Parlons-en!

« Depuis que je pratique la médecine, j’ai vu des patients, des familles et des membres du personnel être frustrés par quelque chose qui se résume souvent à un malentendu », rapporte le Dr Sasha Dubrovsky, urgentologue pédiatre à l’Hôpital de Montréal pour enfants du Centre universitaire de santé McGill (HME-CUSM), et aussi coprésident du Bureau de la qualité et de la formation continue de l’HME. Le Dr Dubrovsky a été l’un des principaux architectes de la campagne « Parlons-en » en 2015, qui encourageait le personnel de l’HME, les patients et les membres des familles non seulement à parler, poser leurs questions et exprimer leurs préoccupations, mais aussi à s’écouter les uns les autres.

« La communication est essentielle pour assurer la sécurité, améliorer les soins et engendrer du changement, explique le Dr Dubrovsky. Mais, c’est un travail en perpétuelle évolution pour tout le monde, y compris pour des gens comme moi qui ont constamment cette préoccupation en tête. »

Communiquer efficacement peut être particulièrement difficile pour les professionnels de la santé, qui évoluent dans un milieu complexe qui requiert beaucoup de concentration et une prise de décision rapide.

« Notre esprit a tellement d’idées en concurrence qui vont dans toutes les directions, que parfois on ne réalise même pas qu’on ne communique plus, dit le Dr Dubrovsky.

Personne ne vient travailler en se disant “je vais être un mauvais communicateur aujourd’hui”, mais parfois, on a juste besoin d’outils et de stratégies pour nous aider à mieux communiquer et ainsi offrir les soins les plus sécuritaires possible aux patients et familles. »

La transition des soins, un moment crucial

L’un des moments clés où une communication efficace est cruciale, c’est lors de la transition des soins à un autre professionnel. Par exemple : au transfert, quand la responsabilité des soins d’un patient est transférée à un autre travailleur de la santé; aux changements de quart; lors du transfert des patients du département d’urgence ou de l’unité de soins intensifs à une unité de soins; ou encore au moment du congé.

« Nous savons que le risque de malentendus, d’erreurs et de perte d’information vitale sur les patients augmente aux points de transfert », explique Sophie Baillargeon, directrice associée des soins infirmiers par intérim pour la qualité, la performance et l’engagement des patients au CUSM. « Les dossiers médicaux électroniques sont utiles, mais pour assurer la sécurité des patients et minimiser les risques, la communication doit se faire par écrit et verbalement. Et idéalement, il devrait y avoir une standardisation des processus de transfert partout dans l’organisation, de façon à ce que tout le monde procède toujours de la même manière. »

Les professionnels de la santé doivent aussi veiller à impliquer les patients et les membres de la famille pendant ces délicats points de transfert.

« Quand les patients reçoivent leur congé pour rentrer à la maison ou aller dans un autre établissement, par exemple, il est important de leur donner les bonnes informations sur leur état de santé, leur plan de traitement et leurs médicaments prescrits, mais il est aussi essentiel de leur demander s’ils ont bien compris l’information qui leur est donnée et s’ils ont d’autres questions », ajoute le Dr Dubrovsky.

Dr Sasha Dubrovsky
Dr Sasha Dubrovsky

Parler le même langage

Fervent adepte d’une communication efficace pour le transfert des soins, le Dr Dubrovsky a mis en place une stratégie appelée SAER pour les transferts dans les unités médicales et au département d’urgence.

« SAER est l’acronyme de “Situation, Antécédents, Évaluation, Recommandation” (ou SBAR en anglais pour Situation, Background, Assessment, Recommendation). C’est une façon simple d’uniformiser la structure d’une conversation et d’aider le personnel à préparer les gens au transfert. Ils doivent prendre un moment pour suivre la structure et rédiger leurs notes en conséquence. Nous avons par la suite ajouté un dernier R pour relecture, pour nous assurer que le message est compris. » 

SAER n’est que l’un des nombreux outils et stratégies utilisés pour soutenir une communication efficace lors du transfert des soins au CUSM. Dans le cadre du programme d’agrément Qmentum, chaque organisme de soins de santé doit mettre en place un certain nombre de pratiques organisationnelles requises (POR) qui minimisent le risque et améliorent la sécurité des patients. Les POR traitant spécifiquement de la communication incluent la liste de vérification d’une chirurgie sécuritaire, l’identification des usagers, la liste d’abréviations qui ne doivent pas être utilisées et le transfert de l’information aux points de transition des soins (voir l’encadré : Communication efficace et sécurité des patients).

La voix du patient

À l’image des professionnels de la santé qui doivent communiquer plus efficacement, les patients et les familles doivent aussi partager leurs points de vue sur les soins qu’ils reçoivent. Après tout, ce sont eux qui sont aux premières loges pour voir les précautions prises pour assurer leur sécurité, comme le lavage des mains, l’identification du patient et l’administration des médicaments.

« Quand les patients participent à leurs soins, ils peuvent aider à corriger des malentendus et à prévenir des erreurs, explique Sophie Baillargeon. Si un patient remarque que la pilule verte qu’il prend tous les jours est soudainement rose, il devrait demander pourquoi. Au bout du compte, c’est de leur santé dont il s’agit. Nous devons donc créer un environnement de partenariat avec les patients et les familles pour ainsi les encourager à communiquer et à participer activement à leurs soins, ce qui favoriserait la sécurité des soins au CUSM. »  

POR

Communication efficace et sécurité des patients

Dans le cadre du programme d’agrément Qmentum, chaque organisme de soins de santé doit mettre en place un certain nombre de pratiques organisationnelles requises (POR) qui minimisent le risque et améliorent la sécurité des patients. Pour Qmentum 2018, quatre POR concernent la communication:

LISTE DE VÉRIFICATION D’UNE CHIRURGIE SÉCURITAIRE

Avant chaque intervention chirurgicale, l’équipe de chirurgie complète la liste de vérification d’une chirurgie sécuritaire.

Le saviez-vous?

Les interventions chirurgicales sont de plus en plus complexes. La liste de vérification d’une chirurgie sécuritaire prévient les erreurs chirurgicales et les complications postopératoires.

IDENTIFICATION DES USAGERS

Le personnel doit valider deux identifiants du patient pour s’assurer que le bon patient reçoit le bon traitement. Le nom complet du patient, la date de naissance, le numéro de dossier médical et le bracelet d’identité sont des exemples d’identifiants de l’usager.

Le saviez-vous?
L’identification des usagers prévient les événements comme l’atteinte à la vie privée, les réactions allergiques, les erreurs de médication et les interventions sur la mauvaise personne.

LISTE D’ABRÉVIATIONS QUI NE DOIVENT PAS ÊTRE UTILISÉES

Le personnel doit éviter d’utiliser les abréviations, les symboles et les désignations de dose qui figurent dans la liste « à ne pas utiliser ». Cela évite des erreurs, comme les omissions, les doses supplémentaires ou inappropriées, l’administration du mauvais médicament ou l’administration inadéquate d’un médicament.

Le saviez-vous?
Ce sont les erreurs de médication qui constituent la plus importante catégorie d’événements rapportés dans les hôpitaux.

TRANSFERT DE L’INFORMATION AUX POINTS DE TRANSITION DES SOINS

Fournir de l’information sur les soins au patient de manière uniformisée, précise et à jour au moment de la transition des soins (changement de quart, congé, etc.) améliore la sécurité des patients.

Le saviez-vous?
Les professionnels de la santé doivent avoir de l’information précise et à jour pour minimiser les malentendus et prévenir les erreurs. Les patients et les familles doivent aussi être bien informés quand ils préparent le retour à la maison ou le transfert vers une autre unité ou un autre établissement de soins.

 

Qmentum18