM, pour subir d’autres tests.
« Quand Malinda a vu le Dr Pineau pour la première fois, elle était extrêmement faible et malade, affirme Sean Traynor, son mari. La Dre Magdalena Drewniak et lui ont été extraordinaires. Ils ont ignoré ses antécédents, ont écarté le lupus et l’AR et ont décidé de chercher dans une nouvelle direction. »
Le Dr Pineau a entrepris une série de tests et de consultations et s’est mis à évaluer la possibilité d’un trouble génétique. Après une investigation et une analyse intensives, lui et son équipe sont parvenus à la conclusion que l’ensemble de symptômes dont souffrait Mme Zervakos depuis si longtemps évoquaient le syndrome de Muckle-Wells. Ce type de syndrome de fièvre périodique est responsable de la mutation d’un gène qui incite le système immunitaire à réagir de façon excessive et à déclencher l’inflammation.
Les résultats des tests de l’appareil gastro-intestinal demandés par le docteur Gary Wild, un gastroentérologue, ont donné un deuxième indice au Dr Pineau. En effet, ils ont révélé que Mme Zervakos souffrait d’amylose secondaire, une maladie rare qui se déclare lorsque des protéines anormales, les substances amyloïdes, s’accumulent dans les organes.
« L’amylose est une maladie rare qui se manifeste chez les gens atteints d’inflammation chronique. C’est une complication connue de maladies comme le SMW, précise le Dr Pineau, qui est également directeur du Département de rhumatologie et professeur adjoint au Département de médecine de l’Université McGill. Les résultats de cette biopsie ont renforcé notre diagnostic, qui a ensuite été confirmé par un test génétique. »
Peu après, Mme Zervakos était tellement faible qu’elle a dû être hospitalisée à l’HRV et nourrie par nutrition parentérale totale (NPT), c’est-à-dire par alimentation intraveineuse, sous les soins du Dr Errol Marliss. (Voir : La nutrition parentérale totale sauve la vie des patients ayant de graves troubles digestifs)
« Ces médecins m’ont sauvé la vie, déclare-t-elle. Si je n’avais pas été hospitalisée et si on ne n’avait pas mise sur NPT, je ne serais plus là aujourd’hui. »
Ce diagnostic en main, Mme Zervakos a fait subir le test génétique à ses enfants. Sa fille de neuf ans, Megan, est en bonne santé, mais Liam, son fils de six ans, a obtenu un résultat positif. (Voir : Un diagnostic rapide qui change tout dans la vie du jeune Liam)
Mme Zervakos et Liam sont tous deux traités et suivis au CUSM par le Dr Emil Nashi, immunologiste, et la Dre Rosie Scuccimarri, rhumatologue pédiatre, ainsi qu’aux National Institutes of Health (NIH), un centre de recherche biomédicale situé à Bethesda, aux États-Unis. Selon le Dr Pineau, cette démarche coopérative est positive pour Mme Zervakos et Liam, et essentielle dans le cas de maladies aussi rares.
« Les NIH sont un centre de recherche de pointe qui évaluent et traitent des patients du monde entier atteints de maladies auto-inflammatoires rares. Les spécialistes du CUSM reçoivent leurs rapports et font le suivi de Malinda et de son fils. »
Le diagnostic a permis à Mme Zervakos de trouver des groupes d’entraide pour les patients atteints de troubles rares*, tandis que la NPT et le traitement du SMW lui ont enfin donné la possibilité de mener une vie normale.
« Oui, j’ai une maladie rare, mais j’ai un mari merveilleux et une famille fantastique. Et maintenant, je sais que je ne suis pas seule, dit-elle. Tout ce qui m’est arrivé a permis de diagnostiquer mon fils rapidement. Liam ne sait pas ce que c’est que d’être malade, et il va mener une belle vie. »
*CORD.CA est un réseau national canadien d’organismes qui représentent toutes les personnes atteintes d’une maladie rare. NOMIDALLIANCE.COM favorise la sensibilisation, le diagnostic et le traitement adéquats et l’amélioration des soins des personnes d’une maladie auto-inflammatoire.
Un diagnostic rapide qui a permis au jeune Liam d’éviter le pire
Avant d’obtenir un diagnostic de syndrome de Muckle-Wells (SMW) à l’âge de trois ans, Liam, le fils de Malinda Zervakos et Sean Traynor, était un petit bonhomme tranquille, passif et câlin qui souffrait de fièvres récurrentes, de légères éruptions cutanées et de problèmes oculaires et auditifs.
« Les enfants ont souvent de la fièvre et des éruptions, mais il est important de savoir que les mêmes symptômes qui n’arrêtent pas de réapparaître sont peut-être révélateurs d’un autre diagnostic, indique la Dre Rosie Scuccimarri, rhumatologue pédiatre à l’Hôpital de Montréal pour enfants du Centre universitaire de santé McGill (CUSM). Liam a été chanceux. Il a subi le test dès que le diagnostic de SMW de sa mère a été confirmé. Si le syndrome n’est pas dépisté assez tôt, 25 % des enfants sont affligés par une amylose, un trouble au potentiel fatal, et jusqu’à 60 % souffrent d’une perte auditive. »
Malgré le diagnostic, les patients atteints d’une maladie rare et leur famille sont aux prises avec d’importantes difficultés.
« Ils se sentent seuls parce, dans leur entourage, personne n’est atteint de la même maladie qu’eux, explique la Dre Scuccimarri. Ce peut être frustrant de toujours avoir à expliquer le problème aux médecins et de défendre les intérêts de leur enfant. Certains traitements peuvent être très douloureux. La famille vit également avec l’incertitude que des troubles potentiels se déclenchent et que les médicaments perdent leur efficacité. Ils doivent faire confiance au système médical, qui n’a pas toutes les réponses sur les maladies rares. »
La Dre Scuccimarri est heureuse que Mme Zervakos et Liam soient également suivis aux National Institute of Health(NIH) de Bethesda, aux États-Unis. C’est elle qui les y a aiguillés.
« Nous ne pouvons pas rester dans notre tour d’ivoire lorsqu’il est question de maladies rares, indique-t-elle. Nous devons nous assurer que nos patients reçoivent les meilleurs soins possible. Les NIH font partie des centres de recherche qui connaissent le mieux ces maladies, et nous devons en tirer parti pour nos patients.
« Liam reçoit une injection quotidienne. Bien qu’il soit douloureux, le traitement a des effets positifs sur sa santé », observe la Dre Scuccimarri.
« Liam s’en tire mieux que prévu. Les médicaments ont renversé les changements oculaires et la perte auditive et ont considérablement réduit l’inflammation qui entourait le cerveau, conclut-elle. Nous sommes très optimistes. »
La nutrition parentérale totale sauve la vie des patients ayant de graves troubles digestifs
Pour des patients comme Malinda Zervakos, qui souffrent de malnutrition grave et ne peuvent pas absorber les aliments autrement, la nutrition parentérale totale (NPT) est la seule solution.
« Administrée par voie intraveineuse, la NPT transmet des éléments nutritifs soigneusement assortis aux besoins de chacun. La plupart des patients hospitalisés y restent branchés en tout temps jusqu’à ce qu’ils soient guéris ou que leur maladie soit maîtrisée », déclare le Dr Erroll Marliss, directeur du Service de soutien nutritionnel du Centre universitaire de santé McGill et professeur Garfield Weston de nutrition à l’Université McGill.
Lorsqu’elle a été hospitalisée à l’Hôpital Royal Victoria, Mme Zervakos devait être sur NPT 18 heures par jour, sept jours par semaine. Après son congé, elle a été admise au programme de NPT à domicile de l’hôpital, l’un des trois seuls du Québec à être offerts aux adultes.
« Pour la plupart de nos 30 patients, la NPT à domicile améliore la qualité de vie et permet de reprendre ses activités et son travail, affirme le Dr Marliss. De plus, le programme est rentable, car les patients n’ont pas besoin de demeurer hospitalisés. »
La NPT à domicile est un traitement exigeant. Il faut avoir l’équipement approprié, un endroit pour les préparations stériles et une hygiène rigoureuse afin de prévenir les infections. Ainsi, les patients qui adhèrent au programme doivent être formés par une équipe d’infirmières-cliniciennes et de diététistes spécialisées et expérimentées. »
Mme Zervakos, infirmière de formation, n’a eu aucune difficulté à respecter les exigences nécessaires pour s’autoadministrer la NPT à domicile, précise le Dr Marliss.
« Tout au long de son traitement, Malinda a adopté une attitude exemplaire! Elle a encore besoin de perfusion cinq nuits par semaine et porte un sac à dos spécial qui lui permet de se déplacer, tout en continuant la perfusion. Sa médication principale, combinée à la NPT, est si efficace qu’elle pourrait réduire encore davantage sa dépendance à la nutrition intraveineuse dans le futur. »