De Montréal à Maputo

Au cours des 30 dernières années, les progrès de l'imagerie médicale ont permis de diagnostiquer certaines maladies plus tôt et d’améliorer les pronostics pour les patients. S'il est une personne qui mesure la portée de ces avancées, c'est le Dr Ricardo Faingold, radiologiste pédiatre à l'Hôpital de Montréal pour enfants du Centre universitaire de santé McGill (HME-CUSM). Mais il sait aussi que de nombreux endroits dans le monde manquent de ressources et de savoir-faire dans ce domaine. De retour d'un voyage de coopération à Maputo au Mozambique, il nous explique comment il contribue à faire changer les choses. 

Quel était le but premier de votre voyage?

Le but était de partir former le personnel et les résidents des services de pédiatrie, de néonatalogie et de radiologie de l'Hôpital central de Maputo. Il s'agissait d'une initiative de la World Federation of Pediatric Imaging (WFPI), réalisée en partenariat avec l'Université de Californie à Los Angeles (UCLA) dans le cadre de son programme Global Health.

De Montréal à Maputo

J'y ai séjourné une semaine pour enseigner les techniques d'examen radiologique, principalement les échographies, et donner plusieurs ateliers et conférences sur des sujets divers.

Pourquoi les échographies?

L'échographie est une technologie de diagnostic particulièrement utile en pédiatrie, d’une part parce qu'elle n'implique pas de rayons X et, d’autre part, parce qu’elle requiert du matériel généralement peu encombrant et peu coûteux. C'est un outil très intéressant pour travailler avec les enfants; il est même possible de faire des échographies du cerveau chez les bébés par la fontanelle. Parce qu’il permet de diagnostiquer et de surveiller de nombreuses pathologies potentiellement mortelles pour les nouveau-nés, ce type d'échographie est essentiel au sein d'une unité de soins intensifs néonatals (USIN).

Quelle est la première chose que vous ayez faite en arrivant?

De Montréal à Maputo

Je suis arrivé un dimanche soir, le 27 novembre, et j'ai été très bien accueilli par le Dr Chris Buck, pédiatre responsable du programme Global Health de l'UCLA, qui travaille à l'Hôpital central de Maputo depuis trois ans maintenant. Le lendemain matin, j'ai rencontré les responsables administratifs de l'hôpital, avec qui nous avons organisé les cours et les conférences, puis je me suis rendu à l’USIN pour montrer aux soignants comment réaliser des échographies sur les bébés prématurés.

Je faisais moi-même les échographies, tout en leur enseignant la technique, et nous avons examiné ensemble tous les bébés qui se trouvaient dans le service.

Comment cela s'est-il passé dans l’ensemble?

À ma grande surprise, leur matériel d'échographie se trouvait encore dans son emballage! C'était un don du gouvernement chinois, mais n'ayant pas d'ingénieur biomédical sur place pour l'assembler, ils m’ont demandé si je pouvais m'en charger et j'ai immédiatement recruté un des résidents pour m'aider. Après quelques heures, tout était prêt à fonctionner! Cela n'a pas été facile, mais il était crucial de monter ces appareils afin que l'USIN, qui n’est pas située dans le même bâtiment que les services de radiologie et de pédiatrie, puisse être techniquement autonome.

Quelles étaient vos principales missions?

J'ai donné neuf conférences au total, essentiellement à des pédiatres et à des chirurgiens, sur des thèmes aussi variés que les rayons X, les tomodensitomètres, l'IRM et l'échographie. Je leur ai enseigné les bases de la lecture des images, de sorte qu'ils puissent aider les patients au quotidien. Ils ont également appris comment identifier les pneumonies, les complications de pneumonies, les maladies congénitales du nouveau-né et les maladies de l'abdomen exigeant ou non une opération chirurgicale, entre autres.

Un matin, j'ai également accompagné le Dr Buck, les résidents et l'équipe de chirurgie générale dans leurs visites des unités de soins. Comme vous pouvez l'imaginer, certains enfants souffraient de malnutrition et vivaient à n’en pas douter dans des conditions économiques et sociales très difficiles. Nous avons diagnostiqué de nombreuses pathologies, comme des cas de tuberculose, des tumeurs rares, des infections, des abcès, des occlusions et des torsions intestinales.

Avez-vous eu l'occasion de rencontrer les radiologistes locaux?

Avez-vous eu l'occasion de rencontrer les radiologistes locaux?

Les radiologistes sont très peu nombreux et aucun d'eux n'est expert en radiologie pédiatrique. Ils sont toujours extrêmement occupés et n'ont pu assister à un grand nombre de conférences, mais j'ai pu passer un peu de temps avec eux et leur faire part de mon expérience en pédiatrie.

Qu'est-ce qui vous a motivé à entreprendre cette mission?

De Montréal à Maputo

De nos jours, dans les pays comme le Canada et les États-Unis, la pratique de la médecine repose en grande partie sur la technologie et l'imagerie médicale. Nous avons la chance, ici au CUSM, de compter dans nos rangs de nombreux radiologistes qui peuvent effectuer les examens et interpréter les résultats jour après jour. Si le chirurgien nous appelle pour une urgence, nous pouvons être disponibles dans l'instant. Tous les hôpitaux n'ont pas cette souplesse. Je crois fermement que nous pouvons améliorer les soins offerts aux patients partout dans le monde en facilitant l'accès à l'imagerie médicale.

Vous êtes d'origine brésilienne. J'imagine que le fait de parler portugais était un atout pour ce voyage?

Oui, bien sûr. J'ai pu enseigner dans leur langue et interagir efficacement avec les patients et leur famille.

Prévoyez-vous de travailler encore avec la WFPI?

J'aimerais renouveler l'expérience, c'est certain. En attendant, je fais ce que je peux pour apporter mon aide à distance. Comme beaucoup d'autres bénévoles qui travaillent avec la WFPI, je lis parfois des tomographies et des radiographies qui nous sont envoyées de régions isolées d'Asie et d'Afrique, où ils ont accès à certaines technologies d'imagerie, mais manquent d'experts pour interpréter les images. Je le fais régulièrement et je suis heureux de pouvoir les aider à soigner leurs patients. Mais en réalité, le mieux est de leur apprendre à le faire eux-mêmes. Nous voulons leur donner les moyens d'agir, c'est pourquoi nous devons continuer de nous déplacer dans ces régions et sensibiliser la communauté à l’importance de ces missions.

Sur le plan personnel, qu'est-ce que ce type de travail vous apporte?

Quand vous transmettez un savoir à quelqu'un et que cette personne commence à le mettre en pratique, vous pouvez constater l'impact direct sur les soins aux patients. C’est très satisfaisant. En outre, nous n'aidons pas que les patients que nous avons vus pendant notre séjour. Grâce au transfert de connaissances, nous contribuons à mieux soigner tous les futurs patients. Je suis fier de dire que l'USIN de l'Hôpital central de Maputo peut aujourd'hui effectuer des échographies crâniennes de routine avec son propre matériel. Nous tissons aussi des liens personnels avec des confrères sur place, et cela compte beaucoup pour nous.