Espoir, réflexion éthique et la vie d'un garçon
Alors que tous les traitements avaient échoué, et que chaque minute comptait pour son jeune patient atteint de leucémie, un médecin s'est associé au panel de pédiatrie du Comité d'éthique de la recherche (CER) du CUSM afin de mettre au point pour lui une étude sur mesure et faire renaître l’espoir.
Sebastian Call, un garçon enjoué âgé de neuf ans, luttait depuis février 2015 contre une leucémie myéloblastique aiguë (LMA) – une forme de cancer qui prend naissance dans les cellules souches du sang et que l'on retrouve plus souvent chez les adultes.
« La première phase des traitements, qui a eu lieu à l'Hôpital de Montréal pour enfants (HME), s'est déroulée sans problèmes, ni complications, explique Jennifer Wykes, la mère de Sebastian. Il a été en rémission pendant cinq mois; mais en avril 2016, le cancer est revenu et nous avons dû tout recommencer à zéro », confie-t-elle.
Sebastian a subi un autre traitement de chimiothérapie et a participé à une étude clinique destinée à tester un nouveau médicament pour les enfants. Mais le cancer résistait et le temps était compté pour le jeune patient.
« C'est à ce moment-là que l'oncologue de Sebby, la Dre Sharon Abish, nous a parlé de cette étude menée sur des adultes à l'Hôpital Royal Victoria, relate Jennifer. Nous avons repris espoir ».
« La leucémie de Sebastian présentait une anomalie que l'on retrouve plus communément chez les adultes, et nous étions alors en phase I des essais cliniques chez l’adulte pour un médicament ciblant précisément cette anomalie », explique la Dre Abish, hématologue et oncologue pédiatrique à l'HME.
La première phase d'une étude clinique est souvent la première fois qu'un nouveau médicament ou une nouvelle thérapie est expérimenté sur les humains. Elle vise à évaluer les effets secondaires, l'innocuité, la tolérance et la posologie du traitement. Elle peut comporter plus de risques pour les participants, et bien que certains patients puissent bénéficier d'un traitement expérimental précoce, beaucoup n'en tireront aucun avantage. Les chercheurs attendent habituellement le résultat des essais sur les adultes avant d'amorcer la phase 1 de l'étude sur les enfants, mais dans le cas de Sebastian, il fallait agir vite.
« Nous avons estimé qu'il était justifié d'essayer ce nouveau traitement, explique la Dre Abish. Toutefois, ce dernier étant seulement à l'étude sur les adultes, il n'était pas disponible pour les enfants. Nous avons donc approché la société qui fabrique ce médicament ainsi que Santé Canada pour voir s'il était possible d'y avoir accès en dernier recours pour Sebastian ».
Une étude pour un patient
Pour Santé Canada, la seule façon d'autoriser Sebastian à tester le nouveau médicament était de mener une étude clinique conçue à son intention, mais sur le modèle de l'étude réalisée auprès des adultes. Dès lors, la Dre Sharon Abish s'est mise au travail, en s'associant au panel de pédiatrie du Comité d'éthique de la recherche (CER), un regroupement de professionnels venant d'horizons divers, dont la mission est d'évaluer et d'approuver toutes les activités de recherche portant sur des humains. L'un des objectifs prioritaires du CER est de promouvoir l'accès à la recherche clinique de pointe, tout en assurant la sécurité et le bien-être des participants. Pour ce faire, il veille surtout à ce que les patients, ou les parents des patients quand il s'agit d'enfants, puissent faire des choix éclairés quant à leur participation aux travaux de recherche.
« Le consentement éclairé est la pierre angulaire des essais cliniques », déclare Lori Seller, coprésidente du panel de pédiatrie du CER-CUSM. Et d'ajouter : Nous devons fournir un maximum d'informations aux patients – ce que nous cherchons à apprendre, les procédures que nous allons suivre, les risques, les bénéfices, les coûts – mais d’une manière qui soit tout à fait compréhensible. Lorsqu’il s’agit d’enfants, la situation est toujours plus complexe, car nous demandons aux parents de prendre la décision en leur nom. »
Compte tenu de l'intérêt manifesté par les parents de Sebastian pour l'étude, nous étions prêts à lancer la première phase des essais. Bien que l'équipe du CUSM ait fait tout son possible pour agir rapidement sans rien laisser au hasard, pour Jennifer et son mari, le processus a parfois été éprouvant.
« La Dre Abish nous avait prévenus qu'il y aurait de nombreuses étapes et que le traitement ne ferait pas effet immédiatement », se rappelle Jennifer. C'était frustrant de devoir attendre, mais nous savions que tout le monde travaillait fort pour que Sebastian ait accès au médicament. »
« La réunion visant à examiner les nouveaux protocoles de recherche, c'est-à-dire le descriptif des essais, ne devait pas avoir lieu avant plusieurs semaines, se souvient Lori Seller, et la Dre Abish craignait que Sebastian ne puisse pas attendre jusqu'à cette date. Le médicament étant lent à agir, plus tôt le traitement pouvait commencer, plus grandes étaient les chances qu'il soit bénéfique à Sebastian ».
Informés de la situation, les membres du CER ont répondu à l'appel. Ils ont convoqué une réunion exceptionnelle pour revoir et approuver le protocole, qui a ensuite été transmis à Santé Canada pour autorisation. Peu de temps après, Sebastian commençait le traitement.
« Le processus peut prendre du temps, il est onéreux et frustrant, mais les délais s’expliquent par les mesures que l'on doit prendre pour protéger les patients et faire en sorte que les travaux de recherche respectent l'éthique », observe la Dre Abish.
Évolution défavorable
Sebastian a démarré le traitement en novembre. Au début, ce dernier semblait marcher et les effets secondaires étaient minimes, mais en mars, la santé du jeune garçon s'est dégradée. Il est décédé le 14 mars. La vie de Sebastian n'a pu être sauvée, mais les connaissances tirées de sa participation à la recherche bénéficieront peut-être un jour à d'autres enfants.
Cet article est dédié à Sebastian Call et à ses parents, Jennifer Wykes et Steve Call, dont le courage, l'ouverture et la générosité ont profondément touché toute l'équipe de soins de Sebastian à l'Hôpital de Montréal pour enfants.
Parlons de l'éthique médicale
En tant que patient, vous êtes-vous déjà demandé si vous devriez ou non participer à une étude de recherche? En tant que parent, avez-vous eu à décider si la participation à la recherche serait une bonne chose pour votre enfant? En tant que professionnel de la santé, avez-vous réfléchi à ce que les participants ont à dire au sujet de la recherche?
« Nous sommes tous concernés par les questions d'éthique médicale : les patients et leur famille, les soignants et la communauté », observe Veronique Fraser, conseillère en éthique pour le Centre d'éthique appliquée du CUSM et organisatrice de la Semaine nationale de l'éthique de la santé. La Semaine nationale de l'éthique de la santé, qui se tiendra du 3 au 7 avril, constitue l'occasion pour les institutions médicales et éducatives, les comités d'éthique, les professionnels de la santé, les chercheurs, les organismes communautaires, les entreprises et la population de mener une réflexion et un débat sur les enjeux éthiques ».
Le CUSM invite donc tous les membres de la communauté du CUSM aux événements suivants :
- « Prendre part à la recherche : ce qu'en disent les patients et les participants »
Qu’est-ce que cela implique de participer à la recherche médicale? Rebecca Dresser est experte en éthique biomédicale et a reçu un diagnostic de cancer. Elle nous explique pourquoi elle a pris la décision difficile de ne pas prendre part à un essai clinique pour la lutte contre le cancer.
Sa présentation aura lieu le lundi 3 avril 2017, de 16 h 15 à 17 h 15, dans la salle DS1.1427 au site Glen du CUSM. Ouvert au public, arrivez tôt! Les places sont limitées.
- « Considérations éthiques dans la première phase des essais cliniques »
Jonathan Kimmelman, professeur associé à l'Unité d'éthique biomédicale du Département d'études sociales de l'Université McGill et spécialiste de l'éthique des études réalisées pour la première fois chez l'être humain, abordera les principaux enjeux éthiques à prendre en considération dans la première phase des essais cliniques.
Mardi 18 avril 2017, de 12 h à 13 h, auditorium de l'Institut de recherche (IR), site Glen du CUSM.
Les deux conférences se dérouleront en anglais. Pour obtenir davantage d'informations, écrivez à [email protected] ou appelez au 514 934-1934, poste 34323.